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FINABEL ? qu'est-ce que c'est ?

FINABEL : France, Italie, Pays-Bas (Nederland), Belgique et Luxembourg depuis 1953, puis est devenu Finabel avec l’arrivée de l’Allemagne en 1956 (et tout un tas d'autres pays depuis). Un acronyme que j'ai croisé quelques fois, sans savoir exactement ce que c'était : OTAN ? Europe de la défense ? Du coup, le plus simple était de demander à son animateur, que je remercie d'avoir bien voulu répondre à mes questions.

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Mon colonel, vous êtes le Chef du Secrétariat Permanent de FINABEL. Cette organisation peu connue existe pourtant depuis près de 60 ans. Pourriez-vous nous en dire plus et tout d’abord quels étaient les circonstances et les objectifs de FINABEL lorsque fut créé FINABEL dans les années 50 ?

FINABEL est un forum informel, fondée sur une initiative française en 1953, et qui a pour ambition d’harmoniser les doctrines des armées de terre européennes. Comprenant aujourd'hui 17 États-membres, cette organisation est dirigée par un Comité des CEMAT, dispose d’un Comité des directeurs des centres de doctrine terrestre et de groupes de travail couvrant l’ensemble des domaines capacitaires des armées de terre. Les produits de ces groupes alimentent constamment le corpus doctrinal de FINABEL. Enfin, le Secrétariat Permanent, seule structure permanente, dirigé depuis sa création par un colonel français, anime les travaux, et s’assure de leur cohérence. L’originalité de cet organisme tient tout d’abord au fait que la Belgique (qui dirige le comité de pilotage) et la France (avec le Secrétariat Permanent) sont les pivots de cette organisation.

La grande liberté d’expression, l’absence d’agenda politique permettent par ailleurs à FINABEL de produire des documents de valeur répondant aux centres d’intérêts de nos armées de terre.

Comprendre les raisons de la création de FINABEL revient à se replonger dans le contexte de l’immédiate après-guerre. La seconde guerre mondiale a démontré l’avantage de disposer d’armements communs. Dans les années 50, face au Pacte de Varsovie c’est devenu une nécessité. Les organisations de sécurité régionale de cette époque intègrent toutes un comité de standardisation de l’armement. La pertinence et la longévité de FINABEL tiennent au fait que, dans l’esprit des pères fondateurs, FINABEL a exclusivement une dimension militaire et est composé d’experts ; l’idée étant que ceux-ci, forts de leurs compétences tant techniques qu’opérationnelles, pouvaient mieux que quiconque considérer les questions d’armements.

Outre le travail de ses comités d’experts, le rayonnement de FINABEL est fondé sur la régularité des réunions entre les CEMAT des Etats membres, et peut alors apparaitre comme un club de concertation pour harmoniser les positions avant les réunions en format OTAN ou UEO.

Enfin précisons que l’échec du projet de Communauté européenne de Défense (CED) et le refus quasi systématique des Américains et des Britanniques d’échanger sur les armes nucléaires, bactériologiques et chimiques ou de procéder à des transferts technologiques, ne sont pas non plus étrangers au lancement de l’aventure FINABEL.

Ainsi, une dimension européenne et de standardisation technique : y avait-il une dépendance avec l’UEO ? Comment le comité FINABEL a-t-il évolué jusqu’à la fin de la guerre froide ?

L’une des caractéristiques fondamentales de FINABEL est son indépendance. Cela ne signifie pas pour autant isolement. Ainsi, d’emblée, FINABEL collabore activement avec le Comité Permanent des Armements de l’UEO ou établit des liens étroits avec le Nato Army Armement Group. Toutefois, le caractère non contraignant des études FINABEL en limite la portée auprès des industriels et des politiques.

Les réticences de certaines nations quant à une standardisation de la production industrielle d’armement entrainent donc une réorientation des objectifs. Dans les années 60 FINABEL devient donc un forum de réflexion sur les doctrines militaires. C’est encore sous cette forme que se présente FINABEL aujourd’hui.

S’agissant de l’élargissement, considérons plusieurs phases.

  • Le comité FINBEL de 1953 (ainsi désigné par la première lettre en Français- c’est jusqu’en 2009 un organisme francophone- de chacun des premiers membres : France, Italie, N pour les Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) intègre l’Allemagne (le A de FINABEL) en 1956.
  • L’élargissement à la Grande-Bretagne fut moins évident. Pour les auteurs de la proposition, la Grande-Bretagne n’était aucunement destinée à rejoindre FINABEL étant donné ses liens avec les Etats-Unis. Mais ces considérations furent vite délaissées au profit d’une stratégie d’ouverture. Toutefois, les Britanniques déclinent l’offre initiale, arguant du caractère informel du comité et du fait que les experts militaires leur apparaissaient non mandatés pour discuter des aspects financiers et industriels de la standardisation.
  • Cependant, Londres revient sur ses positions et devient membre de FINABEL en 1973, juste après avoir adhéré à la CEE.
  • La troisième phase est celle de l’élargissement progressif aux pays adhérant à l’UEO, puis aux pays de l’ancien Pacte de Varsovie. Actuellement 2/3 des états membres de l’UE sont membres de Finabel.

L’après guerre froide vit plusieurs évolutions : la transformation de l’OTAN vers une organisation expéditionnaire, les élargissements européens (OTAN et UE), le développement de l’Europe de la défense (PESC, puis PESD, puis PSDC) : FINABEL reste pourtant « indépendant » de l’OTAN comme de l’UE ? Quels en sont aujourd’hui les pays membres ?

