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jeudi 26 mars 2009

La mémoire des tragédies permet-elle d’en éviter le retour ?

La mémoire des tragédies permet-elle d’en éviter le retour ?

Beau sujet de CID, non ?

1/ Le sujet est en vogue à cause de la polémique qu’il y a eu à propos des lois mémorielles. C’était une accroche intelligente pour entamer l’introduction, sans s’y attarder. Car le sujet est là : peut-on politiser l’histoire ? peut-on surtout ne pas politiser l’histoire ? Ou encore, l’histoire est elle une science humaine neutre, sans conséquence sur la vie de la société dans laquelle elle s’inscrit ?

Après l’énoncé du sujet, un des bons moyens d’introduire la problématique consiste comme souvent à s’attarder sur la définition des mots. Ici, on pouvait creuser le mot tragédie, en disant que c’était à la fois un événement historique, mais aussi la façon dont cet événement a été ressenti. Et que surtout, en employant le mot « tragédie », on le théâtralise : l’événement devient plus qu’un simple moment de l’histoire, il devient récit, discours, émotion et il prend une valeur d’exemple qui dépasse la seule relation de l’événement. La façon de raconter l’événement devient alors l’enjeu : a-t-elle des vertus pédagogiques ? lesquelles ? qui doit manipuler ce récit ? comment associer une émotion privée à un rôle public ? On peut bien sûr évoquer les mots de catharsis ou de résilience qui sont au cœur du débat actuel. Mais il faut les maîtriser : à employer avec prudence, donc....

2/ un plan possible s’articulait autour de la subjectivité de l’histoire : puisque l’histoire n’est pas objective, comment en faire le récit ? Ce qui est proposé est évidemment critiquable (je l’ai fait rapidement) mais il témoigne d’une progression logique qui est ce qu’on recherche.

I La double nature de l’histoire

A/ L’histoire est d’abord l’objet étudié 1/ La succession d’événements (qu’il s’agisse de faits ou de tendances longues : on introduit ainsi l’apport classique de l’école des Annales) 2/ La façon dont ces événements sont vécus (histoire psychologique, importante dans la construction de la culture) : Hugo racontant l’empire fait l’histoire de son temps en même temps qu’il parle de l’histoire passée.

B/ L’histoire est une science humaine qui ne peut atteindre une illusoire objectivité 1/ L’historien décèle des leçons et des rapports inconnus des contemporains (la chouette d’Hegel) : l’histoire est le résultat d’un travail, d’une maïeutique. Chaque cas historique est donc contingent, et une « tragédie » sera toujours unique. 2/ L’historien n’est jamais neutre, sa subjectivité entache toujours son travail : il ne peut s’en dégager que par un travail épistémologique sur lui-même (K. Popper, misère de l’historicisme).

Transition : l’histoire n’est donc jamais neutre, et il n’y a pas de « lois historiques », selon une mécanique positiviste. Cela n’interdit pas pour autant une pédagogie de l’histoire

II La pédagogie de l’histoire doit servir des buts sociaux

A/ Le récit historique sert la construction identitaire 1/ Pas de construction identitaire sans discours sur les origines : Y. Lacoste et sa théorie de la représentation géopolitique. 2/ Mais les excès d’une construction identitaire peuvent être la source de nouvelles tragédies : on cite par exemple le discours serbe sur le Kossovo, ou le clivage des Hutus et Tutsis.

B/ Il faut donc un devoir de mémoire qui serve la cohésion sociale 1/ le risque du communautarisme : accepter trop de mémoire particulières menace l’homogénéité de la société : on est toujours l’opprimé de quelqu’un (abus du mécanisme victimaire, tyrannie de la repentance, cf Bruckner). 2/ Le devoir de mémoire doit donc servir la communauté nationale (cf. D. Schnapper), ce qui n’exclut pas d’accepter les erreurs (H. Arendt). On cite Amin Maalouf, A. Grosser pour l’identité (voir ici).

Conclusion : le récit de l’histoire est un impératif social. L’oublier entraînerait à coup sûr dans de nouvelles tragédies. Un travail de mémoire moderne doit avoir conscience de cette nécessité de cohésion collective, tout en acceptant les erreurs afin de réintégrer les victimes dans la communauté nationale. Il ne garantit pas qu’il n’y aura pas de nouvelles tragédies : il en réduit seulement le risque.

O. Kempf

mardi 3 mars 2009

Civilisation (CID)

Un de mes correspondants (honorable, toujours) m'écrit à propos du dernier sujet de devoir reçu de la revue verte : "civilisation".

Il me dit qu'il a parlé d'Huntington.

Je crois que c'est inévitable (quoique l'habileté suprême consisterait justement à ne pas le citer), et qu'en même temps c'est le piège.

1/ Attention, le sujet n'est pas "le choc des civilisations" : et je crains que la moitié des candidats vont justement traiter ce sujet-là, parce qu'il est bien balisé, qu'ils ont forcément quelque chose à dire et notamment qu'ils trouvent qu'Huntington a tort.

