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Varsovie, un sommet finalement mesuré

Toujours à ranger mes affaires, voici un article publié dans Recherches Internationales, numéro 108 de janvier mars-2017, sur le sommet de Varsovie. Libre lecture pour vous...

Recherches internationales numéro 108

L’Alliance atlantique a tenu son dernier sommet des chefs d’État et de gouvernement les 8 et 9 juillet dernier à Varsovie. Le symbole était fort puisque c’est dans cette même ville que l’URSS fit signer, il y a plus de 60 ans, le pacte de Varsovie qui liait ses propres alliés contre l’OTAN. Il y avait donc un possible parfum de revanche, certains alliés de l’OTAN l’espéraient même. D’ailleurs, à écouter la tonalité des discours tenus au cours du premier semestre 2016, on pouvait craindre un sommet très dur et antirusse. Ce n’est pas ce qui est finalement advenu et les résultats ont été mesurés. Certes, l’observateur a croulé sous le nombre de déclarations annexes (une dizaine) ou même sous le nombre d’articles de la déclaration principale (139). Comme s’il fallait mentionner chaque sujet, chaque zone, chaque « problème » au moyen d’un paragraphe plus ou moins lénifiant. On attribuera cela à la « diplomatie » puisque le travail de l’Alliance consiste aussi (d’abord ?) à trouver un consensus acceptable par chacun, faisant donc une place convenable à chaque priorité de tel ou tel, trouvant un point moyen entre deux positions irréconciliables, au prix souvent de l’affadissement, du délayage, du manque de cohérence. Pourtant, pour qui sait lire entre les (nombreuses) lignes, le sommet a été moins ambigu qu’il n’en a l’air. Cela s’est vu dans les rapports de l’Alliance face à l’Est, face au Sud et face à elle-même.

L’Alliance face à l’Est

L’Alliance a fait face, lors du sommet de Varsovie, à la difficulté évidente de ses rapports avec la Russie. Or, beaucoup avait déjà été décidé au sommet précédent, au pays de Galles, en septembre 2014. Alors, la Russie venait d’opérer son coup de force contre l’Ukraine en annexant la Crimée et en soutenant les séparatistes du Donbass. Les événements s’étaient déroulés depuis février 2014 et l’Alliance avait donc eu quatre mois pour s’adapter et présenter un plan cohérent : ce fut une NRF (force de réaction rapide) renforcée, avec un « fer de lance » ultra déployable constitué par la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) ou la création de six petits postes de commandements à vocation logistique (un par État balte, un en Bulgarie, Pologne, Roumanie). Bref, dès l’été 2014, l’Alliance avait donné les gages de réassurance, au double sens psychologique (cela rassure) et stratégique (je donne des gages à ma promesse de solidarité).

Dès lors, la question à Varsovie était la suivante : que faire de plus ? D’un côté en effet, les alliés orientaux (États baltes, Pologne, Roumanie principalement) soutenus par quelques alliés occidentaux (Canada et Royaume-Uni notamment) continuaient d’insister sur la persistance de la « menace russe », sur l’effort de rénovation de défense pratiqué par Moscou, sur la constitution de bulles A2/AD (anti accès et déni de zone), sur la guerre hybride menée de main de maître par les Russes, sur la persistance de la crise en Ukraine… De l’autre, les modérés comptaient et constataient que l’effort de défense russe n’atteignait qu’à peine le dixième de l’effort allié, que la Russie avait à peine entamé sa modernisation militaire et avait de multiples front à couvrir, qu’elle était finalement bien utile sur un théâtre annexe, la Syrie, que si les séparatistes du Donbass étaient repoussants, le gouvernement à Kiev n’était pas aussi transparent qu’on l’aurait souhaité… Autrement dit, s’il y avait un problème russe (et il y aura toujours un problème russe de l’Alliance, compte tenu de la géographie), il ne s’était pas aggravé depuis deux ans. Il fallait donc éviter un renforcement trop massif, réaffirmer la réassurance tout en ouvrant légèrement la porte à Moscou. Équation compliquée et finalement résolue grâce à toute une série de manœuvres byzantines où les diplomates excellent.

