"Pour la première fois depuis le début de l’opération Sangaris, le 5 décembre 2013, les commandos français, les 20 et 24 avril, ont été l’objet de réactions hostiles de type militaire, les obligeant à réagir en conséquence" nous apprend le Nouvel Observateur, expliquant que la RCA est en voie de somalisation. Cinq mois constituent déjà un remarquable délai, signe de la grande qualité de nos forces. Malheureusement, le destin est inéluctable. La RCA était déjà somalisée avant notre intervention. (Voir aussi Sangaris : Violent accrochage).
Les dividendes de la guerre : d’une part, un lobby militaro industriel européen qui retrouve enfin des arguments pour plaider un remontée des budgets de défense. Pour eux, c’est pain béni. Je suis presque surpris qu’on ne les entende pas en France aussi. D’autre part, la géoéconomie US qui tourne à plein régime : y a des affaires à faire, on va leur vendre des F35 et de l’antimissile, toute opportunité est bonne à prendre : bref, comme toujours avec les Américains, un opportunisme de très court terme sans vrai considération stratégique.
Intéressant de constater à quel point le mot « géopolitique » revient dans les propos américains. Je le constate depuis deux trois ans mais là, il devient de plus en plus prégnant. Le meilleur exemple de ce retour (désabusé) de la géopolitique se trouve dans cet intéressant article de Walter Mead dans Foreign Affairs, The return of geopolitics, même si je ne suis pas d’accord avec son analyse du cas iranien.
Vous vous souvenez ? Il y avait un homme politique ukrainien, boxeur de son état, que l’on voyait partout il y a trois mois, il était même reçu à l’Elysée. Vitaly Klitschko, c’est son nom, a totalement disparu des écrans radar, alors qu’il était l’expression du pro-européisme ukrainien. Surprenant, non ?
En décembre, en janvier, des leaders occidentaux venaient soutenir les manifestants, certains déjà violents, qui se trouvaient sur la place Maidan et qui contestaient un gouvernement démocratiquement élu (malgré ses maladresses). Aujourd’hui, dans l’est de l’Ukraine, les médias occidentaux ne cessent de dénoncer la main de Moscou dans les « pro-russes » qui s’agitent contre un gouvernement à la légalité et la légitimité au moins douteuse. Il ne s’agit pas de dire que les méthodes autoritaires de M. Poutine sont admissibles. Simplement que l’Occident est particulièrement inconséquent dans ses attitudes successives. Ce manque de logique affaiblit évidemment son soutien politique au pouvoir actuellement en place à Kiev, sans même parler des maladresses de celui-ci, à peu près aussi grandes que celles de Yanoukovitch en son temps.
Reste la question : que faire ? Un peu léniniste, cette question, j’en conviens, mais à la hauteur de la situation chaotique. La seule solution passe à mon sens par une conférence internationale où : les Américains cessent d’utiliser la crise pour, croient-ils, affaiblir M. Poutine. L’UE cesse de réclamer un partenariat économique exclusif avec l’Ukraine et envisage les moyens de faire de l’Ukraine un pont vers la Russie. La Russie cesse son discours révisionniste sur l’ethnie russe qui introduit bien des étincelles chez ses plus proches soutiens (Kazakhstan, Biélorussie voire Arménie) mais aussi dans son ordre interne (car à ethniciser le « Russe », on insiste sur les différences des non-Russes, nombreux en Ciscaucasie mais aussi en Russie centrale ou en Sibérie). On construit donc un système fédéral prévoyant des décentralisations poussées vers les régions ukrainiennes et on prévoit un double scrutin, organisant à la fois le référendum constitutionnel organisant ce système et l’élection d’un nouveau pouvoir. Tout ceci impose de la vraie politique fondée sur la juste appréciation des rapports de force.
En effet, une grande part de la dialectique occidentale consiste à dénoncer la vision russe qui serait « jeu à somme nulle » et à promouvoir une vision « gagnant-gagnant ». Mais pour cela, il faut réellement considérer l’autre comme un partenaire et non comme un facteur collatéral voué à disparaître dans les replis de l’histoire. Notre croyance d’être à la pointe du progrès vers un « ordre libéral » est devenue notre plus grand handicap, qui nous rend fautivement responsable du chaos en cours.
