La morale publique ? mais nous voyons partout son affadissement et l’augmentation incroyable de la corruption. Une affaire Dreyfus serait-elle encore possible aujourd’hui ? je veux dire, celle où un lieutenant-colonel, de culture antisémite, prenant connaissance d’indices probants innocentant un capitaine juif qui vient d’être condamné, déciderait de ne pas taire sa conscience et de risquer sa carrière pour rétablir les droits de celui qu’il a découvert innocent ? on parle là de courage intellectuel, et non pas de la bonne conscience dont certains font profession.
L’intérêt privé de l’homo economicus qui, comme dans la fable des abeilles, ferait que la somme d’immoralismes individuels réussirait à produire un bien général ? C’est ce que dit l’idéologie du moment. A ceci près qu’on observe les limites évidentes du système, avec la crise actuelle dont on ne voit pas comment sortir. Au contraire, chacun à l’impression diffuse que la « crise » n’est pas justement ce moment « passager » qu’elle revêt dans le vocabulaire médical, mais qu’elle constitue la manifestation de quelque chose de beaucoup plus structurel. Et qu’au fond, la « crise » n’est que la résultante de toutes les impasses accumulées, et surmontées depuis des années et des décennies à coup de tricheries. La crise n'est pas un moment mais une durée.
L’individualisme ? Mais pourquoi cet individualisme serait-il aujourd’hui plus « efficace » qu’autrefois pour prévenir la guerre ? Une raison pourrait être démographique. En effet, l’augmentation des populations (qui arrive, grosso modo, à son terme) a fait que la planète s’est remplie. Par ailleurs, il faut également constater plusieurs tendances très lourdes à l’échelle planétaire : l’urbanisation, la littoralisation, les mélanges de population, et la massification des moyens de communication. Ajoutons également un développement de l’éducation qui touche des populations toujours plus nombreuses, et une augmentation du bien-être général (avez-vous remarqué qu’on ne parle plus jamais dans les journaux de sous-développement ou de pays les moins avancés ?).
Autant de facteurs qui affaiblissent les mouvements collectifs, les effets de masse humaine. De plus en plus d’humains se considèrent comme des acteurs autonomes et non comme des éléments d’un ensemble plus vaste. Dès lors, il leur est de moins en moins nécessaire de s’organiser pour des luttes à mort.
Au fond, l’individualisme entraîne le scepticisme, et donc la fin du collectif. L’Etat n’est là que comme facteur résiduel. Quant à la guerre, à quoi bon ?
O. Kempf
1 De oodbae -
Bonsoir,
oui, d'accord, mais ce faisant, il s'exposent à tout groupe qui prend conscience de soi en tant que tel, par exemple les sectes. L'union fait la force, comme dit le proverbe.
J'ai l'impression qu'egea ignore déliberemment le fait religieux dans son analyse. C'est peut-être la marque du dogme laique dans une certaine vision francaise des sciences sociales, c'est á dire la projection de la laicité francaise sur l'ensemble du monde pour satisfaire le mythe de la vocation universelle de la France.
Pourtant, la religion entraine et même coincide avec une conscience collective qui peut être manipulée pour servir des intérêts personnels ou tiers.
Notamment du fait de la raréfication des ressources naturelles, la pression économique grandira et fera se former à nouveau des camps qui absorberont ou annihileront ceux plus faible et voisins. Ca me rappelle les guerres civiles de l'empire romain durant la crise du troisième siècle. D'après mes souvenirs, une partie de l'empire romain fit sécession vers Palmyre, lassée de la négligence du pouvoir central qui rendait cette région vulnérable aux incursions barbares. Ils instaurèrent le culte de "Sol Invictus" et après leur défaite contre Dèce, l'empereur légitime d'alors, celui-ci voulut faire de cette religion la religion impériale.
En cas de crise, la religion soude le peuple, ou les peuples, contre un ennemi étranger dès l'origine ou contre un corps supérieur dont le peuple concerné faisait partie jusque lors. Dans ce deuxième cas, la religion agit comme un cancer. La religion devient le catalysateur de cette scission du corps, cette part d'ARN modifié qui fait se développer les tumeurs et parfois tue et le corps et la tumeur.
Je suis très loin d'être d'accord avec les conclusions d'egea. L'affaire Merah a prouvé, de même que les affaires de banditisme autour de Marseille, que la société se mine de l'intérieur. Ce n'est pas tant Merah seul qui le prouve mais tout le contexte qui a abouti a son acte, les faits de son entourage, l'impunité du prosélytisme religieux de lui et de certains membres de sa famille et par extension de son milieu social.