Les conditions s’y prêtaient : Certes, la Turquie s’était fâchée avec la Russie et était passée dans le camp des durs mais le Brexit d’un côté, la campagne électorale américaine de l’autre constituèrent des facteurs apaisants : Barrack Obama est tout sauf un interventionniste et le théâtre russe est moins important à ses yeux que l’Asie ou même le Moyen-Orient. Chacun trouva intérêt à insister sur la solidarité transatlantique.

Les chefs d’État et de gouvernement décidèrent donc d’une Présence avancée renforcée (Enhanced Forward Presence, EFP). Elle est constituée de quatre bataillons alliés qui viendront régulièrement s’entraîner sur les pays baltes, par roulement. Le lecteur comprend immédiatement que militairement, on ne dissuade pas la Russie avec seulement quatre bataillons. La décision est donc symbolique avant tout et vise à plusieurs choses : elle marque la volonté politique des Alliés, elle installe des « otages » sur les avant-postes de façon qu’ils soient les premières victimes et qu’ils forcent l’engagement des nations, tout comme le furent les 300.000 Gis américains installés en Europe au cours de la Guerre froide : alors déjà, on craignait le découplage. À diagnostic similaire, mesure équivalente, au moins au niveau du symbole. Mais on ne voulut pas faire plus : D’une part parce que les alliés ne se sont pas pressés pour fournir ces bataillons, d’autre part parce qu’on ne voulait pas contrevenir à l’Acte Fondateur Otan –Russie qui datait de 1997 et prévoyait explicitement le non stationnement « permanent » de troupes alliées sur les territoires des pays de l’ex-URSS et de l’ex-Pacte de Varsovie.

À côté de cela, les États-Unis annoncèrent l’ajout d’une brigade et l’élévation de leur niveau de dépenses de défense dans la région, passant de 786 M$ en 2015 à 3400 M$ en 2016, en mesure bilatérale : tout le monde était satisfait. On habilla le tout d’un discours sur la « défense et la dissuasion », on travailla sur les questions nucléaires et la partie défensive était conclue.

Dans le même temps, il fallait redéfinir les relations avec la Russie. Non seulement on ne remit pas en cause l’Acte fondateur, mais on conserva le Conseil Otan-Russie, institué depuis 2002. Il avait été gelé en 2014 à la suite de l’affaire ukrainienne. Les Alliés décidèrent d’en tenir un en mai, un autre juste après le sommet, afin d’afficher que l’Alliance ne menaçait pas la Russie, comme c’est explicitement dit dans le texte de la déclaration. Au fond, l’Alliance revenait à une pratique très ancienne, celle de la fermeté et du dialogue, ainsi que cela avait été défini par exemple lors du rapport Hammel ou lors de crise des euromissiles. De même, l’intégration du Monténégro fut décidée dès cet hiver, de façon à ne pas heurter la Russie qui ne cesse de se plaindre de l’élargissement de l’Alliance.

Ainsi, par une série de petits gestes, par des propos mesurés, par des mesures militairement symboliques même si elles ont un certain poids politique, les Alliés ménagèrent Moscou tout en rassurant les pays orientaux. Subtil équilibre qui finalement contenta tout le monde. Alors que l’avant-sommet bruissait de tribunes fermes et vengeresses, ses suites furent beaucoup plus adoucies et pédagogiques. De même, la direction russe ne fit pas de bruit au moment du sommet ou à l’issue, finalement satisfaite de cette tonalité mesurée : au fond, l’Alliance avait ménagé habilement les intérêts des uns et des autres et avait montré sa volonté d’apaisement. Il ne faut bien sûr pas prononcer le mot trop fort, mais telle est pourtant la réalité.

L’Alliance face au Sud

Les débats au sein de l’Alliance se sont souvent résumé, au cours des deux dernières années, à « flanc Est contre flanc Sud ». Ce dernier appelle évidemment l’attention des Français en particulier, des Méditerranéens en général (avec des priorités différentes : un Espagnol ne regarde pas les choses de la même façon qu’un Turc) ou encore des Américains ou de certains pays du nord (Pays-Bas, Danemark) : guerre en Irak, explosion des flux migratoires, trafics de toute sorte, instabilité politique de nombreux régimes, remise en cause générale des ordres existants… Aussi, les Alliés sont-ils d’accord pour dire que c’est une priorité, à la fois immédiate et durable.