Certains pontes de la diplomatie française envisagent sérieusement de mettre un embargo sur les Mistral. Alors que vous espérez conclure un contrat Rafale avec l’Inde avant l’été ? Êtes-vous sérieux ? Y pensez-vous VRAIMENT ?
Livre reçu, acheté, paru ou lu (ou un peu de tout ça)
SPIROU AUX SOURCES DU S... . Une analyse de la mythologie et des références internes de la série Spirou et Fantasio par Philippe Tomblaine. C’est en avril 1938 que Spirou devient l’emblème des éditions Dupuis. Pendant 75 ans, le fameux groom va profiter d’une succession d’existences, entre les mains d’auteurs confirmés tels Jijé, Franquin, Fournier, ... Pourtant à l’inverse de ceux de Tintin ou d’Astérix, l’univers de Spirou n’avait jusqu’ici jamais été analysé dans son ensemble. Voici le héros emblématique de la bande dessinée franco-belge expliqué au travers de thèmes liés tels que la science, la Seconde Guerre mondiale ou la notion de sérialité.
A propos du livre de D. Bouzar, "Désamorcer l'islam radical", cette critique de Marc Hecker parue sur ultima ratio.
Europe Mad Max demain ?, de Bernard WIcht, un des stratégistes suisses contemporains des plus intéressants. . Voir fiches de lecture ici et ici.
Articles, sites et liens
- The White House Is 'Very Nervous' About Russia's New Ability To Evade NSA Spying
- Contre la dictature de la finance : la bombe atomique suisse
- Vieil article (9 mars) Dans le cyber l'Ukraine n'est peut-être pas la Géorgie. Plus récent (3 mai), Quand la guerre ne vient pas
- Stephen Hawking met en garde contre les dangers de l'intelligence artificielle
- Confondante naïveté L'Europe obéit encore au dogme de la libre concurrence. L'Amérique est en guerre économique, l'Europe croit encore qu'elle est son alliée.
- Dans le même genre : Voulant cacher sa grossesse sur Internet, elle devient suspecte
- Passionnant article pointant les erreurs de l’UE dans la crise ukrainienne Du libre-échange à la crise ukrainienne – L’UE face à ses erreurs . D’une façon générale, le site du GRIP est intéressant.
- La Corée du Sud, une autre patrie de la contre-insurrection ? par R Hemez
- Il s’en rend compte maintenant ? . Sacré SACEUR ! Après avoir agité le chiffon rouge pendant six semaines, il s’aperçoit de ce que les commentateurs avisés avaient signalé dès le début…
- On me signale une nouvelle publication mensuelle online, consacrée au Monde arabe. Vous pouvez la consulter librement en suivant ce lien Le Courrier du Maghreb et de l’Orient est une publication rédigée par une équipe internationale de correspondants présents dans tous les pays du Monde arabe et plusieurs États périphériques.
- The Ukrainian crisis – a cyber warfare battlefield
- Curieusement, je m’étonnais qu'il y eut peu d'analyse de la dernière QDR américaine, à comparer à celle de la dernière fois. Certes, les changements sont mineurs. Mais ça vaut la peine de s'y intéresser. Heureusement, Maya Kandel nous en donne un aperçu sur son très bon blog.
- Digi7al, in the Navy ! : Hacking interne, sans même l'horizon politique d'un Snowden voire d'un Manning.
Culture
L'autre jour, escapade en Flandres pour visiter le musée Paul Delvaux, à Sainte Isdebald. Passons sur l'absolue grognonerie de la dame de caisse flamande, qui a dû apprendre le tourisme dans les caves de la Loubianka, cela fait partie des chocs culturels que nous impose toute traversée de frontière. Il reste Paul Delvaux, surréaliste belge, aux toiles emplies de clairs-obscurs nocturnes, de femmes nues et placides, de tramways, trains et gares, de temples grecs, de mers, de références aux savants de Jules Verne et j'en oublie. C'est à la fois un peu répétitif (c'est toujours le danger des "styles" ou plus exactement de "la patte du peintre" : il y a un risque de mécanique et d'auto-citation), légèrement libidineux mais remarquablement construit et toujours propice au rêve (on dit onirique quand on est riche mais je crains qu'on ne m'accuse d'utiliser des mots bobo, alors...). Voici donc un peintre figuratif qui réussit pourtant à donner du mystère grâce à des scénographies jamais inquiétantes. Même la mort est apprivoisée, et la lumière surnaturelle vient des personnages pour éclairer la nuit. Autrement dit, ce n'est peut-être pas un très grand maître, ce n'est pas Vermeer, mais il mérite incontestablement de l'intérêt. Suffisant pour aller s'aventurer en Flandres, malgré les caissières grognonnes. Non loin, vous irez déjeuner sur la côte ou prendre une bière à Furnes (Veurnes en flamand), jolie cité de la Renaissance espagnole.
