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Précepte

En stratégie nucléaire, on dit sans faire. La rhétorique stratégique est première.

En stratégie cyber, on fait sans dire.

Ou après....

La rhétorique stratégique est seconde.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 21 février 2013, 21:36 par

"On dit sans faire", c’est de la rhétorique théorique. Méfions-nous, nous Français, de toutes ces formules qui se rapportent de près ou de loin, à la notion « arme de non-emploi », et pas seulement en ce qui concerne l’arme nucléaire.

Autrefois ce genre de formule, mal comprise par le personnel politique, a donné des applications dangereuses en opex, avec l’interdiction qui était faite aux militaires d’utiliser les armes autrement qu’en situation de « légitime défense », c’est-à-dire trop tard : nous étions selon les cas des « forces d’interposition », des « forces de maintien de la paix », du « soutien logistique » déjà en 1978 et encore en 2008. Malgré l’angélisme ou la fourberie du Politique qui laisse au Soldat la responsabilité d’ouvrir le feu, il faut toujours, tôt ou tard, que l’on passe à l’emploi des armes pour que la menace soit prise au sérieux par les malfaiteurs survivants. Espérons qu’en France Serval aura au moins fait comprendre leur erreur aux élus qui naguère préconisaient d’envoyer l’armée dans les banlieues.

Soyons sûrs que si Serval au Mali a fait détaler les brigands (alors qu’ils ne détalaient pas à l’époque de Tacaud) c’est que nous avons déjà, de multiples fois au Sahel par le passé mais un passé qui est inscrit dans la mémoire collective, procédé à des ramassages d’armes sur les cadavres de ceux qui ne voulaient pas s’en dessaisir face à nous. Notre réputation d’une armée qui ne s’abstient pas de mettre ses menaces à exécution, l’armée française l’a acquise depuis plus de trente ans nonobstant les directives des gouvernements. Cette attitude renforce notre dissuasion nucléaire : il est salutaire de le rappeler au moment où d’anciens responsables politiques remettent en question la dissuasion nucléaire, révélant ainsi qu’ils n’y avaient rien compris.

En parlant de non-emploi, l’on suggère à nos politiciens peu stratèges qu’ils pourraient un jour s’autoriser à signer un traité de non-emploi-en-premier de l’arme nucléaire, comme il en fut question au moment de la Guerre Froide. Signer un tel traité serait une faute majeure parce que notre dissuasion repose au contraire sur l’emploi en premier : le principe est que toute guerre qui mettra en jeu la survie de la France (une situation de type juin 40) deviendra nécessairement nucléaire de notre fait. Avec les missiles Pluton autrefois nous promettions de déclencher une escalade en tirant ces missiles de puissance relativement faible mais nucléaires ; aujourd’hui ce rôle est dévolu à l’ASMP et à chacun de nos vecteurs susceptibles de livrer une arme nucléaire (préciser lesquels serait superflu) qui transformera une guerre classique en guerre nucléaire : nous lancerons la première salve d’une escalade qui, de riposte en riposte, finira par toucher tout le monde. Ainsi nous impliquerons la totalité de la Planète dans une guerre qui mettrait en jeu la survie de la France. Par conséquent tous ceux qui pourront nous aider seront incités à le faire avant qu’il soit trop tard : il n’y aura plus l’équivalent de la neutralité américaine de 1940. La dissuasion gaullienne repose sur le constat que les Américains n’ont pas débarqué le 6 juin 40. Ce constat et ses conséquences restent encore valables aujourd’hui.

Excusez-moi d’avoir répondu par un laïus tartinesque et prolixe à une courte phrase comme « En stratégie nucléaire, on dit sans faire » : cette idée de non-emploi, je la contredis par réflexe depuis quarante ans, c’est-à-dire depuis que j’ai lu Alexandre Sanguinetti « La France et l'arme atomique », Julliard, 1964.

En ce moment plus que jamais, l’idée que les armes sont faites pour ne pas servir semble gagner du terrain dans le petit monde politico-médiatique. C’est une idée sur le danger de laquelle je tiens à attirer l’attention parce que, cher Monsieur Kempf, vous m’en donnez ici l’opportunité et la possibilité.

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