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RAMSES 2013

Ce matin, à l'IFRI, se tenait la présentation officielle du RAMSES 2013, le rapport annuel de l'institut. J'y étais invité, puisque j'ai commis un article sur L'OTAN après le sommet de Chicago. Cette présentation a été l'occasion d'un exposé introductif d'Elisabeth Guigou (présidente de la commission affaires étrangères de l'AN), puis d'interventions d'Eric Israelewicz (Le Monde), Philippe Moreau-Desfarges (IFRI, coordonnateur du RAMSES) et Th. de Montbrial, président fondateur. J'en ai tiré qq idées que voici....

source

1/ E. Israelewicz : Il y a une triple crise financière, économique et écologique. Or, les trois tentatives de régulation internationale pour y faire face ont échoué : Los Cabos (G 20), Doha (OMC) et Rio (Ecolo) se sont conclus par des échecs (j'oserai ajouter : qui n'ont même pas été retentissants!). Il n'y a plus que des accords bilatéraux ou régionaux, et plus d'accord global alors que le monde en réseau l'est. C'est contradictoire.

2/ Ph. Moreau-desfarges. Plus optimiste, car nous vivons une révolution à quatre dimensions : la mondialisation, l'accélération des rythmes historiques, la planétarisation des luttes sociales (si la moitié de la population mondiale appartient aux couches moyennes, remarquons l'opposition entre les classes moyennes qui s'appauvrissent -celles des pays développés - et celles qui s'enrichissent -celles des émergents), et la construction de mécanismes de régulation planétaire.

3/ Th. de Montrbial est revenu sur la crise syrienne : Nous fabriquons au Moyen-Orient un nouveau conflit Est-Ouest, très différent de celui d'autrefois. L'ASL est une mosaïque, non structurée et à laquelle s'agrègent plein de ferments d'AQ. Ça va durer longtemps en Syrie, et ce sera sanglant, (guerre civile avec risque de recommunautarisation à l’issue). Les acteurs régionaux sont en désaccord : Israël ne pense qu'à l'Iran, la Turquie a cru que ses succès économiques suffisaient à remodeler la zone et se trouve maintenant fort embarrassée, l’Égypte est mystérieuse, et l'Iran ne veut pas assouplir sa position (discours pan-islamique).

Selon lui, au plan mondial, le différend est majeur. Les Russes (et les Chinois) sont convaincus de deux choses : l'approche occidentale de l'islamisme est folle, et les Occidentaux n'ont d'autre ambition que de déstabiliser leur régime (cf. la tonalité de la presse occidentale). Enfin, la crise syrienne est l'occasion de revenir au Moyen-Orient dont ils avaient été exclus depuis deux décennies (sans même parler du sentiment d'avoir été floués dans l'affaire libyenne).

Il note en fin de compte que l'Iran se tourne vers l'Asie, et notamment la Chine. Et de citer René Grousset (le spécialiste de l'Asie dans les années 50-60), pour qui l'Iran est asiatique.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 12 septembre 2012, 21:47 par Colin L'hermet

Bonsoir Dr Kempf,

Sur ces transferts de richesse entre classes moyennes du monde (encore un flux !), "une hirondelle ne fait pas le printemps".
La macroéconomie et la sociologie ne font pas bon ménage.

Ces classes moyennes sont des tranches de population. Pas un état individuel.
Le maintien voire l'augmentation d'un taux de classe moyenne dans la population peut masquer la dynamique interne des populations, notamment l'appauvrissement-déclassement des individus ayant formé une classe moyenne précédemment, remplacés en quantité par une génération nouvelle.
Certes, a) ce type de déclassement ne touche pas des émergents (je pense aux clans Bazaris Iraniens) mais des pays autocratiques non émergés (voire en route pour boire la tasse), souvent plaques de flux exogènes venant troubler l'économie locale (tourisme, accès locatif et foncier, etc.).
Et b) il est probable qu'un macroaccroissement de la classe moyenne corresponde à une stabilisation-préservation des classes moyennes de la génération précédente.

Mais, réel ou seulement ressenti, le déclassement génère toujours un sentiment de crainte (Wilhelm Reich et sa Psychologie de masse du fascisme), autrefois propice aux poussées populistes de masse, et aujourd'hui propice aux mouvements de contestation de masse.

Dans ces conditions, la seule démonstration, par des indicateurs chiffrés, de l'existence d'une classe moyenne un tant soit peu stable, ne saurait suffire pas à ancrer un pays dans la stabilité géopolitique.
Mais je chipote.
La croissance des émergents, avec des chiffres à faire s'évanouir un ministre du redressement productif en France, leur accorde la latitude pour contribuer à la réforme de nos modes de gouvernance.