A ce propos, Mme Le Chardon qui a de la culture m'a apprit l'autre jour que le flamenco espagnol signifie "brigand" (avant d'être une danse) et a été formé sur le mot désignant flamand. Déjà il y a quatre siècles, les Flamingants étaient désagréables.
Grand peuple
Au Mexique, la torture est devenue endémique. Elle n'est pas seulement le fait des cartels mais aussi des "autorités". Moyen régulier de police et de justice, elle témoigne à quel point cet "État" est en train de faillir, alors que son PIB le place dans le G20. Mais malheureusement, tant d’États affichent de "splendides" statistiques économiques sans qu'on regarde la consommation de "bien commun" nécessaire pour y arriver. En 2011 (j'ai cherché mais pas trouvé les chiffres pour 2012 ou 2013), le Mexique a connu 12.000 morts violentes. Comment ne pas qualifier cela de guerre civile ?
Mot gourmand
Maugréer
Mot bobo
Procrastiner
Événements
15 mai L’Institut de relations internationales et stratégiques a le plaisir de vous inviter à participer à la conférence-débat : « Enjeux des élections européennes » Jeudi 15 mai 2014, 18h15 - 20h00 Espace de conférences de l’IRIS . La conférence-débat sera organisée autour de Yves BERTONCINI, Directeur de Notre Europe - Institut Jacques Delors, de Gilles FINKELSTEIN, Directeur de la Fondation Jean-Jaurès et de Thierry PECH, Directeur de Terra Nova et animée par Béligh NABLI, Directeur de recherches à l’IRIS. Nous vous remercions de bien vouloir vous inscrire en cliquant sur le lien suivant : Inscription
19 mai A l’occasion de la parution de l’ouvrage Géopolitique du sport, écrit par Pascal Boniface, et de la parution du numéro 94 de La Revue internationale et stratégique, l’Institut de relations internationales et stratégiques a le plaisir de vous inviter à participer à la conférence-débat : « Le sport est-il un enjeu géopolitique ? » Lundi 19 mai 2014, 18h30 - 20h00 Espace de conférences de l’IRIS * La conférence-débat sera organisée autour de Pascal BONIFACE, directeur de l’IRIS, de Jean LEVY, ambassadeur pour le sport, de Roselyne BACHELOT, ancien ministre et de Achilles ZALUAR, ministre-conseiller, chef de mission adjoint à l’Ambassade du Brésil à Paris. Inscription
20 mai L’Association des entreprises partenaires de la Défense organise une soirée destinée à faire le point sur le dispositif Pacte Défense PME le mardi 20 mai 2014 de 18 heures 30 à 20 heures 30 à l’Ecole militaire à Paris. Pacte Défense PME décline en 40 actions la stratégie globale du ministère de la Défense en faveur du développement des PME et ETI de tous les secteurs d’activité : armement, soutien des matériels et achats courants (infrastructures, fournitures, services...). Destinée aux dirigeants et responsables de PME et ETI, cette soirée permettra notamment de présenter les engagements du Pacte et les conditions de mise en œuvre associées. Inscription
21 mai La Délégation aux affaires stratégiques et l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM) organisent le mercredi 21 mai 2014 un séminaire sur Les enjeux de la recherche stratégique française. Une sélection des travaux en recherche stratégique sera présentée et discutée, avec la participation de leurs auteurs, ouvrant une réflexion croisée sur différents thèmes d’actualité : le cyber, les questions africaines et asiatiques. La journée s’ouvrira sur un échange concernant les enjeux de la communauté française en matière de recherche stratégique. Ce séminaire s’adresse en particulier aux instituts de recherche, think tanks et universités travaillant sur les problématiques de la défense et de sécurité. Il est également ouvert à toute personne s’intéressant à la recherche stratégique dans ce domaine. Informations et programme , Inscription ici
A. Le Chardon