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Le monde vu d'Asie

C'est une remarquable exposition qu'a organisé le Musée Guimet et qu'il faut se dépêcher d'aller voir, puisqu'elle se termine le 10 septembre...

Le monde vu d'Asie traite donc de la question des représentations du monde. Le terme "Asie" reprend la façon dont nous nous représentons, nous Européens, l'Asie, c'est-à-dire en omettant allègrement l'Asie Occidentale. Cela commence donc en Afghanistan, avec peut-être quelques allusions à la cartographie arabo-musulmane, mais guère plus. L'essentiel se concentre en Chine (et Taïwan), Japon, Corée, un peu la péninsule indochinoise ou l'Inde, accessoirement l'Asie centrale.

Mais nous n'allons pas mettre en miroir nos "représentations réciproques" : cela permet toutefois de montrer que la notion de "représentations" ne se réduit pas à l'appareil cartographique, même si évidemment, là est l'essentiel. D'ailleurs, le sous-titre de l'exposition (du moins du catalogue) se dénomme : "une histoire cartographique".

Car à l'origine, le "monde" en Asie s'articule, comme dans toute pensée traditionnelle, entre la terre et le ciel, entre le microcosme et le macrocosme, dans l'interaction entre le pays des hommes et le pays des cieux. La "géographie" est donc religieuse et sacrée, elle est d'abord empreinte de symboles. Il ne s'agit donc pas de dresser des territoires, mais des indications spirituelles où des éléments physiques (tel mont, tel rivage, tel fleuve) reçoivent des significations religieuses.

Viennent ensuite des représentations graphiques des paysages : une première façon de décrire la géographie et la morphologie. Viennent ensuite des plans de villes et de place-fortes.

Mais au fond, je n'ai pas perçu réellement de cartographie, au sens où nous l'entendons, d'origine purement asiatique. Dresser l'état des lieux du monde importe peu : seul comptent les territoires du souverain, ici empereur chinois en visite de ses possessions, là de tel roi ou prince... Le "reste du monde" (cette incroyable invention américaine qui reproduit, finalement, le splendide isolement des empereurs chinois, méprisant tout ce qui n'est pas eux comme étant des barbares), n'existe pas : pourquoi le cartographier ?

Tout change, apparemment, avec l'arrivée des jésuites et de Matteo Ricci : de cette rencontrent naissent deux choses : la perception du monde, mais aussi le recentrage du monde. Ainsi, la remarquable carte sino-centrée datant du XVII° siècle en est-elle emblématique : la Chine demeure "au milieu du monde" (c'est comme cela qu'elle se pense, empire "du milieu") et en même temps, elle reconnait qu'elle n'est qu'une partie du monde.

CArte_Monde_Asie_Ricci.jpg

La question des proportions est ici passionnantes : dans les premières cartes d'origine asiatique, datant de plusieurs cercles auparavant la venue de Matteo RIci, la représentation de la Chine est assez fidèle à la réalité (au moins autant fidèle que nos cartes similaires de l'époque représentant l'Europe), mais les contours (Inde, Russie, îles du Pacifique, Afrique, Europe) sont écrasés à la portion congrue, aplatis, comme les cartes anamorphiques qui sont aujourd’hui courantes.

Le choc du monde entraîne de nouvelles représentations cartographiques, de nouvelles influences, mais aussi un regard sur le monde avec les décalages entre la façon dont les Asiatiques s'imaginent Paris, Londres ou New-York et la réalité que nous connaissons bien mieux, évidemment : à cet égard, les dernières salles sont assez jubilatoires car nous comprenons que nos représentations de l'Asie doivent être aussi décalées que celles qu'ils avaient de nous.

Pour le reste, cette plongée dans un univers culturel asiatique est absolument passionnante, avec une grande richesse de formes et de références qui sont un bonheur pour les yeux.

Le visiteur achètera le catalogue, indispensable pour tout amateur de cartes, rédigé par Pierre Singaravélou et Fabrice Argounès, auteur d'une "Théorie de la puissance" dont j'ai rendu compte sur La Vigie (ici).

A voir, donc, très vite.

Le monde vu d'Asie, musée Guimet, informations

O. Kempf

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