Mais au-delà de ce consensus, peu de décisions concrètes et convaincantes ont été prises. La faute à l’extrême fluidité et diversité des situations (à l’opposé de l’acteur étatique massif qu’est la Russie, ce qui simplifie le diagnostic) mais aussi un héritage allié qui peut constituer un frein à des ambitions. Le souvenir de la Libye est dans tous les esprits : une action à l’initiative de certains, qui a dû être endossée par l’Alliance, celle-ci menant une campagne de six mois pour mettre bas au régime ; techniquement, l’opération était réussie, mais son traitement politique un échec évident, qui n’est d’ailleurs pas forcément la faute de l’Alliance mais de la « communauté internationale ». Peu importe le pécheur, le poids du péché revient à l’OTAN, dans l’opinion de tous. Surtout, si de nombreux alliés interviennent individuellement ou en coalition ici (Irak et Syrie) ou là (Libye, bande sahélo-saharienne), de façon ouverte ou couverte, constatons qu’aucun ne pense à l’OTAN : ni comme multiplicateur militaire (l’Afghanistan ou la campagne du Kossovo n’ont pas laissé de bons souvenirs aux militaires américains), ni comme légitimeur politique, puisque des coalitions de circonstance (comme celle contre l’État Islamique) sont plus faciles à réunir.

En volume toutefois, la déclaration consacre de nombreux paragraphes à ces Suds, du Moyen Orient ou d’Afrique du nord, mais aussi d’autres zones hâtivement amalgamées. À défaut de cohérence, on compte sur l’effet du volume pour convaincre le grand public que l’OTAN n’est pas inactive. On poursuit ainsi les opérations existantes, sous réserve de quelques modifications. La mission Resolute Support, qui a remplacé la FIAS en Afghanistan, est finalement prorogée au-delà de 2016, compte-tenu de l’instabilité persistante sur place mais aussi de la fragilité du régime soutenu par la communauté internationale. On ne s’attarde pas trop sur le regain d’activité des Taliban, qui inquiète pourtant les observateurs attentifs de la région. Or, l’Afghanistan est sorti des radars occidentaux. La KFOR, opération au Kosovo (appartenant donc au « Sud » de façon très extensive), est poursuivie sans qu’on en comprenne l’utilité. L’opération Ocean Shield de lutte contre la piraterie au large de la Somalie est arrêtée fin 2016, au vu des résultats obtenus. L’opération Active Endeavour, qui avait été ouverte en 2001 en réaction aux attentats terroristes (seule opération sous article 5) est transformée en une opération « non article 5 » de sécurité maritime, toujours en Méditerranée : l’opération Sea Guardian.

En février 2016, les Alliés avaient décidé d’une « action » (ni une opération ni même une mission) en mer Egée afin d’apporter de « la valeur ajoutée » en fournissant « des informations en temps réel sur les flux migratoires réguliers ». Ladite activité suscite le scepticisme mais il fallait bien que l’Alliance fît quelque chose contre les flux migratoires, même si ce n’est pas du tout dans son champ de responsabilité. Les chefs d’État et de gouvernement nous rassurent : cette « contribution efficace (…) sera évaluée en septembre ». Symboliquement, elle affiche une coopération avec l’Union Européenne. La politique consiste souvent à afficher des symboles.

L’Alliance affiche cependant quelques nouvelles « initiatives ». Les Alliés donnent « leur accord de principe à un éventuel rôle pour l’OTAN en Méditerranée centrale afin de venir compléter et/ou, sur demande de l’UE, soutenir, comme il conviendra, l’opération Sophia ». On évoque la mise à disposition de renseignement, de logistique, une aide au développement des gardes-côtes libyens… Beaucoup de prudence, de conditions, d’hypothèses pour ne pas afficher un « Libye : le retour » du plus mauvais effet. Donc ni une opération, ni une mission, ni même une activité, peut-être un « rôle ». Qui a dit que l’Alliance était triomphante ?

Avec l’Irak, on réaffirme le partenariat (qui date d’une bonne dizaine d’années) et on poursuit le renforcement des capacités de défense (DCB, dans le jargon allié). On oublie pudiquement que l’Alliance avait mis sur pied une Mission d’entraînement en Irak (NTM-I) de 2003 à 2011, mission de formation de l’armée irakienne dont on a vu le succès, en 2014, lors de la percée foudroyante de l’EI. Si par ailleurs il n’est pas question de participer à la coalition contre l’EI, l’Alliance accepte le principe du renforcement de celle-ci par les AWACS qu’elle détient. Mais « cette contribution à la coalition mondiale ne fait pas de l’OTAN un membre de cette coalition ». Comme si l’OTAN sentait le soufre.