Ce qui sera fort ennuyeux pour le correcteur, d'abord parce qu'il espérerait qu'un candidat lui dise habilement qu'Huntington a un peu raison (Braudel n'a-t-il pas intitulé un des ses chapitres "le choc des civilisations" ? et il n'y avait dans sa bouche aucun crypto-racisme, comme on le reproche à Huntington), même s'il faudra évidemment ne pas tomber dans le piège plus grand encore de dire qu'effectivement, l'Occident est menacé par un islam au couteau entre les dents : chose stupide, primaire, etc...

Surtout, ce sera ennuyeux pour le correcteur par ce que ce n'est pas le sujet, et qu'il sera obligé de constater le hors sujet de la moitié des candidats auxquels il ne pourra faire autrement que de noter sur dix et non sur vingt.

2/ Car le sujet, c'est "la civilisation".

c'est-à-dire qu'il s'agit de s'interroger sur le mot civilisation : quel sens a-t-il ? quel usage en fait-on ? et dans ces usages, certains sont-ils instrumentés ?

3/ Dans tous ces sujets avec un seul mot, il s'agit donc du même traitement sémantique : quelle correspondance entre un mot et sa réalité ? Une fois qu'on le sait, cela simplifie l'approche car 9 fois sur 10, ce sera pareil.

En revanche, cela complique un peu les choses dans l'introduction, dans laquelle, je le rappelle, on doit donner une définition des termes du sujet. Comment faire ?

En donnant une définition simple et qu'on précise comme étant provisoire, puisqu'elle sera l'objet du traitement ultérieur. IL faut donc partir du premier sens qui vous vient à l'esprit, et donner cette définition du quidam, celle qui flotte à la surface de nos compréhensions. Par exemple, quand on pense civilisation, on pense arts et culture et raffinement.

Cela donnera donc par exemple : "en première approche, la civilisation est la conjugaison d'une histoire et d'une culture artistique que le jugement commun reconnaît comme étant unique et brillante". Si vous êtes moins à l'aise, vous pouvez vous contenter de "culture particulièrement brillante".

4/ Du coup, vous avez des illustrations faciles : le siècle de Périclès, le siècle de Louis XIV. Et vous allez immédiatement à l'opposé : les ethnologues parlent des civilisations primitives, n'évoquant que leur style de vie et leur organisation sociale : s'agit-il du même mot? de la même réalité ? Histoire de l'art ou sociologie ?

Ici, il faut lire Race et histoire dont j'ai rendu compte il y a deux mois et que je ne saurai trop conseiller de lire : parce que la notion de civilisation est à considérer, et que c'est le centenaire de Lévy-Strauss.

5/ Vous avez là une première partie qui vous amène à relativiser le caractère brillant et exceptionnel de la "civilisation" dans ce qu'elle a d'aristocratique. Vous en tirez que le mot est commun et ne veut donc pas dire grand chose (antithèse) et vous avez une deuxième partie sur la sémantique et la communication. Cette architecture est commune à tous les sujets "mots" comme celui-ci. En fait , l'originalité vient de la troisième partie, où vous allez pouvoir parler enfin de ce que recouvre ce fichu mot à la mode.

Après, plusieurs traitements possibles s'offrent à vous : soit vous voulez parler absolument d'Huntington : mais alors, ce n'est plus hors sujet puisque ça représente un tiers du devoir seulement. Soit encore vous pouvez parler de l'homogénéisation des cultures (globalisation, homogénéisation, la terre est plate, le rendez-vous des civilisations, etc.). On pourra parler de l'instrumentalisation des mots (langue de bois et politiquement correct). On pourra aussi faire une partie sur la nécessité d'une politique culturelle (ou son inanité). Etc... Là, le champ est vaste, vous pouvez faire preuve d'originalité si vous avez préparé avec suffisamment d'habileté cette troisième partie de façon qu'elle ne tombe pas comme un cheveu dans la soupe.

O. Kempf

mardi 24 février 2009

CRISE FINANCIERE : VERS UN NOUVEAU MODELE ? (sujet CID)

J'avais donné, le 30 janvier dernier, un sujet de CID. Un peu tard (désolé, mais bon, il faut du temps pour tout, hein - bon ça a été rédigé mi janvier, ce qui explique que ça date un peu) je vous donne ici une proposition de corrigé.

1/ Ce devoir est déjà un classique cette année : la crise sera donnée comme sujet à de nombreux examens ou concours. Autant donc, dans le cadre d’une bonne préparation, s’y atteler.

La difficulté tient à l’équilibre à trouver entre les connaissances techniques et les généralités ; ou encore, pour ceux qui les peuvent, à se cantonner à un simple devoir économique quand le sujet est de culture générale. Il faut donc montrer ses connaissances mais ne pas entrer dans le détail, être prudent sur les chiffres, et insister sur l’action publique. On peut trouver là des voies dynamiques de réflexion : public / privé, ou national/international : pistes classiques, qui à défaut d’animer tout le devoir, permettent de charpenter des sous-parties.

2/ On remarquera dans l’introduction l’utilité de situer le sujet dans le temps et dans l’espace : ce point de comparaison permet aussitôt d’introduire la problématique (crise comme une autre, ou crise radicalement différente ?) et (j’ai encore fait des efforts) d’annoncer l’idée-maîtresse. On notera également les définitions, sobres mais qui permettent d’éviter d’y revenir dans le corps du développement.