Mais il apparaît qu'ils ne veulent toujours pas agir à l'échelon planétaire, et surtout pas en tête, mais simplement peser plus ou moins diplomatiquement sur leurs zones régionales respectives (diplomatie de mini-clubs) afin de relayer et répartir le poids de leurs pressions croissantes sur l'hyper-puissance US à laquelle ils demeurent irrémédiablement liés (créances, réserves de change, puissance militaire, etc).
Dans ces conditions, les formats de gouvernance sont encore loin d'être trouvés.

Tiens, c'est marrant, Ph.Moreau Defarges avait commis en 2006
(je fais les fonds de tiroir, moi, en ce moment ? ou alors mes reférences et moi vieillissons !)
un Que sais-je aux PUF sur la Gouvernance...

gouvernement Vs gouvernance

la gestion juste de la finitude Vs la mise à disposition équitable de l'abondance

un horizon hobbesien Vs un horizon kantien.

Je me demande quelles corrections-commentaires il pourrait souhaiter apporter en 2012 sur les réflexions de cet ouvrage, la donne s'étant clarifiée sur bien des points.

Mais, si je comprends sa définition d'alors, nous nous porterions vers une ère de gouvernement, pas de gouvernance...
... Aïe !

Bien à vous,
Cl'H

egea: je lis un livre de 1988 en ce moment, rendez vous compte.....
2. Le mercredi 12 septembre 2012, 21:47 par ssp consult

Merci docteur pour ces éléments très intéressants pour caler les réflexions

très intéressants dans ce qu'ils omettent autant que dans ce qu'ils évoquent:

-de ce qu'ils évoquent je retiens notamment deux choses ici: le retour de l'affrontement Est/Ouest avec quelque raison de l'Est de penser qu'il est "engagé" non par l'Ouest (la question de son existence véritable n'est pas topique...) mais par les USA. A cet égard la presse occidentale est effectivement significative.
Et second point donc, l'appartenance géopolitique/historique, réelle ou fantasmatique, fondamentale. En l'espèce il est FLAGRANT que les Iraniens sont des asiatiques et c'est la (courte) vision israélienne qui consiste à nous convaincre qu'ils sont "moyen orientaux" (voire arabes...), qui nous leurre (et leurre gravement ce "bastion occidental"). A cet égard qui donc considère, nonobstant les vociférations tenant lieu de "position de la communauté (alléguée) internationale", que les Iraniens pourraient envisager une parité nucléaire autant avec l'ennemi/voisin pakistanais qu'avec Israël, et qu'ils regardent autant vers leur Nord et leur Est que vers l'Ouest ?

-de ce qu'ils omettent ces éléments sont également très féconds: apparemment le concept d'appartenance/tropisme géopolitique et historique du grand absent l'Europe n'est pas évoqué quand celui de l'Iran l'est à juste raison ? Comment ne pas considérer aujourd'hui, en regard du titre du Rapport, les forces centrifuges s'exerçant sur notre mosaïque en difficultés autant culturelles, historiques, politiques qu'économiques ou financières? Evidemment vous le savez docteur je pense notamment au sonderweg teuton/vicking, à ces peuples tournant leurs regards vers l'Est ou le Nord mais toujours vers l'Asie, davantage que vers la Méditerranée fusse-t-elle (autre) porte de ladite Asie (alors l'Atlantique...).

Et donc au passage cette omission de la question d'une crise en matière de "ressources rares" jamais évoquées (laquelle question en l'espèce ne se réduira jamais à une vision "écologique" des choses, concept certes intelligent mais ethnocentré... et visant à évacuant de manière quelque peu idéaliste le principe de la guerre pour la ressource vitale). Je pense vous le savez aux ressources de financement aussi vitales que les ressources énergétiques etc.: plus que le pétrole, le cash est le nerf de la guerre, y compris économique et culturelle à horizon long. Et même à horizon très court, quand on est un état ... proche de l'Ohio..., junckie du refinancement de la dette par davantage de dette.

C'est parce que nous sommes de retour dans le très long terme dans des perspectives d'avenir vertigineuses, bouleversantes, qu'il convient de regarder derrière nous, et autour. Comment s'étonner que Chine et Russie, les géants de l'Asie au sens du supra continent géographique et historique, se pensent là chez eux davantage que nous ne le seront jamais (ce qui n'occultera pas les aversions prodigieuses entre les Nations de la zone). Comment oublier qu'ils n'ont pas oublié, l'Inde (ah oui, au fait...) la première, les comportements qui ont créé cette dynamique économique et financière que nous appelons révolution industrielle anglaise puis occidentale: étudions l'affaire des cotonnades, des "indiennes", elle est éclairante de leur passé et leur vision d'avenir. Elle éclaire les campagnes de "guerre pacifique" par le tissage de Gandhi.