Comme déjà évoqué, FINABEL a dès le départ une vocation exclusivement militaire. Le travail technique a débouché sur une coopération pratique forte de plus d’un demi-siècle. L’objectif de FINABEL n’est donc pas d’offrir une alternative européenne à l’OTAN ou une quelconque « tête de pont » à la PSDC. La qualité première et intrinsèque de FINABEL reste son indépendance et le fait qu’elle relève exclusivement des CEMAT des pays membres. Cela lui confère toute légitimité pour collaborer tant avec l’OTAN que l’UE. Ainsi, actuellement, FINABEL et l’EMUE ont noué un partenariat fort concernant le mode d’emploi des EUBG.

Ni les Etats-Unis, ni le Canada et ni la Turquie (sans doute due à la présence chypriote ?) : donc on peut dire que FINABEL est un pilier « européen ». Mais des pays comme la Norvège (OTAN mais hors UE) ou la Suisse pourraient-ils rejoindre FINABEL ? Pourquoi ?

En effet, FINABEL, depuis le début, se veut résolument « européen ». D’ailleurs, le statut de membre FINABEL n’est ouvert qu’aux forces terrestres des Etats membres de l’UE. Toutefois, les nations FINABEL se réservent la possibilité d’inviter d’autres nations à participer à ses activités. Le partenariat de FINABEL s’étend à l’ABCA, organisation miroir, mais exclusivement anglo saxonne, mais aussi à l’EUROPEAN AIR GROUP ou le CHIEFs of EUROPEAN NAVIES. On est donc loin d’un Comité auto centré sur ses problématiques. Ce faisant, FINABEL couvre les besoins de l’UE dans le domaine doctrinal en offrant une véritable expertise terrestre à l’EMUE ou à l’ Agence Européenne de Défense.

L’UE développe pourtant des concepts : qu’apportes de plus FINABEL ?

L’EMUE développe effectivement des concepts. A FINABEL nous les traduisons en doctrine. Reprenons l’exemple du Battlegroup. Le mode d’emploi, le développement des scénarios, mais aussi la prise en compte de doctrine de renseignement, de la logistique, de la protection des forces… ont été élaborés par les groupes de travail de FINABEL. Tous ces manuels sont consultables sur notre site www.finabel.org. Ainsi concept et doctrine ne sont pas seulement complémentaires, ils sont indissociables. Dans un contexte où pooling and sharing sont des mots à la mode, nous agissons concrètement. Ne faisions nous pas déjà, comme Monsieur JOURDAIN, de la mutualisation sans le savoir, et ce pour un coût fort modique ?

Ainsi, ne pourrait-on pas définir FINABEL comme un « think tank» militaire à dominante terrestre ? Finalement, le peu d’empreinte structurelle et le caractère informel de FINABEL ne seraient-ils pas à l’origine de son exceptionnelle créativité et longévité ?

Le caractère non-contraignant des études est l’une des clés de la créativité et de la longévité de FINABEL. On peut donc voir FINABEL comme un think-tank militaire à dominante terrestre et européenne. Encore faut-il s’accorder sur ce terme. Par sa structure, son statut et l’absence de personnalité juridique, ainsi que la nature non-contraignante de ses études FINABEL ressemble à un think-tank. Mais c’est plus que cela, c’est un véritable outil de réflexion et de production. En ces temps de crise, où les synergies sont recherchées, ce type d’initiative se révèle d’un rapport coût/efficacité réel, dès lors que les nations sont persuadées du bien fondé des résultats élaborés.

Quels sont les dossiers/sujets sur lesquels vous travaillez en ce moment ?

Actuellement, nous menons simultanément une dizaine d’études touchant diverses problématiques auxquelles les forces terrestres sont et seront confrontées. A titre d’exemple, nous travaillons sur l’interculturalité, le redéploiement des forces ou encore les doctrines d’emplois futurs des robots et des drones.

Récemment, nous avons publié des études proposant une réflexion commune sur le soldat du futur, sur l’impact de la judiciarisation sur les opérations militaires ou encore le soutien psychologique du soldat et de sa famille pendant et après une opération, comparant tous les procédures mises en place et en proposant des améliorations ou aménagement.

Comme vous le voyez, beaucoup de nos études sont prospectives, elles traduisent, en quelque sorte, la volonté de FINABEL d’aller de l’avant en prenant en compte les difficultés auxquelles les forces terrestres risquent d’être confrontées à l’avenir.

Vous souhaitez être plus présent sur la toile : quelle vision avez-vous des blogs militaires et stratégiques en Europe ?

Ces derniers nous permettent de sentir l’air du temps, les préoccupations, nous permettant d’anticiper les demandes. Ils sont aussi une chambre d’écho de nos travaux, tous non classifiés. Même si par notre raison d’être, notre site est plus statique, nous ne pouvons qu’apprécier l’accueil qu’ils nous offrent ou nous offrirons.

Mon colonel, je vous remercie.

Réf : le site de Finabel

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 3 janvier 2013, 19:55 par Gautier DREVET

Billet intéressant, à mon avis l'impact de la judiciarisation des conflits militaires serait un très bon sujet à développer.
On le voit bien avec les rixes fréquentes entre Israël et Palestine, ce dernier commence à vouloir utiliser cette "arme"; même si son efficacité juridique reste à prouver, elle aura toujours un impact médiatique garantie.

2. Le jeudi 3 janvier 2013, 19:55 par MM

Une belle découverte, Finabel!
Merci.

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