3/ Le plan est classiquement en 2-3. On pourrait lui reprocher de suivre trop précisément ce qui est suggéré dans le sujet (I la crise financière… II provoquera l’émergence d’un nouveau modèle). Mais d’une part, il n’est pas interdit de le faire si ça couvre tout le sujet, et d’autre part, un peu d’habileté dans le traitement permet d’éviter ce côté mécanique : là encore, la forme permet de suppléer au fond ! Ainsi, le II permet encore de définir la crise (elle n’est pas que financière mais systémique) pour suggérer l’émergence d’un nouveau modèle. La césure suggérée par le sujet n’est pas entre I et II, mais au sein du II entre A et B.

On esquisse là un plan en trois parties : I La crise financière… II est bien plus qu’une crise financière … III ce qui impose l’émergence d’un nouveau modèle

4/ Toutefois, ce dernier plan insiste sur le nouveau modèle, comme si vous aviez LA solution. Or, là est le vrai danger du sujet, et à mon sens son piège : tous les experts du monde sont encore à essayer de trouver les solutions pour sortir de la crise. Ce n’est pas vous, qui n’êtes pas un spécialiste, qui allez pouvoir le faire en quatre heures. Il faut donc être prudent, et ne pas proposer des solutions yakafokon. D’où le traitement impressionniste adopté, qui décrit les grandes tendances et le nouveau paysage, sans entrer dans le détail de ce nouveau modèle en gestation.

L'intro est classique (accroche, sujet, définition, comparaison, problématique, IM, plan). les parties sont annoncées, les sous parties aussi, avec des transitions courtes. La conclu est elle aussi classique, avec reprise succincte de l'argumentation, puis une"ouverture". Bien sûr, elle a été rédigée au brouillon, juste après l'intro, quand l'esprit est encore frais et qu'on a du temps. Après, on commence le développement proprement dit.

5/ Tout ceci est bien beau mais nécessite de solides connaissances du déroulement de la crise (et chaque candidat doit cette année rédiger sa propre fiche sur le sujet), et si possible des connaissances de théorie économique. Il faut lire un petit manuel d’économie politique (celui de Généreux chez Hachette, par exemple, ou plus basique) pour savoir a minima distinguer libéralisme, néolibéralisme et keynésien.

On remarquera qu'il n'y a que deux citations, justement non purement économiques(sujet de culture générale) : juste ce qu'il faut à la mode pour que ça soit connu du correcteur, pas trop ringard (on ne cite pas Alain Minc ou Jacques Attali, par exemple), pas trop spécialisé non plus (le chercheur de l'université d'Angouville-sous-gadoue, ça ne passe pas même si c'est très intéressant). Oui : Alain Minc et Attali, c'est ringard car trop couvert par la presse grand public (désolé, Charles)

6/ Ce devoir a été rédigé en 4h20, en lambinant un peu. Avec de la fougue et du stress, on descendait sous la barre des quatre heures. On obtient normalement 12 au minimum.

CRISE FINANCIERE : VERS UN NOUVEAU MODELE ?

Le nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, a déjà annoncé qu’il veut mettre en place très rapidement son plan de relance, qui pourrait injecter huit cent milliards de dollars dans l’économie américaine. Lors de sa campagne électorale et depuis son élection, il n’a eu de cesse de se référer à la crise de 1929 : en effet, son arrivée au pouvoir intervient au moment d’une crise financière très profonde et aux nombreuses répercussions ; au point qu’on peut se demander si cette crise financière donnera naissance à un nouveau modèle.

Une crise peut être comprise comme le dysfonctionnement d’un système, dont l’activité est perturbée plus ou moins durablement pour soit revenir au système antérieur, soit le modifier selon un nouvel équilibre. La crise financière touche donc le système financier, celui qui finance l’économie grâce à des prêts, des crédits, des assurances et des marchés (boursiers, obligatoires, monétaires, etc.). Dans le cas présent, un modèle lie le système financier aux systèmes connexes (économique, social, politique, international).

Il y a déjà eu plusieurs crises financières : que ce soit aux Etats-Unis (affaire des caisses d’épargne dans les années 1990, scandale Enron au début des années 2000) ou dans le reste du monde (notamment la crise japonaise qui a duré toute la décennie 1990).

Ces exemples laissent penser que les crises financières peuvent être cantonnées, dans le temps ou dans l’espace. Il semble pourtant que la crise actuelle soit d’une toute autre dimension et qu’il s’agisse d’une crise systémique. C’est pourquoi il est très probable qu’elle sera l’occasion d’un nouveau modèle global.

Ainsi, la crise financière affecte profondément l’ancien modèle économique et mondial ; c’est en effet une crise systémique qui nécessite l’élaboration d’un nouveau modèle de gestion collective.


***

I) Affirmer que la crise financière affecte profondément l’ancien modèle impose de décrire celui-ci; ensuite, il s’agit de remarquer qu’elle s’étend au monde et à l’ensemble de l’économie, avant de constater enfin que les premières réactions ne suffisent pas à répondre aux défis posés.

A) L’ancien modèle financier et économique a été progressivement mis en place à partir des années 1980 au travers des politiques néolibérales qui se sont généralisées.

