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La crise accélérateur de l'histoire

La crise est un accélérateur de l'histoire : en fait, elle ne sera probablement pas un point tournant (signifiant une réorientation des choses, d'un point de vue géopolitique du moins) mais un point d'inflexion. Reste alors à discerner quelles sont les tendances géopolitiques qui vont être accélérées.

source

J'en vois plusieurs que je teste avec vous :

- la poursuite de la relativité américaine ou plus exactement : de la sortie de la centralité américaine. L'Amérique restera évidemment une grande puissance, mais de plus en plus relative et donc, reléguée au milieu de ses deux océans. Je ne mentionne pas ici l'hypothèse d'un éclatement américain, qui demeure possible .

- je ne suis pas convaincu de la poursuite de la montée chinoise. Le régime était déjà dans de grandes difficultés, car son modèle économique arrivait à bout de souffle. La crise accélère cette contradiction interne, d'autant qu'à l'extérieur, on va assister à un nouveau regard. De même que les Européens ont découvert l'Amérique de Trump avec un nouveau regard, de même nous allons regarder la Chine de Xi avec un nouveau regard, celui d'une puissance dont nous sommes trop dépendants et qui surtout nous a beaucoup menti.

- sans revenir à la notion de multipolaire, les circonstances permettent un champ des possibles plus ouvert pour l'Europe, pourvu que les Européens cessent de se considérer comme à la traîne, ici des Américains, là des Européens. En fait, il nous faut nous sortir de notre repentance collective, de notre regret d'avoir dominé le monde, de nos complexes. Vous aurez compris que quand je parle de l'Europe, je ne parle pas de l'UE. Cela signifie que les conditions sont possibles pour une nouvelle relation avec la Russie à l'Est et l'Afrique au sud.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 10 avril 2020, 10:58 par Yves Cadiou

« La prévision est un art difficile. Surtout quand elle concerne l'avenir » (Pierre Dac).
Les prévisions que vous faites dans cet article peuvent être exactes. Du moins rien ne permet de les réfuter. Nous devinons tous que cette crise sera révélatrice de déséquilibres anciens et périmés, notamment psychologiques : ainsi vous mentionnez la fin probable (et souhaitable selon moi) de notre repentance.
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J'observe (puisque vous nous invitez à donner notre avis en « testant avec nous ») que l'on assiste à la première crise grave qui se produit depuis qu'Internet (ze ouèbe, la Toile) existe. Ou du moins la première crise ressentie comme grave : « nous sommes en guerre ! »
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Certes, il ne suffit pas que le Président s'exclame « nous sommes en guerre ! » pour que la crise soit grave : nous étions déjà en guerre, selon le Président quinquennal de l'époque, lors de l'attentat du Bataclan qui fit autant de morts que deux semaines sur les routes de France.
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Mais la crise actuelle, comparée à celles du siècle dernier (avant la Toile) présente pour principale nouveauté la possibilité pour les citoyens de s'informer à des sources multiples et incontrôlées. Y compris à toutes sortes de sources étrangères grâce à google-traduction. L'on a donc appris à aborder les infos avec circonspection alors que naguère on faisait à peu près confiance à son journal habituel.
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Ce bouleversement dans les habitudes citoyennes fait selon moi l'une des caractéristiques essentielles de cette crise.
Je prends un exemple qui me semble révélateur : sur la question de la pénurie de masques, qui a donné lieu à beaucoup de déclarations officielles et douteuses, il aurait été difficile, sans Internet, de savoir que cette pénurie date du Gouvernement Fillon, prolongée par les gouvernements Ayrault et Le Drian : le gouvernement actuel n'a, à aucun moment, évoqué cette donnée qui pourtant atténuait sa responsabilité.
Le citoyen est donc amené à se demander pourquoi cette pénurie et pourquoi ce silence. Une réponse possible (la bonne réponse selon moi), est que la pénurie de masques résulte de la volonté de respecter à tout prix les « critères de convergence » européens.
Sujet tabou, semble-t-il, dans le monde politique et médiatique mais sujet abondamment évoqué par des échanges de courriels à destinataires multiples. Désormais les omertas politico-médiatiques n'existent plus, ou du moins sont inopérantes.
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Vous parlez, à juste raison certainement, d'une redistribution des pouvoirs géopolitiques. Mais il y a aussi une redistribution des pouvoirs à l'intérieur de chaque Nation : en me risquant à exercer cet art réputé difficile par Pierre Dac, j'imagine que certains États sortiront de cette crise affaiblis ou même fragilisés : ceux où les Peuples auront perdu confiance dans leur système politique. Jusqu'à ce que ces Peuples modifient leur système politique devenu illégitime, ce qui modifiera aussi les équilibres géopolitiques.

