Concours EGD 2013 : Plutarque, amis, ennemis, honneur.

Voici le sujet de l'école de guerre, donné hier.

« Il faut avoir des amis et des ennemis ; des amis pour nous apprendre notre devoir, et des ennemis pour nous obliger à le faire. »

Cette citation de Plutarque vous paraît-elle consister aujourd’hui encore un paradigme valable, notamment en matières de relations internationales ?

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Tout d'abord, bravo pour ce sujet : enfin qq chose d'intelligent et pas scrogneugneu, avec à la fois un tropisme RI et en même temps matière à réflexion, sur le métier et pas seulement. Du coup, ça m'a un peu inspiré. Je ne propose donc pas une "correction" (qui suis-je ?) mais un "parcours", qui ne vaut que ce qu'il vaut et témoigne surtout de mes lubies du moment. On y trouvera une articulation en 3/3, signe que je suis capable d'une tolérance forcément coupable.

Tout d'abord, remarquons les difficultés du sujet : en fait, des paires d'opposition qu'il va falloir agencer : ami/ennemi, RI /vie courante, hier /aujourd’hui (encore), perso/collectif. Je continue de jeter des idées : opposition entre les buts de l'alliance (le Rapfor) et la portée morale (R2P). Ennemi : désigner l'ennemi (Schmit), mais aussi duel, escalade de la violence. Il faut nécessité/neutralité. Système apolaire.

Fichtre : voici un baquet peut appétissant : quand je vous dis qu'il faut jeter des idées, il faut y aller. Tout ne sera pas recyclé dans le devoir...

Passons à l'intro : j'omets l'accroche, l'énoncé du sujet et l’annonce du plan, vous savez faire. D'emblée, je précise (termes du sujet) : "Ici, il faut comprendre l'honneur comme la reconnaissance publique de la morale personnelle" : cela me permet d'équivaloir, au long du devoir, les mots honneur et morale.

Quant à la problématique, je dirais qq chose comme : "Plutarque cherche à donner une leçon de vie, afin de construire une éthique personnelle. Mais cette dimension morale, valable pour les individus, n'est pas forcément pertinente dans le cadre des RI où les termes d'ami ou d'ennemi reçoivent une dimension principalement guerrière. Aussi considérerons nous ce seul champ des RI, avec ses acteurs collectifs (États ou entités politiques diverses)". D'où la question centrale (une problématique, c'est le problème qui résume tous les problèmes : c'est donc une seule question, et non pas quatre ou cinq, comme on le voit souvent) : quand il s'agit d'ami et d'ennemi, la morale a-t-elle sa place ? Le sujet ainsi reformulé, en avant.

I L'ennemi force à choisir l'ami

  • A/ L'ennemi c'est la guerre. La guerre est une chose politique où la morale a peu de place. Clausewitz
  • B/ Choisir l'ami, c'est choisir l'allié : se renforcer (RAPFOR) face à un ennemi jugé puissant. On privilégie le rapport de force car seule la victoire compte (guerre = duel, escalade de la violence). La force prime le droit, la guerre est une ordalie (Guitton)
  • C/ D'où la relativisation de la morale. Alliances honteuses, immorales, sans honneur, cf. François 1er et Soliman le magnifique, alliance qui fut jugée scandaleuse à l'époque. Il était "ami" face à "l'ennemi".

II Tout fout le camp

  • A/ Il n'y a plus d'ennemi : hypothèque nucléaire, fin des idéologies,GWOT l'ennemi c'est le terrorisme (un mode d'action, non un projet politique), cyber et guerre éco où chacun pour soi
  • B/ Il n'y a plus d'ami : les alliances, autrefois circonstancielles, sont aujourd'hui permanentes et ossifiées. Le système international est devenu apolaire, post-hobbesien, lutte de tous contre tous.
  • C/ Il n'y a plus d'honneur : soit qu'on n'intervienne pas quand les moralistes appellent à le faire (Syrie : mais c'est avant la page 3 du Canard enchainé du jour...), soit que la morale serve de prétexte à des objectifs réalistes (Libye)

III Par delà le bien et le mal, et donc l'ami et l'ennemi

  • A/ Les longues tentatives pour moraliser la guerre : Grotius, jus ad jus in, DCA, ONU, R2P (là, on montre qu'on connait le cours)
  • B/ L'ammoralité de l'excessive moralisation : Simultanément, relativisme absolu (tout se vaut, "je" est la norme, selon mon bon plaisir), et discours moralisant (le politiquement correct : protection des faibles, des minorités, des valeurs universelles : la soupe actuelle)
  • C/ Au risque de la violence absolue : contradiction entre un système absolu et un relativisme absolu. Elle risque de se résoudre par une violence absolue, interindividuelle. Alors, les réponses collectives ne serviront plus, et l'on reviendra aux propos de Plutarque : son ambition étant celle de la morale de l'individu, qui vise à garder son honneur.

Bon, je ne sais pas si ça tiendrait la route, j'ai fait ça assez rapidement. Disons que les trois termes ami ennemi morale sont utilisés à chaque partie, que chacune est cohérente, et qu'elles s'enchaînent à peu près logiquement. Je ne sais pas comment je sortirai de la conclusion, vu la note effroyablement pessimiste de la dernière partie.

Bon, vous avez le droit de me dire que j'ai raconté des bêtises (pas nouveau, c'est un peu l’objectif du blog) mais aussi de balancer vos plans succincts : ça aidera vos petits co qui s'attèlent au zimbrec l'an prochain.

Bon courage à tous

O. Kempf

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