Le néolibéralisme, promu notamment par Mr Friedmann, a soutenu l’idée du désengagement de l’Etat hors de l’économie, et de la dérégulation. Les marchés étaient des instruments considérés comme plus efficaces pour permettre la rencontre de l’offre et de la demande. Ainsi, de nombreux Etats ont mis en place des politiques de privatisation et de libéralisation, démontant peu à peu l’ancien modèle Keynésien d’ Etat-providence.

A partir des années 1990, ce mouvement s’est accompagné d’un double phénomène de financiarisation et de mondialisation. Cela a été permis par la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui à permis la dématérialisation, l’universalisation et la permanence des échanges. L’ouverture des marchés a simultanément favorisé une croissance très rapide du commerce mondial. Enfin, de nouvelles techniques financières ont été mises au point (titrisation, marchés à termes,…) afin de permettre une meilleure répartition du risque.

Le dernier phénomène tient à la place des Etats-Unis, qui sont demeurés le premier acteur économique mondial. Toutefois, alors que dans les anées1970, ils étaient d’abord des producteurs, ils sont devenus peu à peu des consommateurs mondiaux, ce que traduit leur double déficit : celui de la balance commerciale et celui du budget de l’Etat. La dette publique américaine est ainsi gagée par des prêteurs mondiaux, tandis que le consommateur américain baissait drastiquement son épargne pour maintenir un haut niveau de consommation. Finalement, et conformément à la description qu’en a faite E. Todd (« Après l’empire »), l’économie américaine était devenue une économie d’endettement.

Elle était donc fragile, comme on l’a constaté avec la crise financière.

B) La crise financière, d’abord américaine, s’est étendue au monde et à toute l’économie.

La crise financière a une double origine. La première tient à la faillite du marché immobilier américain. En effet, les ménages s’endettaient dans ses proportions excessives (jusqu'à 100% de la valeur du bien) avec les taux variables pour acheter des maisons dont les prix ne cessaient de grimper : l’espoir de plus value leur donnait l’impression de richesse et favorisait leur consommation. Le retournement du marché a donc eu pour conséquence des défauts de paiement massifs. Ceux-ci se sont reportés sur les établissements prêteurs.

Là gît la deuxième cause de la crise, ce qu’on a appelé la crise des « subprimes » (obligations risquées à haut rendement). En effet, les établissements de crédit avaient émis ce type d’obligations pour diluer le risque. En fait, ils l’ont propagé à l’ensemble du secteur financier puisque les actifs de celui-ci n’étaient plus sûrs, et surtout avec des proportions inconnues de titres fragiles. La crise a duré toute l’année 2008 jusqu’à la faillite de Lehman Brothers en septembre. Avec la chute de cet établissement majeur de la place new-yorkaise, la crise se transformait en panique.

Elle s’étendait d’abord à l’économie réelle pour plusieurs raisons : frileuses devant le risque, les banques ne prêtaient plus et le financement de l’économie en fut gravement touché. Les entreprises investirent beaucoup moins, tandis que les ménages réduisaient leur consommation. Le resserrement généralisé des coûts a provoqué l’augmentation du chômage (près de 7% de la population active). La crise est devenue économique.

Elle est également devenue mondiale : à cause d’une part du raidissement financier (un pays comme l’Islande, très endetté, est au bord de la faillite) ; à cause d’autre part de la baisse de la consommation qui réduit le commerce et donc la production (la Chine va probablement perdre trois points de croissance en 2009 à la suite de cette contraction).

Cette crise générale a suscité des réactions diverses.

C) Or, ces réactions désordonnées ne répondent pas aux défis posés.

Les premières actions sont venus des Etats, qui se voyaient soudain parés de multiples vertus. Pourtant, les réactions furent d’abord individuelles. Ainsi, les Etats-Unis décidèrent un « plan Paulson », assurant l’injection de 600 milliards de dollars dans l’économie. L’Irlande décidait, unilatéralement et alors qu’elle appartient à la zone euro, de garantir tous les prêts qui avaient été conclus sur son territoire. Chaque Etat se lança ainsi dans les mesures destinées à soutenir l’économie nationale.

Cela avait des vertus : celle de la rapidité et celle de l’adaptation aux caractéristiques nationales. Toutefois, la nécessité d’actions collectives se faisait sentir, afin de répondre au caractère global de la crise. Les vingt plus grandes puissances économiques (G20) se réunirent donc en novembre à Washington, afin d’examiner les mesures à prendre. Une prochaine réunion est prévue, mais force est de constater que cela manque de concret. Similairement, une zone économiquement beaucoup plus intégrée comme l’Union Européenne peine à trouver un diagnostic commun et des réponses partagées. La chancelière allemande A. Merkel vient ainsi seulement d’accepter le principe d’un plan de relance au niveau de l’Allemagne. On est encore loin d’une active coordination européenne.

Simultanément, la crise a eu des conséquences politiques : on s’est ainsi aperçu que le consommateur n’était pas qu’un simple agent économique, mais aussi un citoyen. Cela explique certainement en partie l’élection de Mr. Obama qui a incarné une capacité à organiser le changement. Toujours aux Etats-Unis, un certain nombre de travailleurs pauvres et endettés ont fait pression sur leurs députés pour que ceux-ci n’avertissent pas toutes les dépenses prévues par le plan Paulson, au motif que cela ne s’accompagnait pas d’assez de réformes structurelles en contrepartie. Et il est enfin probable que les récentes émeutes en Grèce reflètent une crise sociale et économique.