2. Le samedi 11 avril 2020, 10:21 par Le héron de l'Erdre

Du poste d'observation où je guette les grenouilles – créées par le Grand Patapon, dans son immense sagesse, pour nourrir les hérons – j'observe aussi les TGC et j'ai remarqué que depuis quelque temps ils sont moins nombreux et se bousculent moins. L'un d'eux m'a expliqué pourquoi.
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Mais là je devine que je vous dois d'abord quelques explications. Les TGC, se sont ces créatures bizarres dépourvues de plumes et de bec qui vivent dans la ville bâtie autour de ma rivière – l'Erdre – et autour de la Loire plus loin.
Les TGC, dépourvus de beaucoup de choses indispensables, n'ont pas d'ailes non plus mais seulement deux pattes et ils sont, de ce fait, limités dans leurs déplacements : c'est pour ça qu'ils ont construit des villes, bien qu'ils s'y bousculent. Le Grand Patapon n'a pas été du tout sympa avec eux quand il les a créés. Cependant il faut croire qu'ils ont leur utilité : les voies du Grand Patapon sont impénétrables.
Et en plus, comble du ridicule, les TGC ont une grosse tête : c'est aussi pour ça qu'ils ne peuvent pas voler, car le poids de leur tête les déséquilibrerait. Avec les copains, on les appelle TGC parce que ça veut dire les Trop Gros Cerveaux.
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Parfois je bavarde un peu avec l'un d'eux quand il passe sur le Pont Saint-Mihiel. Ce pont franchit l'Erdre pas loin de la péniche sur le toit de laquelle je me poste pour guetter les grenouilles. C'est une péniche où loge un artiste, elle ne voyage plus : le toit de ma péniche est presque à la hauteur du pont où les TGC se bousculent pour passer. Mais depuis quelque temps ils se bousculent moins. Un TGC un peu moins bizarre que les autres m'a expliqué pourquoi. Je dis « moins bizarre » parce que de temps en temps il s'arrête et on bavarde. Jamais vous ne verriez un TGC normal parler à un héron.
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Pendant qu'il jetait du pain aux canards, je lui ai demandé : « pourquoi les TGC sont-ils moins nombreux ces temps-ci ?
– Parce que nous sommes confinés.
– C'est quoi, ça ?
– Nous n'avons pas le droit de sortir de nos maisons.
– C'est toujours pareil : à chaque fois que je te demande de m'expliquer quelque chose, tu me réponds par autre chose d'encore plus compliqué. Qu'est-ce que ça veut dire ''pas le droit'' ?
– Ça signifie que l'intérêt de tous les TGC est de rester dans leur maison.
– Ah, je comprends. Mais pourquoi ?
– Parce que quelques uns d'entre nous ont une maladie qui peut se transmettre aux autres.
– Comme la grippe aviaire que nous avons eue autrefois ? Je n'étais pas né : mes parents m'ont raconté. Mais eux, ils n'ont jamais été ''confinés'', comme tu dis.
– Parce que eux, ils ne savaient pas.
– Au contraire vous, vous savez à cause de votre trop gros cerveau et donc vous n'avez pas le droit d'aller où vous voulez comme vous voulez. »
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Ayant dit ça, j'ai réfléchi un peu (très peu, comme toujours, mais suffisamment) et j'ai ajouté : « je t'ai toujours dit qu'un trop gros cerveau ce n'est pas un avantage. »
Mon pauvre TGC n'a pas su quoi rétorquer à ça. J'ai continué : « mais toi, qu'est-ce que tu fais là, à donner à manger aux canards, alors que tu n'as pas le droit de sortir de ta maison ?
– On a quand-même un peu le droit : là, je sors en conformité avec le 5° de l'article 3 du décret du 20 mars.
– Vous êtes d'un compliqué ! Pas le droit mais quand-même le droit d'aller donner à manger aux canards, c'est dingue !
– Je suis assez d'accord avec toi : je crois qu'il y a chez nous des gens qui n'ont pas bien utilisé leur trop gros cerveau et qu'à cause de ça l'on arrive à des incohérences. Par exemple, les gens qui n'ont pas de domicile (on les appelle les SDF), je ne sais pas comment ils font pour rester chez eux. Ni ceux qui vivent toute l'année dans une caravane (on les appelle ''les gens du voyage''). »
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Je n'ai pas répondu parce que moi non plus je ne savais pas. J'ai de la difficulté à concevoir que l'on n'aie pas de nid ou que l'on aie un nid qui voyage. Mon TGC a conclu : « Bon mais maintenant tu m'excuseras : il faut que j'aille confiner.
– Oui, vas. Mais sache que je suis de tout cœur avec toi : mes parents, avec la grippe aviaire, n'ont pas eu tous ces problèmes de "pas-le-droit-mais-un-peu-le-droit-quand-même-dans-certains-cas". »

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