Aron discerne en effet trois couples fondamentaux dans la pensée de Clausewitz, dont celui entre moyens et fins (objet d'un de ses premiers cahpitres, celui où je suis).
Il dit : "La notion de victoire (Sieg), Clausewitz la réserve à la tactique. Si la stratégie a une fin, un seul mot s'offirait à nous pour la désigner : la paix". (p. 164).
Ce qui est ici intéressant, c'est de bien comprendre que la stratégie est en lien avec la conduite de la guerre et la politique, quand la tactique ne vise que les opérations militaires. On devine l'origine de la distinction du Ziel et du Zweck (but dans la guerre, but de guerre). Surtout, on comprend que la stratégie peut avoir d'autres moyens que l'action militaire pour parvenir à ses fins... Quant à savoir quelle paix on recherche, on se reportera à mon article ci-dessus évoqué.
Mais toutes ces notions éclairent d'un jour éclatant ce qui s'est passé en Libye ou au Mali : incontestablement des succès militaires, donc des victoires. Mais pas forcément des succès stratégiques puisque la paix n'était pas au rendez-vous : la chose est évidente dans le cas de la Libye, ambiguë dans le cas malien.
Enfin, on tirera une ultime conclusion : il n'y a pas de différence de degré entre stratégie et tactique, mais une différence de nature, qui renvoie d'une certaine façon à la remarquable trinité...
O. Kempf