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Opération.... Hamilton ?

Dans le ramdam des propagandes qu'on nous a servi au moment des frappes, tout le monde s'empoignait à savoir s'il y avait vraiment du chimique, si c'était légal, s'il fallait punir, si cela aidait les Syriens et autres choses tellement passionnantes que les convaincus (en un seul mot) de tout bord ne s'étonnaient plus de rien, tout occupés qu'ils étaient à témoigner de leur conviction à la face de la terre. Ce fut une période pénible, avouons le. Du coup, personne ne s'est interrogé sur la raison du nom choisi pour l'opération française : Hamilton ?

source

Au début, je n'y fis pas attention, je pensais que c'était le nom de l'opération américaine ou alliée, même si cela ne correspondait pas aux codes états-uniens (en général, deux mots les désignent : Active Endeavour, Desert Storm, Restore Hope, etc...). Et puis l'information sourdit (du verbe sourdre, je le précise). C'était le nom de la partie française de cette opération conjointe.

Fichtre. Pas un nom de notre terroir, il faut en convenir. Pourquoi ce choix ?

Jean Guisnel rapporta (ici) que c'était en référence au photographe David Hamilton : Il s'agirait d'une "blague vaseuse visant à moquer le flou artistique entourant l'opération, à la demande de l'exécutif, en référence aux options techniques du célèbre photographe de « charme » David Hamilton, utilisateur systématique de ce procédé". Nul doute que cette explication potache ait circulé dans les couloirs de l'état-major. Il reste que c'est peu probable, les militaires sachant garder leur sérieux quand il le faut.

Or, ils ont une habitude de donner des noms assez neutres à leurs opérations. Ce fut longtemps des noms d'animaux (Manta, Epervier), plus récemment des noms géographiques du lieu de l'opération (Barkhane est une sorte de dune, Chamal est un vent). Ce qu'on dit en popote est réservé à la popote. Il est donc peu probable que ce nom ait été choisi à Balard, mais bien plutôt du côté des conseillers de communication de la MinArm ou de l'Elysée. Le vent nouveau souffle, il fallait témoigner de la modernité, que dis-je, donner du sens et de l'inspiration.

C'est l'explication donnée par Ava Djamshidi, journaliste au Parisien, qui l'explique au détour de son long reportage dans le JDD(ici) : "L'opération militaire conjointe a désormais un nom de code : Hamilton, en référence au lieutenant de George Washington devenu l'un des pères fondateurs de la Constitution américaine".

Cela est fort probable. Contactée sur Twitter, elle me précise : "J’ai donné le nom Hamilton qui m’a été confirmé par 4 sources! " et elle ajoute : "Mais il y aurait aussi des explicitations franco-britanniques à cette appellation!".

Voici donc un nom de baptême qui déroge à tous les usages afin de donner une "signification". Fichtre. Cela appelle plusieurs commentaires.

  • Sans vouloir dévaluer Alexander Hamilton, qui mena certes une colonne américaine à la bataille de Yorktown (victoire française), constatons que c'est surtout le secrétaire de Georges Washington. Bref, se désigner du nom du second de Washington paraît très délicat envers les Américains, mais n'est peut-être pas du meilleur effet sur les Français qui, bizarrement, ne sont pas Américains. Le symbole est plutôt celui du suivisme que de la liberté d'appréciation, même si l'on a probablement voulu suggérer la coopération franco-américaine. On a trouvé plus habile...
  • Surtout, vouloir donner du sens à nos noms d'opération risque de nous entraîner dans une instrumentalisation de l'histoire. La période n'y est pas favorable, tant on voit à quel point ces questions d'histoire soulève inéluctablement des passions. A quand une opération "Résistance" ou "Clemenceau" ? Cela serait très ridicule et bien loin de la neutralité appréciable des noms tirés des sciences naturelles, auxquels on ne va pas chercher de signification indue. Surtout, il va falloir désormais expliquer chaque nom de code en long et en large, susciter des débats sans fin, disperser les esprits. Un épervier c'est un épervier, point. Peut-on revenir à cette sobriété ?

Bref, de grâce, messieurs les spin doctors des puissants qui nous gouvernent, que ce coup d'essai soit sans suite. Car c'est tout sauf convaincant. On a le droit de faire des essais, on a aussi le droit de se rendre compte que ce sont des bêtises. Nul ne vous en tiendra rigueur, au contraire.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 25 avril 2018, 07:50 par YC

Bien vu. Moi aussi, je m'interrogeais : merci de cette explication et de son commentaire dont je partage les conclusions.
Les noms d'opérations françaises étaient jusqu'à présent aussi neutres que possible : l'on peut supposer que c'était une précaution pour ne rien en dévoiler au moment de la planification (« charrue longue », « ficelle », « citronnelle »), ou par référence à ceux qui seront en première ligne (« tacaud » pour les Marsouins). Certaines ont aussi une appellation ambiguë et pas toujours flatteuse pour les exécutants (« limousin », « sentinelle »). Il existe une exception cinématographique à signaler cependant : « opération corned beef » parce que l'opération est une acrobatie risquée et donc « sans filet ».
Dans le cas présent, si « Hamilton » revêt bien la signification que vous dites (et c'est probable) le choix est terriblement mal venu. L'on peut essayer de se consoler en disant que c'eût pu être pire, bien sûr, mais je ne vois pas. 
NB : excellente photo, que je trouve très significative. Presque tout le monde semble prendre l'affaire très au sérieux. Un seul sourit à l'appareil photographique.

2. Le dimanche 29 avril 2018, 09:11 par YC

Voici une autre hypothèse : un nom publicitaire. Parce que "le chronométrage aérien" correspondrait assez bien à l'opération. http://partner.lefigaro.fr/article/...

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