On peut croire que la réticulation cybernétique des sociétés modernes favorise la communication entre mouvances et que l'éducation rend les gens trop intelligents pour se faire la guerre. Cela ne veut pas dire qu'on a raison. L'organisation des mafias aux USA par des individus diplômés, la débaûche des soldats d'élite pour former le cartel des ZETAS au Mexique, la réalité de la guerre de l'information (qu'on pourrait appeler la compétition à la désinformation pour conserver l'association guerre-morts) montrent que des gens éduqués mettent tous leur talent et les moyens technologiques pour manipuler les masses afin de servir leurs intérêts personnels ou de tiers.
Ce n'est en général pas la majorité qui déclenche une guerre mais une minorité suffisamment déterminée. Cela s'est vérifié dans les années 30 en Allemagne et en Italie, ainsi qu'au Japon. La violence de la ŕevolution socialiste en URSS à ses débuts fut aussi le fait des bolcheviks, minoritaires parmi les mencheviks en fév 1917. De même durant les guerres de décolonisation, peut on affirmer que la majorité absolue des populations concernées s'est impliquée dans la guerre contre le colon? Je ne crois pas.
La situation en Syrie et en général Proche-Orient, ainsi que dans le Caucase, en Grande-Bretagne par rapport à l'Irlande et l'Écosse dans une certaine mesure, pour ne citer que les exemples les plus connus à l'échelle de l'état, me semblent soutenir la validité perpétuelle de la conclusion suivante.
Ce qu'il faut pour déclencher une guerre, c'est une crise économique au sens large qui rend les consensus impossibles, décrédibilise les modérés et laisse de fait le champ libre aux groupes minoritaires mais organisés et déterminés, dotés d'une conscience collective et donc d'un sens du sacrifice, dont la religion peut constituer la base.
cybercordialement
2 De oodbae -
J'ajoute que l'individualisme empêche peut-être le déclenchement de guerres internationales parce que le peuple refuse dans sa majorité d'envoyer des fils, des cousins, des voisins mourir pour ...rien, en tout cas rien sur son propre compte bancaire, pas pour des causes abstraites.
Mais en revanche, la guerre peut resurgir à l'échelle locale. Mme Aliot-Marie en son temps au ministère de l'intérieur, avait déjà mis en garde publiquement contre le développement d'actes isolés de terrorisme, qu'elle attribuait aux mouvances d'extrême gauche, en bonne femme de droite.
Il est clair qu'aujourd'hui en France, ce n'est plus la fibre nationale qui meut les gens, donc la nation en armes ne s'observera qu'en peinture encore longtemps, mais par contre l'opposition religieuse ou la haine des riches peuvent susciter des conflits armés locaux.
Par ailleurs, la France métropolitaine profite encore d'un tampon avant d'entrer dans une vraie guerre sur son sol, à savoir l'Union européenne. Mais en revanche dans les DOM-TOM?
Et enfin, qu'entend on par guerre? mort ou disparition de l'ennemi? Si il s'agit de disparition, les démographies européennes nous poussent vers une défaite sans combat et on a beau glauser sur le taux de la France à 2.0 enfants par femme en âge de procréer, on voit que les femmes blanches ont bien moins que 1,4 enfant. Mais je dois faire attention à ce que j'écris, on pourrait me faire un procès pour incitation à la haine raciale parce que je parle de dépeuplement des blancs. Apparemment, les blancs se doivent d'être parfaits moralement. A croire qu'ils seraient supérieurs.
Rome ne fut pas sans cesse en guerre. La France est encore engagée dans certains conflits, comme en Afghanistan ou au sein de l'ONU. Les USA sont eux aussi en guerre.
Je ne crois pas à la disparition de la guerre. Comme toujours, il y a des périodes de paix puis des périodes conflictuelles. Enfin, le terrain de la guerre peut évoluer et par exemple migrer vers l'espace cybernétique. Ai-je tort parce qu'on n'imagine guère un cyber-massacre dans une cyber-guerre des cyber-tranchées ? Tout est question de savoir ce qu'on veut imposer à l'ennemi et ce qu'on accepte de se laisser imposer à soi-même.
cyber-cordialement
3 De Patrick Saint-Sever -
juste une remarque relative au fait que les journaux ne parlent plus de sous-développement ou de pays les moins avancés: les deux concepts sont bel et bien, toujours, et hélas sans recul avec le temps, d'actualité. Du moins pour l'ONU et ses agences notamment le conseil économique ou la FAO, ainsi que pour l'OMC. L'immense majorité des PMA est située en Afrique.
http://www.un.org/News/fr-press/doc...
http://unctad.org/fr/Docs/ldc2011ov...
http://www.wto.org/french/tratop_f/...
http://www.fao.org/corp/google_resu...
Donc cette absence serait bien davantage le reflet d'un manquement des systèmes d'information, et peut-être à la fois d'un manquement des pays dits développés envers la problématique du développement, voire de la survie de ces populations et nations, ainsi que d'un malaise inhérent à la "crise" ou plus exactement le sentiment de catastrophe "retomber en arrière" des pays dits "riches"?