Ainsi, les premières réactions ne paraissent pas à la hauteur de la crise. Celle-ci est en effet bien plus une crise globale et systémique qu’une simple crise financière et économique.


***

II) La crise est une crise systémique. En effet, il faut d’abord constater que l’environnement global a profondément changé ; dés lors, la crise est une profonde crise de confiance dans le système ; elle appelle donc un nouveau modèle de gestion collective.

A) L’environnement global est profondément différent des précédentes crises générales, comme celle de 1929 ou celle des chocs pétroliers.

La mondialisation est ainsi une donnée sur laquelle on ne pourra pas revenir : la mondialisation des échanges, des informations et des hommes modifie radicalement le contexte. Le monde est durablement installé dans une crise économique ouverte. Or, tous ceux qui appellent à un retour de l’Etat et à des politiques keynésiennes oublient que la théorie de J. M Keynes opère en économie fermée. On ne peut revenir au système d’avant le néolibéralisme.

Par ailleurs, chacun constate la réalité d’une crise environnementale liée notamment au réchauffement climatique, lui –même dû probablement à l’activité des hommes. Cette crise écologique est aussi une crise de ressources, ou plutôt de la ressource qu’est la biosphère. On commence à comprendre de nos jours que l’économie et l’écologie sont les deux faces gestionnaires d’un « Monde de ressources rares » (E. Orsenna).

Enfin, l’organisation géopolitique du monde est profondément renouvelée, puisqu’en deux décennies, le monde bipolaire puis mono-polaire a disparu, pour laisser la place à un monde multipolaire peu organisé. De nouveaux acteurs importants émergent (Brésil, Inde, Russie, Chine,…) et veulent peser sur la conduite des affaires mondiales. Dans le même temps, le système institutionnel en place (ONU, FMI, banque mondiale, OMC) peine à répondre à ces nouveaux défis.

La crise économique s’articule donc à d’autres crises et la mutent en crise systémique.

B) On caractérisera celle-ci comme une radicale crise de confiance dans le système.

Un débat a cours sur la nature, la profondeur et la durée de la crise : s’agit-il d’un ajustement temporaire et combien de temps durera-t-il ? Il s’agit ainsi de savoir si l’économie traverse simplement une récession, voire une dépression, ou si elle est entrée en déflation. Dans le premier cas, elle connaît une croissance négative plus ou moins longue alors que le second, elle entra dans une baisse générale des prix et des échanges. Il semble que la baisse des prix soit une donnée durable : baisse des prix de l’immobilier, baisse radicale des taux directeurs des banques centrales jusqu’à des niveaux quasi nuls, utilisation massive des mécanismes de réductions des prix (prime à la casse automobile, soldes généralisés, promotions de plus en plus fréquentes)…

Mais le prix est le mécanisme d’ajustement entre une offre et une demande. A trop manipuler le prix, on touche à la confiance qui lui est liée. Le prix ne devient plus un indicateur fixe, mais une base de négociation. Le consommateur n’a plus confiance dans le prix, ce qui entraine la déflation. Or il est très difficile de sortir d une déflation : le Japon a mis dix ans à en émerger au cours de la décennie 1990. Encore ne s’agissait-il que d’un cas national, et non d’une crise mondiale.

Or, la crise de confiance dans les prix répond à la crise initiale du crédit (entre établissement de crédits, et entre les prêteurs et les emprunteurs). C’est une crise générale de confiance dans le système capitaliste : A. Greenspan, ancien directeur de la banque fédérale américaine, a admis ses doutes profonds. Car d’une certaine façon, c’est la religion capitaliste qui est mise à mal, tout comme la religion communiste avait chu avec la fin de l URSS.

On ne reviendra pas au modèle précédent auquel on n’a plus confiance.

__ C)__ Un nouveau modèle de gestion collective est nécessaire, même s il mettra du temps à se mettre en place et qu’on ne peut le décrire : tout juste peut –on discerner quelques perspectives.

Il y aura très probablement de nouveaux mécanismes sociaux. Par ajustements successifs, la consommation viendra à des niveaux moindres et surtout plus durables et plus respectueux de l’environnement. De même, les systèmes de protection sociale devront être refondus, avec des systèmes publics plus développés (santé, famille, chômage, retraite) et un nouvel équilibre entre répartition et capitalisation.

Il faudra de nouvelles régulations internes, passant par certain retour de l’Etat, plutôt comme régulateur que comme acteur. Des autorités de régulation indépendantes devront voir le jour, afin de corriger le système en place peu efficace (les agences de notation financières ont ainsi été beaucoup critiquées, tandis qu’on impute à la commission boursière américaine – la SEC – de ne pas avoir prévenu le scandale Madoff).

Enfin, de nouveaux outils de gestion collective devront être inventés. Dans son discours aux ambassadeurs, M. Sarkozy appelait à la mise en place d’un groupe des 14 pays les plus influents , qui permette a la fois de parvenir à des décisions (nombre restreint d’intervenants) tout en organisant un consultation mondiale, Nord et Sud réunis, plus représentative et donc plus légitime que les seuls cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Ce directoire permettrait surtout de lier des problèmes divers et corrélés : sécurité, alimentation, commerce, santé, environnement, économie. D’ici là, il faudra se contenter d’enceintes plus spécialisées, mais qui prendront des décisions majeures : la conférence sur le climat, qui se tiendra à Copenhague en novembre prochain, devrait s’accorder sur un mécanisme de compensation des gaz à effet de serre, qui confèrerait aux pays du sud une responsabilité de gestion autonome des droits payés par les pays du nord : écologie, finance et développement seraient ainsi liés.