C'est le dernier point: quand nos Nations se dissolvent, comme nos élites le démontrent avec une conception consumériste et badine de la nationalité, n'avons nous pas face à nous sur l'ensemble de ce "bloc" asiatique (à la différence du MO ?) un renforcement puissant des fiertés et antagonismes nationaux, historiques, facteurs belligènes mais également facteurs de dynamisme y compris économique?

Contrairement à ce que nous conservons dans nos schémas de l'époque de la guerre est/ouest, le questionnement stratégique devant nous est complexe, infiniment plus complexe, et pluridisciplinaire. Ecoutons par exemple, les archéologues, ils ont beaucoup de choses à nous apprendre.

Bravo, une rentrée en fanfare notre blog préféré, toujours plus haut!!

Continuez, s'il vous plaît.

3. Le mercredi 12 septembre 2012, 21:47 par Colin L'hermet

Bonjour,

Sur la question de l'Iran, je renverrais volontiers (et de façon intéressée, cf ma conclusion) à la lecture de l'Identité métisse (01/2012), de Daryush Shayegan.
Bien qu'exilé depuis des décennies de sa Perse natale, il apporte une vision de l'époque autour de 1979, constitutive des schèmes actuels de la pensée philosophique iranienne moderne.
Et notamment, en filigrane, la question d'un ancrage asiatique de l'Iran : il est édifiant de voir qu'avant la mise en place du velayat-e-faqih par les mollahs, la philo politique iranienne adorait Arthur Schopenhauer, grand contempteur d'un Occident qu'il décrit comme prosaïque et autodestructeur en regard d'un idéalisation-mythologisation qui répondait opportunément plus au "millénarisme du schiisme" (je guillemette tellement mon expression est caricaturale).

Les docteurs de ladite philo politique iranienne ont eu ensuite le choix entre s'enfuir vers cet occident et métisser leur pensée, ou demeurer sur place et métisser leur pensée à la primauté du religieux : cela donne aujourd'hui des pensées très construites, nationalistes avec extension régionaliste, ancrées dans un temps long et une maîtrise du jeu vers la domination.

Alors ?
Cet ancrage iranien à l'Asie serait-il réel, ou fantasmé ?
Ne risque-t-on pas de faire du déterminisme géographique, et de forcer nos conclusions, juste pour les aligner sur un fait avéré et contemporain : les flux échappatoires à l'étouffement programmé par l'Occident dont le principal acteur demeurerait ces USA impériaux et honnis.
L'Asie est avant tout un bassin de débouché naturel, le Grand Jeu de tant d'acteurs... le viser ou l'utiliser ne vaut pas preuve d'attache culturo-identitaire (sauf à flirter avec les Lebensraum et autres Schmidteries).

Et les convocations de Grousset ou Shayegan ne sauraient forger une certitude.
Pour en rester sur l'ouvrage de Daryush Sayegan, je pense (Grousset, je n'en pense rien, si tant est que je pense, et d'autant moins que je ne l'ai jamais lu) que la lecture d'une pensée dissidente en exil n'est pas suffisamment éclairante et objective pour construire une réponse en soi.

Vos (éventuels) commentaires me seraient donc utiles.

Bien à vous tous,
Cl'H

CyberPS : dans ce dernier opuscule, D.Shayegan ne s'épargne pas le commentaire sur les révolutions arabes (normal, puique leur précurseur mutatis mutandis, le Printemps avorté de Téhéran est source de fierté, bien que n'ayant pas abouti).
Et il déborde sur la vision empruntable à Henri Corbin d'un cyberespace "imaginal", un "pays du non-où" en paraphrasant Sohravardi... 1155. Ca fait vieux pour une acception du cyberespace.
Blague à part... à creuser, peut-être, sur une perse-ception du cyberespace, accordant à certaines cultures (on pense toujours au Chinois ou aux Indiens) une approche plus sémantico-centrée de notre bon www.
Car dans notre cas judéo-chrétien, l'approche religieuse n'est pas non plus absente, notamment par le biais des tabous et des peurs de la machinerie type Hal ou Frankenstein...

Cette fois, j'en ai bien fini.

Bien à tous,
Cl'H

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