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Dromarchie, logistique et nouvelle économie

Je lisais ce soir l'article du Monde sur le développement des entrepôts logistiques dans la région lilloise. Ce qui a suscité quelques réflexions, pas bien mûries, mais que je sème ici comme des graines. On verra bien si elles fructifient.

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1/ Que dit l'article ? que la région lilloise voit de plus en plus de construction d'entrepôts logistiques, ce qui occasionne un certain marché de l'emploi, peu qualifié (caristes venant souvent en intérim, lors des coups de bourre, par exemple autour de Noël). L’article s'intéresse surtout à l'emploi, qui n'est au fond qu'un conséquence.

2/ En effet, pourquoi cette localisation géographique ? (tiens, les lecteurs voient pointer de la vraie géoéconomie) Parce que Lille a, dans un rayon de 300 kilomètres, un gigantesque marché de consommateurs. En fait, la région Lilloise n'est plus importante pour son rôle de production (puisque la plupart des produits sont fabriqués ailleurs) mais de concentration/distribution des flux de produits.

3/ C'est le résultat de la "mondialisation", bien sûr : mais cette analyse, vous la lisez par tartines entières depuis quinze ans. La grande nouveauté vient au fond d'ailleurs :

  • ce qui est important, c'est le consommateur. Ou plus exactement, la concentration de consommateurs. On revient au sens premier de Jean Bodin : il n'est de richesses que d'hommes. Cette richesse est d'abord quantitative.
  • c'est rendu possible par la possibilité de la logistique, qui passe d'abord par les routes. Aura la puissance non seulement celui qui a des consommateurs, mais aussi celui qui a des routes pour y accéder. D'où la notion de "dromarchie" que j'évoque dans mon bouquin sur la géopolitique de la France (à lire, d'ailleurs : vous l'ai-je déjà recommandé ?). Tout ceci nous donne une sorte de post-mercantilisme (ou de post-Quesnay-sianisme ?). On va décidément chercher les vieux auteurs : Bodin, Quesnay....

4/ Il reste que ce système est possible grâce à deux conditions supplémentaires :

  • l'accélération des livraisons, rendue possible par le suivi informatique des commandes. Ce n'est pas un hasard si l'article mentionne à deux reprises Amazon, qui n'est plus simplement un libraire mais un Auchan en ligne, vendant tout et n'importe quoi (et accessoirement faisant du surprofit, puisqu'il intègre les deux marges : celle du logisticien et celle du distributeur final : Amazon est en train de tuer tous les magasins de bout de chaîne... Ceci explique que je n'ai pas de pub Amazon, car Amazon tue le livre)
  • la gestion de plus en plus fine de cette logistique grâce à une "visibilité de la ressource", autrement dit une traçabilité du produit : où il est, en quelle quantité, et de plus en plus en quel état. De ce point de vue, le développement es étiquettes RFID permet de réussir le tour de force d'une logistique à la fois "de masse" et "individualisée".

Ainsi, on assiste à des modifications en profondeur du circuit économique, résultat à la fois de progrès dans les transports et du développement incroyable du cyber : ou comment les réseaux informatiques s'empilent sur les réseaux matériels. C'est doublement une économie de flux : une nouvelle économie.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 19 décembre 2012, 21:04 par BQ

Merci pour cette lecture de la nouvelle économie, et de ses équilibres: pratiquement plus de stocks, et des double flux.

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