La crise en cours est donc une crise systémique qui va favoriser l’émergence, lente et probablement douloureuse, d’un nouveau modèle qui reste à inventer.


***

Ainsi, l’ancien modèle bâti sur la dérégulation et la mondialisation est remis en cause par la crise financière qui s’est étendue au monde et à toute l’économie : les réactions immédiates des différents acteurs ne suffisent pas à répondre à l’ensemble des défis posés.

En effet, le contexte global est différent des précédentes crises générales. Il s’agit donc d’une crise systémique qui est d’abord une crise de confiance. Cela appelle donc à la mise en place d’un nouveau modèle de gestion collective, encore flou aujourd’hui.

La crise en cours est majeure et durable. Elle marque dans l’ordre économique l’entrée dans le XXIème siècle, comme la chute du mur de Berlin avait sonné la fin du XXème siècle. La perspective d’un monde nouveau s’offre donc à nos yeux. En effet, la crise signifie la fin d’un monde ancien, donc connu, donc confortable. C’est pourquoi la « crise » inquiète si souvent. C’est oublier que la crise a un double sens, révélé par l’idéogramme chinois qui la désigne et qui est composé de deux mots : maladie et opportunité. Quelle que soit la douleur de la maladie, il faut favoriser l’espoir de l’opportunité.

O. Kempf

dimanche 1 février 2009

Devoir sur la presse : corrigé

J'avais suggéré un sujet de devoir de culture générale pour les candidats au CID (voir ici) "La presse peut-elle tout dire? la presse doit-elle tout dire?"

Quelques remarques méthodologiques, avant de proposer un exemple de traitement.

1/ Ces sujets binaires exigent un autre plan que I peut II doit. Si on opte pour le deux parties, il faut recycler l'opposition à l'intérieure des parties, et idéalement à l'intérieur des sous parties (I A 1 peut 2 doit, I B 1 peut 2 doit, etc...). Sinon, ce la force à un plan en trois parties pour introduire du dynamisme.

2/ Le sujet tourne autour de la presse. Dans la phase de recherche, vous vous attacherez à définir/délimiter, et le résultat de votre raisonnement sera placé dans l'introduction (après la reprise du sujet). Cette délimitation sera plus ou moins longuement écrite, mais elle aura nécessité une profonde attention au cours de a recherche. En matière de délimitation, l'usage recommande une délimitation historique et géographique. On entend habituellement ces deux notions dans leur premier sens : France vs Europe vs monde, ou aujourd'hui vs XX° siècle vs Ancien Régime. Or, la délimitation peut aussi porter sur le champ de voter étude, ans une acception plus large du mot géographique : ministériel vs interministériel, par exemple. Ici, le cas se pose : qu'entend-on par presse? habituellement, chacun comprend presse écrite, mais c'est très réducteur, et il fallait accepter d'étendre le mot à l'ensemble des médias, audio visuels mais aussi internet. Cet élargissement permettra un enrichissement.

3/ Dernier obstacle à lever : fallait-il se cantonner au seul domaine politique, ou élargir ? Je crois qu'il faut se poser la question en terme d'utilité (à quoi ça sert?) qui permet de bien appréhender la problématique, et de dépasser le dilemme peut/doit qui est, sinon asséchant. Dès lors, la presse est à la fois un agent du jeu politique, ET un acteur économique ET une industrie bouleversée par la technique. Cette triple compréhension permettait d'enrichir le questionnement du "peut".

4/ Il s'ensuit logiquement l'inversion du sujet, partant du "doit" avant d'interroger le "peut". Démarche qui est d'ailleurs plus logique en terme de philosophie....

L'étudiant portera attention aux connecteurs : annonces de plan, conclusion partielles et transition. Dans l'intro, j'ai même mis une idée maîtresse distincte du plan.


***

L’automne 2008 a été l’occasion d’un débat sur la limitation de la publicité à la télévision publique. Plusieurs questions ont alors été soulevées : celle du rôle du pouvoir politique, celle de l’indépendance de la presse. Au-delà de ce cas particulier, c’est toute la question du rôle de la presse qui était posée : doit-elle tout dire ? Surtout, peut-elle y parvenir ?

La presse est constituée de l’ensemble des médias d’information, quelle que soit la forme de leur diffusion : écrite, audiovisuelle ou informatique. Ces formes successives évoquent l’histoire de la presse : aux almanachs du XVII° siècle ont rapidement succédé gazettes et revues, dont le nombre et la diversité n’ont cessé d’augmenter de la Révolution jusqu’aux premières décennies du XX° siècle. L’époque voit alors apparaitre de nouvelles formes de presse : radiophonique tout d’abord (la T. S. F) puis télévisuelle. La fin du siècle connaît une nouvelle révolution technique, celle de l’informatique en réseau.

