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Bataille d'Amettetaï : chapeau

La lecture du reportage de Jean-Philippe Rémy, dans Le Monde de cet après-midi, est enthousiasmante, tant elle dit la qualité des efforts de l'armée française pour réduire "le donjon" d'AQMI. Chapeau bas, voici ce que la ténacité, la manœuvre et l'utilisation du renseignement peuvent donner : une victoire nette, sans bavure. Qui amène quelques commentaires, pour bien prendre conscience de la qualité du combat qui a été mené.

En effet, la première partie de la guerre avait consisté en un gigantesque coup de balai, repoussant l'ennemi au nord, au grand nord du Mali. Il s'agissait d'obtenir plusieurs choses, comme nous l'avons remarqué dans plusieurs billets ici, ici et ici voir aussi ici) :

  • reprendre le contrôle de la majeure partie du Mali utile, jusqu'à la boucle du Niger.
  • séparer les Touaregs "laïcs" et considérés comme des alliés potentiels, et les divers mouvements djihadistes
  • forcer ces derniers à s'abriter dans leurs points forts.

Voici en effet, l'essentiel : si certains extrémistes ont pu rester en arrière, justement aux abords du Niger pour continuer des opérations de harcèlement vers Gao ou Tombouctou ou les villages en bordure du fleuve, la plupart se sont regroupés dans leur "sanctuaire", leur "base", leur "donjon". Voici en effet un des points essentiels de la première partie de la manœuvre : les islamistes s'étaient concentrés pour lancer l’offensive vers le sud. En les repoussant au nord, chacun a pensé qu'on les avait dispersé dans les sables du Sahara, et qu'on leur abandonnait plus ou moins cet espace "lisse" (sur la notion d'espace lisse, cf. mon livre sur la cyberstratégie).

Or, il n'en a rien été : en poussant l'effort sur le massif des Idroghas, on a forcé AQMI à s'y regrouper, et non à se disperser et à refuser le combat, ce qu'il faisait depuis le début des opérations. Autrement dit, en exigeant le combat on a ramené AQMI à son centre de gravité, qui était double :

  • à la fois le chef (les chefs, semblent-ils, puisque Belmokhtar et Abou Zeid ont été au moins touchés)
  • et le lieu géographique, au sens où Clausewitz entendait, initialement, cette notion de centre de gravité, "moyeu de toute force".

En portant le combat contre ce CDG, l'armée française a ramené la guerre à son essence : l'affrontement de deux volontés, utilisant la force pour résoudre leur conflit. Et il a fallu de la force, et de la volonté, car l'ennemi était prêt, organisé, et déterminé. Pourtant, et c'est une victoire majeure, la volonté fut de notre côté.

On peut évoquer le dispositif tactique : une vallée orientée Est Ouest, avec deux bataillons, l'un à l'Ouest ( les Tchadiens), l'autre à l'Est (le GTIA de la colo). Surtout, pour forcer la tenaille, un troisième Bataillon (les chasseurs parachutistes du RCP, renforcés de légionnaires) venait de la direction inattendue : le nord. En effet, les Islamistes avaient vu l’ennemi progresser en provenance du sud depuis deux mois. Voici qu'ils leur tombait dessus par là où ils pensaient s'échapper, le nord. La manœuvre fait penser à la bataille de Mont Cassin et aux prouesses des Tabors.

Chapeau bas : pas de guerre technologique dans ce cas, mais de la manœuvre, de la volonté, du combat, du choc et du feu. Même si les écoutes satellites et téléphoniques ont donné des renseignements fort utiles : pourtant, en face à face, en combat symétrique, les Français et les Tchadiens ont démontré qu'ils étaient les meilleurs !

Le résultat est incroyable : on parle de matériels et d'armements très nombreux, et surtout de dizaines de tonnes de munitions. On parle surtout de collecte de renseignement dignes des plus grandes moissons.

Il reste encore des islamistes dans la région. Il reste encore pas mal d'opérations de nettoyage. Mais on peut dire qu'AQMI a perdu une très importante bataille. Et que la guerre en réseau, qu'on nous présentait comme imparable, vient de subir un de ses plus grands revers.

Bravo. Les camarades tombés au combat ne l'ont pas été en vain. Honneur à eux.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 7 mars 2013, 22:44 par yves cadiou

Au lieu de laisser courir les bandits après les avoir désarmés, les militaires français, terriblement facétieux, ont fait des prisonniers conformément à une directive irréfléchie du « chef des armées ».
Excellent moyen de placer celui-ci en face de ses responsabilités : et maintenant qu’est-ce qu’on fait de vos prisonniers, Monsieur le Président ?

2. Le jeudi 7 mars 2013, 22:44 par Alphonse

Cette seconde partie de l'opération Serval a été bien mené.
Après il ne faut pas oublié que le terrain est favorable, ce n'est pas la jungle ni la montagne.

Maintenant il faut passer à la phase suivante, qui sera pleut être un peu plus dur à mener, celle de l'implantation durable du gouvernement malien.

Egea: vous avez raison, et elle laisse sceptique. Mais cette phase là n'est plus à dominante militaire...

3. Le jeudi 7 mars 2013, 22:44 par yves cadiou

Je fais suite au commentaire n° 2. Plus qu’un gouvernement, c’est un Etat qu’il faut créer, avec une administration qui fonctionne. Et il faut avant tout des services financiers qui ne soient pas corrompus, car ceci conditionne le reste et notamment le fonctionnement correct des services de sécurité.

Certes on peut essayer de commencer par créer une armée malienne, comme c’est le but de la mission EUTM, mais il faudrait d’abord s’assurer que les soldes seront régulièrement payées aux soldats que nous formerons. A défaut de cette précaution, l’on ne fera que créer et structurer non pas une armée mais des bandes armées qui pilleront à leur tour pour subsister, ce dont nous serons tenus pour responsables. Il faut donc installer une organisation financière qui fonctionne, c’est-à-dire que nous devrons financer et gérer nous-mêmes une part de l’argent public du Mali. Ne nous faisons aucune illusion : cette part, ce sera l’argent que nous apporterons. Nous devrons en maîtriser l’utilisation.

Actuellement, avant de former l’armée malienne il faut mettre en place un système pour payer les soldats que nous formerons. Mais nos brillants décideurs politiques se trompent de méthode, préférant la facilité à l’efficacité : voyant que les militaires français ont parfaitement mis en œuvre les armes et la menace des armes par la mission Serval, on leur confie benoîtement ensuite une mission dont l’essentiel ne ressortit pas au ministère de la Défense mais au ministère de la Coopération. Une mission de formation est placée sous le commandement du Général François Lecointre avant que soit mise en place l’organisation administrative nécessaire. Ceci signifie que, comme d’hab, c’est notre armée qui supporte les carences de nos ministères civils. http://www.asafrance.fr/actualites/...

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