Elle réaffirme sa politique de « sécurité coopérative » qui passe par des formules nombreuses de partenariats, développée depuis près de vingt ans (pour la région : Dialogue méditerranéen, Initiative de coopération d’Istanbul). Elle ouvre ainsi la porte à l’entrée de la Libye dans le Dialogue méditerranéen et propose un dialogue avec le Conseil de Coopération du Golfe : dans ce dernier cas, constatons que l’Arabie Saoudite se montre rétive depuis des années et que rien actuellement ne pousse à un changement de ligne.

L’Alliance face à elle-même

Entre les flancs Est et Sud, il existe un troisième flanc, le flanc Centre : l’Alliance elle-même. Or, plusieurs défis étaient présents même s’ils n’ont pas été mentionnés dans la déclaration.

Le Brexit était bien sûr dans tous les esprits. Ce genre de sommet est aussi (surtout ?) l’occasion de rencontres bilatérales ; David Cameron a donc eu beaucoup d’entretiens. D’une part, on s’interrogeait sur l’UE. Il est loin le temps où l’on s’inquiétait d’une concurrence entre les deux organisations, loin aussi celui où l’on voyait leur complémentarité. Aujourd’hui, sans le dire, chacun s’inquiète de leur faiblesse. D’un côté, certains espèrent que la sortie annoncée du Royaume-Uni va permettre des avancées dans l’Europe de la défense, longtemps freinée par Londres. De l’autre, Londres va logiquement investir plus encore dans l’Alliance considérée comme un forum européen et atlantique, permettant donc d’organiser ses rapports avec ses partenaires des deux continents. Pourtant, une pièce centrale des accords de Berlin-plus, qui organisent les relations entre l’OTAN et l’UE, est celle de l’adjoint du SACEUR. Dans l’actuel partage des tâches, le rôle est dévolu à un Britannique : Londres aura du mal à conserver cette position à la suite du Brexit.

L’autre grand sujet de conversation était la campagne électorale américaine. Comme tous les quatre ans (et en fait tous les huit ans, compte-tenu des réélections régulières des présidents en fin de premier mandat), l’Alliance s’interroge sur l’identité du prochain POTUS. Sauf que cette année, le candidat républicain, Donald Trump, a eu des sorties très iconoclastes sur l’Alliance. Il s’est ainsi interrogé sur la pérennité de l’Alliance, jugeant qu’elle coûtait trop cher et que les Alliés européens ne payaient pas assez leur écot. De ce point de vue, il reprend une ligne initiée par G. W. Bush en fin de mandat et par B. Obama. Ce dernier n’a-t-il pas explicitement accusé les Européens d’être des « passagers clandestins » ? De même, M. Trump annonce être prêt à coopérer avec V. Poutine, ce qui a été présenté par certains comme un pacte avec le diable. Sauf que dans le même temps, J. Kerry négociait directement avec M. Lavrov sur la Syrie…

La nouveauté avec M. Trump, c’est qu’il semble prêt à renverser la table et à effectivement adopter une posture minimaliste en Europe. S’il y eut bien sûr de nombreux contrefeux du côté démocrate (ainsi faut-il aussi expliquer la décision déjà mentionnée d’augmenter les investissements de défense en Europe), l’affaire suscite de profondes inquiétudes chez les atlantistes bon teint de notre côté de l’océan. Il faut donc attendre les résultats de l’élection de novembre mais l’Alliance sait déjà qu’elle devra rencontrer le nouvel élu : ainsi s’explique la tenue d’un sommet l’an prochain, dans un an seulement, plus tôt donc que l’intervalle de 18 mois qui sépare habituellement les sommets alliés.

Varsovie fut le lieu d’un certain nombre de mesures et annonces. Ainsi en ce qui concerne les relations avec l’UE. Le texte appelle de ses vœux à un partenariat renforcé mais ne fournit pas grand-chose de précis en la matière. Une déclaration particulière évoque les champs de la guerre hybride, de l’action en mer, de la cybersécurité, de l’industrie de défense… À ce sujet, les alliés proposent dans le texte principal une définition convenable de la guerre hybride telle qu’elle est comprise par l’institution : cadre dans lequel « des acteurs étatiques ou non étatiques, pour atteindre leurs objectifs, mettent en œuvre, selon un schéma fortement intégré, une combinaison vaste, complexe et adaptative de moyens conventionnels et non conventionnels, ainsi que de mesures militaires, paramilitaires ou civiles, dissimulées ou non ».