La presse est répandue mondialement même si on peut observer des modalités locales : la France connait ainsi un secteur florissant des magazines hebdomadaires, quand la Grande-Bretagne ou l’Allemagne sont restées fidèles au format quotidien. Cependant, au-delà des particularités capitalistiques ou techniques, la presse demeure universellement un produit de consommation de masse.

La dernière révolution technique que rencontre actuellement la presse, celle de l’informatique en réseau, est d’ailleurs la plus brusque et la plus mondiale. Cette rapidité bouleverse justement les structures médiatiques établies et provoque les questionnements ontologiques sur le rôle de la presse, comme si celle-ci était menacée par les nouveaux médias.

Cette vision pessimiste doit être nuancée.

En effet, s’il est entendu que la presse doit (presque) tout dire, sa capacité à y parvenir est aujourd’hui remise en cause. Toutefois, de multiples évolutions permettent à la presse de continuer à remplir son office.


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La presse doit (presque) tout dire. Il y a certes des limites techniques à ce « tout ». Un média est d’abord un format matériel, dont l’espace est structurellement contraint. La presse sélectionne donc des informations. Il reste qu’elle doit tout dire : c'est à ça qu’elle sert, même si cet impératif doit être encadré.


** La presse sert à tout dire : parce qu’elle s’adresse à un public, et parce que c’est conforme à son essence. La presse s’adresse à un public : elle publie, c'est-à-dire qu’elle rend publiques des informations. Cette fonction de médiation s’inscrit dans deux directions : celle de satisfaire la curiosité de ses lecteurs et spectateurs, en un mot ses consommateurs ; celle également d’informer le citoyen, acteur politique individuel de la cité. Par cette double médiation, la presse obéit à son essence propre. La presse a en effet une double nature. C’est d’abord une entreprise économique spécialisée dans la fourniture de services (la diffusion d’information) : elle doit donc atteindre un équilibre financier. Mais la presse constitue également ce qu’on a appelé le quatrième pouvoir politique. Elle remplit un rôle particulier dans la vie démocratique, celui de rendre les débats publics, ce qui l’amène à publier des informations peu médiatiques. Ce rôle politique impose à la presse de devoir tout dire, même et surtout ce qui gêne les autres pouvoirs. Cette fonction d'équilibrage démocratique justifie d’ailleurs des subventions publiques, destinées à compenser le rôle non mercantile de la presse. L’impératif de tout dire au public (consommateur et citoyen) doit cependant être encadré.


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Cet encadrement se justifie par la déontologie, et parfois par la raison d’Etat. L’exercice professionnel de la presse impose d’éviter des écueils , malgré la demande éventuelle du public. Ainsi, la presse doit se garder de colporter des rumeurs , de toucher au droit à la vie privée , enfin d’attenter à la confidentialité de ses sources .Pour cela, elle doit vérifier les informations qu’elle publie, au risque de rater une exclusivité ; elle doit respecter l’intimité des hommes publics, malgré la demande croissante des consommateurs ; enfin la confidentialité des sources est la condition d’obtention d’informations qui autrement seraient tues . Exceptionnellement, l’intérêt supérieur du pays exige de taire une information. Cette raison d’Etat peut être invoquée par les pouvoirs publics, ou laissée à l’appréciation du journaliste. La loi a cherché à encadrer cette raison d’Etat grâce à la réglementation du « secret défense ". Il n’est pas sûr toutefois que le dispositif suffise à éviter les abus. Mais hormis ces cas marginaux et exceptionnels, il reste de règle que l’encadrement légal paraît satisfaisant.

Ainsi, pourvue que quelques règles soient respectées (qu’il s’agisse de dispositifs légaux ou de mesures déontologiques), la presse doit dire tout ce qu’elle peut dire et qui intéresse le public, qu’il soit consommateur ou citoyen. Ce principe demeure-t-il pérenne ?


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La question se pose car la capacité de la presse à tout dire est aujourd’hui mise en cause : parce que sa diversité se dégrade, et parce qu’elle est soumise à plus de pressions.
** La diversité de la presse est le gage de son indépendance, même si son équilibre se dégrade. La presse est fondamentalement diverse : on oppose presse d’opinion à presse d’information, on la décrit généraliste ou spécialisée, nationale ou régionale, on distingue son mode de diffusion (écrite, radiophonique, télévisuelle, électronique) ou son rythme de parution (instantanée, horaire, quotidien, hebdomadaire, mensuel, …….) , etc. . Cette diversité répond au goût du public. L’adaptation qu’elle traduit marque également la rencontre économique entre une offre et une demande. Ainsi, cette diversité économique traduit la richesse d’une offre : aussi bien le nombre que la solidité financière. Dès lors, la diversité est considérée comme le gage d’une indépendance. Celle –ci est économique, bien sûr, mais elle est au-delà politique. Une presse diverse est le signe d’une indépendance démocratique. Or, cette diversité se dégrade apparemment. C’est très notable quand on observe la presse écrite, et tout particulièrement la presse quotidienne nationale : le nombre de titres s’est drastiquement réduit, et les tirages baissent inexorablement. Certes, on remarque peu la résistance de la presse régionale, ou de la presse spécialisée (économique et sportive) ; on déplore l’irruption de quotidiens gratuits, qui ont pourtant trouvé de nouveaux lecteurs. En fait, on garde à l’esprit l’importance de cette forme de presse du début du xx siècle : mais bien qu’emblématique et prestigieux, le grand quotidien national n’est pas toute la presse. Cet argument apaiserait bien des alarmes si on ne constatait, simultanément, la dégradation de l’audience d’autres médias. Ainsi, le journal télévisé de 20 heures rassemble de moins en moins de téléspectateurs. L’affaiblissement de la télévision, qui avait beaucoup phagocyté la presse écrite, nourrit donc les inquiétudes. Car derrière tirages et audiences, il faut comprendre que se cachent les recettes financières qui permettent l’équilibre.


