Autrefois, je lisais beaucoup de BD, et j'en achetais pas mal. Et puis le temps passa, et mes centres d'intérêt se modifièrent, comme on dit. Pourtant, parmi les quelques grands que j'avais repérés, il y avait une école latine et italienne : Pratt l'Argentin, bien sûr, mais tellement italien et méditerranéen. Giuseppe Guardino, aussi et donc Micheluzzi : des études d'architecte lui donne un sens de la proportion et de la mesure ; une grande culture historique et une sympathie pour des causes justes et nobles, et une maîtrise du trait (il dessine en noir et blanc, au trait, sans dégradé) éblouissante.
Toutes ces qualités sont particulièrement réunies dans cette œuvre. Mermoz avait déjà fait l'objet d'un opus chez Dupuis. Sympathique, enfantin, un peu désuet, très histoire de l'oncle Paul. Bien fait, mais pas "grand".
Chez Micheluzzi, Mermoz est un homme, au destin éblouissant, et d’une ténacité hors du commun. On a peine à croire que cet homme était célèbre pour ses exploits d'aviation à 25 ans, et qu'il créait des lignes aériennes dans toute l'Amérique du sud, à force d'obstination et de volonté, avant trente ans.
On comprend deux ou trois choses, que je n'avais jamais comprises avant :
- la dimension héroïque des exploits des gars de l'aéropostale (alors pourtant que comme bon nombre d'entre vous, j'ai lu et relu Saint-Ex) : le trajet entre le milieu du Maroc et Saint-Louis du Sénégal montre enfin sa sauvagerie insoupçonnée (et le harcèlement, déjà, des populations du désert, ce qu'on a oublié aujourd’hui)
- l'immense popularité en France de Mermoz de son vivant : voici un héros "civil" avec des vertus "militaires", si je puis dire.
- L'incroyable rayonnement qu'il a eu en Amérique du sud. Voici, d'un point de vue très géopolitique, une des plus importantes sources de "soft power" français dans ce continent. Je le croyais dû à "la France des droits de l'homme", et j'expliquais ainsi l'arrivée si fréquente de volontaires sud-américains (argentins, brésiliens, chiliens) dans les rangs des forces françaises libres au cours de la seconde guerre mondiale. Je n'avais pas mesuré l'immense renommée de Mermoz, chevalier "français", et l'attachement à la France qu'il avait su créer.
Voici un très bel album, à acquérir d'urgence : pour le sujet, pour l'auteur, pour tout.
Mermoz, par Micheluzzi.
O. Kempf
1 De Yannick Harrel -
Bonjour,
Je n'adhère pas vraiment au dessin, trop chargé. J'aurais préféré une ligne plus claire, épurée et colorée (car les régions traversées étaient justement propices à une débauche de couleurs).
Personnellement je recommande le fabuleux Mermoz de Joseph Kessel. La plume vivante de l'académicien rend hommage à cet homme qu'il connut et qui était un monstre de courage et de ténacité, et qui aurait eu encore tellement à apporter sur le plan humain, aéronautique et politique.
Mais au fond la mort de Mermoz le rend encore plus mythique... Imaginerait-on de nos jours un Mermoz mourant de vieillesse?
Cordialement