Sur la question de l’élargissement, les Alliés confirment la politique de la porte ouverte : dans son principe, l’élargissement à d’autres pays n’est pas exclu. Toutefois, cet élargissement est perçu très négativement par Moscou : dans les plus récents documents de doctrine russes, ce n’est pas l’OTAN qui est perçue comme une menace mais son extension à l’Est. Aussi l’adhésion du Monténégro a-t-elle été validé dès l’hiver précédent de façon à être minimisée lors du sommet : encore une attention à l’égard des Russes. Quant aux autres aspirants, ils doivent encore attendre. Depuis le sommet de Bucarest en 2008, la Géorgie est sur les rangs… mais à l’été 2008, elle a perdu la guerre contre la Russie et voit une partie de son territoire occupé par le voisin : il est donc impensable qu’elle rejoigne l’Alliance en l’état, malgré tous ses efforts. On lui marque donc des attentions, mais rien de plus. L’Ukraine en est encore plus loin. Malgré les discours, la porte est fermée et ne s’ouvrira que si des candidats « crédibles » se présentent (Finlande, Suède).

La place du nucléaire est réaffirmée : le raidissement russe est utile à cela qu’il a ramené les questions de dissuasion au centre de l’intérêt des Alliés, qui les avaient un peu négligées. Le texte reste bien sûr sibyllin, mais réaffirme la place centrale de la dissuasion, notamment nucléaire : « aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’Otan restera une alliance nucléaire ». On rappelle l’utilité des forces nucléaires indépendantes de la France et du Royaume-Uni. Nous voici bien loin des débats tenus lors du sommet de Lisbonne en 2010 où les Allemands avaient voulu relativiser la question.

S’agissant de défense antimissile balistique (DAMB), elle « vient compléter le rôle des armes nucléaires dans la dissuasion mais ne saurait s’y substituer », selon la formule agréée. Les alliés déclarent la capacité opérationnelle initiale de leur dispositif. Un site roumain a été ouvert au printemps et un autre site sera ouvert en Pologne vers 2018. Mais la question soulève deux problèmes : d’une part, contre qui s’élève cette défense ? L’Iran ? mais l’accord sur le nucléaire a été signé l’an dernier et il ne devrait plus constituer une menace… Les Alliés restent pourtant « vivement préoccupés par l'évolution du programme balistique iranien et par la poursuite des essais de missiles, qui ne sont pas conformes à la résolution 2231 » de l’ONU. L’autre question, plus technique, est celle de la maîtrise du C2 et donc du tir. Un débat discret oppose sur ce point certains Européens (dont les Français) et les Américains.

Enfin, s’agissant de la cyberdéfense, le texte affirme deux choses : le cyberespace est un « domaine d’opération » : il s’agit de lui donner une couleur opérationnelle qu’elle n’avait pas jusque là, puisque l’OTAN assurait en fait sa propre cybersécurité. Cela ne signifie pas pour autant des opérations offensives, tout d’abord parce que l’OTAN n’en a pas les capacités. Par ailleurs, les Alliés ont adopté séparément un « engagement de cyberdéfense » qui rappelle que la cyberdéfense est une responsabilité nationale. Tout comme ils avaient appelé, au pays de Galles, à un effort de défense de 2% du PIB, ils appellent ici chaque allié à fournir les efforts nécessaires pour se mettre à niveau, certains étant bien en retard, même si cela n’est pas dit. Au fond, et c’est l’intérêt des pays avancés en la matière (États-Unis, France, Royaume-Uni), l’OTAN sert de plateforme de mise à niveau de ceux qui ont un niveau un peu … ou beaucoup éloigné des nécessités.

 

Le sommet de Varsovie est donc mesuré, sans grande décision bouleversante mais avec quelques avancées utiles. On retiendra surtout sa volonté d’équilibre, entre Est et Sud tout d’abord, avec la Russie ensuite. Un sommet mesuré où les diplomates ont –bien- fait leur travail.

O. Kempf

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