Il n'est pas indifférent de relever que deux pays de la zone euro viennent de demander l'aide certes "technique" de la banque Mondiale (qui est dupe de cette terminologie qui ne signifie rien, s'agissant d'un fonds prêteur de deniers...), laquelle est strictement consacrée à l'aide aux pays en développement. Donc nous aurions même des pays riches devenant des pays en développement... Et quand on regarde au-delà de la presse maintsream ce qui se passe dans ces deux pays, on n'a pas l'impression que le chaos fut très éloigné.
Alors, in fine, j'ajouterais bien: la "fin de la guerre" peut trouver son sens dans son premier terme: fin provient de l'ancien français " fin, finer" payer mettre bonne fin. Alors, la fin de la guerre faute du nerf de la guerre ? Le nerf de la guerre expliquant le refus d'envoi de troupes au sol, pas seulement pour des raisons morales, mais financières: logistique pendant, et après: voir l'explosion des coûts du "passif social": soutien psychologique, médical, engagements de retraite maximisés etc.
C'est une certitude aujourd'hui pour nombre de pays, dont la France. Le cas américain sera éclairant dans les prochaines semaines avec le fiscal cliff.
De là à déduire que "fin de la guerre" serait fin des violences, voire des massacres...
4 De Dorian83 -
Bonjour,
Je partage entièrement votre analyse identifiant la montée de l'individualisme comme le seul facteur susceptible d'inhiber le fait guerrier. J'ai d'ailleurs l'impression que cette approche constitue en réalité un prolongement assez intéressant de l'analyse que faisait Tocqueville de la démocratie en son temps.
Celui-ci, étudiant la démocratie américaine, avait identifié que le fondement de ce régime (c'est à dire ce à quoi les citoyens étaient en réalité le plus attachés) était l'égalité. En effet, dans ce magnifique régime abolissant les privilèges liés à la naissance, chacun pouvait prétendre s'élever socialement sur la base de ses propres compétences individuelles, l'Etat n'étant finalement que le garant du maintien de cette égalité (un "facteur résiduel" comme vous dites). En conséquence, il n'y avait plus rien à attendre de la collectivité, si bien que l'individu se repliait sur son environnement proche (famille) pour développer, seul, ses capacités à s'enrichir.
Conclusion qu'en tirait Tocqueville : la démocratie porte donc les germes de sa propre perte car le peuple se désintéresse de la sauvegarde du deuxième principe fondateur de la démocratie : la liberté.
Que penser alors de votre propre conclusion quant au manque de motivation qu'aurait le peuple à défendre l'Etat au péril de sa vie ?
Intuitivement, j'aurais tendance à partager votre point de vue.
Cependant, on pourrait objecter que le sentiment national et la solidarité n'ont pas totalement disparu. Il suffit pour s'en convaincre d'observer les élans de générosité en cas de catastrophe (les dons effectués dans le cadre du tsunami en Asie du SE constituant sans doute l'exemple le plus marquant). Ainsi, il est tout de même possible d'identifier quelques raisons pour estimer que la Nation pourra se dresser d'un bloc contre un menace commune.
Alors, cet individualisme, indissociablement lié à la démocratie, est-il effectivement un véritable inhibiteur de violence ou n'est-il qu'un "simple" danger pour la démocratie, sans conséquence réelle sur sa capacité à lutter contre une menace extérieure et donc sans conséquence sur l’occurrence des guerres ?
Personnellement, je donnerais plutôt raison à notre ami Platon : "seuls les morts ont vu la fin des guerres".
L'individualisme est sans doute le facteur inhibiteur le plus puissant mais ne me parait cependant pas suffisant pour contrer la tendance naturelle des hommes à l'affrontement. Je suis donc définitivement hobesien...
PS : j'ai relu à l'instant votre billet sur Jean Guitton. Vous y aviez écrit que nous n'avons plus de références communes, donc plus de droit partagé, et que le conflit devenait donc la règle. Le diagnostic est donc le même (la guerre n'est plus ordalie), mais la conclusion me semble opposée...
égéa :
1/ (Re) découvrir Tocqueville. Je ne l'ai jamais lu en entier, seulement des extraits. De retour des États-Unis, il me semble nécessaire de le reprendre plus à fond. Pas tellement sur les États-Unis d'ailleurs, que sur le fait politique.
2/ Attention à ne pas confondre État et Nation, ce qui nous semble implicite en France, mais ne l'est pas réellement. Je rois comme vous à la persistance des Nations, préalablement à celle des États.
3/ Contradictoire ? oui, probablement, si ce n'était pas contradictoire, on aurait la solution et il ne servirait à rien de s'interroger, encore et encore...
5 De Bertrand Quiminal -
Serait-il:
- idéologiquement déplacé
- déconnecté des sphères dites réelles, sociales, cyber...
de parler de PVP (Pays en Voie de Paupérisation) ou de PVD (Pays en Voie de Déclin)?
L'Histoire n'a sans doute pas de Fin, mais elle a certainement plusieurs sens...