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Or, cet équilibre paraît d’autant plus menacé que la presse semble soumise à d’avantages de pressions, directes ou concurrentielles. Les pressions directes peuvent venir des hommes politiques. La question n’est pas nouvelle : on critiqua ainsi le général de Gaulle d’utiliser la télévision comme un relais du gouvernement. Aujourd’hui, certains dénoncent les liens entre certains cercles politiques et certains milieux économiques, influents dans la presse. Car la deuxième pression serait économique : soit que certains groupes de presse obtiendraient une situation de monopole et donc une influence démesurée, soit que certains entrepreneurs voudraient obtenir un organe à leur dévotion. Les journalistes de La Tribune, possédée alors par M. Arnoult, avaient ainsi des scrupules à écrire des articles sur les sociétés du groupe L. V. M. H. Toutefois, ce risque a toujours coexisté avec la presse. Plus inquiétante parait la pression concurrentielle des nouvelles technologies.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) s’appuient en effet sur les nouveaux supports électroniques qui sont devenus des objets possédés massivement : ordinateurs (fixes ou mobiles), téléphones portables assistants personnels électroniques … . L’augmentation du nombre de contenants (au sens propre, des médias) appelle l’accroissement du contenu (l’information). Or, la privatisation des contenants entraîne la diversification des contenus, tant du côté du producteur que du consommateur. De nouvelles offres d’information apparaissent, non seulement sur les nouveaux médias, mais aussi sur les anciens supports (télévision numérique terrestre, journaux gratuits). L’efflorescence de ces nouveaux médias soumet donc la presse traditionnelle à rude concurrence.
** L’ensemble de ces pressions pose la question de l’indépendance de la presse, et donc sa capacité à répondre à son devoir de tout dire.


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Or, à cette perception pessimiste, il est possible de répondre que de multiples possibilités d’évolution permettront (permettent déjà) à la presse de continuer à remplir son office. Car puisque le consommateur change, la presse s’adaptera.
** Le consommateur change : parce qu’il consomme différemment l’information et surtout parce qu’il en produit. Le consommateur a un nouveau rapport à l’information. La société paraît plus fragmentée et plus individualiste, ce qui entraîne l’obsolescence des formes obligées et institutionnelles de communication. La « messe du 20 h 00 » perd des fidèles. Mais ce désintérêt s’accompagne d’une consommation accrue de communication. On constate ainsi l’accroissement de la masse d’informations diffusées, qui incluent désormais ce qui autrefois n’était pas considéré comme de l’information (potins plus ou moins scabreux sur la vie des étoiles, télé réalité). Simultanément les informations « sérieuses » sont plus diffusées (cf. les chaines d’information en continu, ou les systèmes de flux sur l’internet). Dans le même temps, et probablement le même mouvement, le consommateur devient producteur d’information. Il est enregistreur (grâce aux appareils de photo et de vidéo numérique) mais aussi diffuseur ; particulièrement sur l’Internet (journaux personnels -blogs, réseaux sociaux-, sites de photos ou de vidéos partagées - flickr, you tube, …). Au centre de l’information, le consommateur devient également un citoyen plus actif, comme l’a démontré la mobilisation sans précédant de l’électorat soutenant M. Obama. Ainsi, la pluralité démocratique a migré de plate-forme, ce qui est un remède au risque de contrôle de l’information. La massification de l’information a plutôt augmenté le pluralisme, ou la presse traditionnelle trouvera sa place.


** La presse, en effet, s’adaptera. Elle s’adapte déjà, parce qu’elle s’appuie sur ses qualités propre.

La presse s’adapte déjà. A prendre l’exemple de la presse écrite, que l’on dit la plus menacée, on constate dans le cas français la très bonne résistance de la presse quotidienne régionale : c’est une presse massive car c’est une presse de proximité. De même, la presse de potins a connu une croissante fulgurante aux cœurs des dix dernières années, et pas seulement en France. Simultanément, chacun peut constater l’audience croissante des grand médias (le Monde, le Figaro, le New-York-Times, les FAZ) sur l’internet. La croissance très rapide du marché publicitaire sur ce nouveau média suggère la mise en place d’un nouveau système économique qui permettra d’atteindre un certain équilibre. Les médias traditionnels y trouveront leur place car ils s’appuieront sur leurs qualités propres. Ces qualités sont diverses : techniques, grâce à des capacités à recouper l’information (rôle de certification) ; analytiques, grâce à la compétence (rôle d’expertise) ; transversales, grâce à leurs réseaux (rôle d’universalité). Ainsi, la presse sera moins dépendante du média (papier, hertzien, numérique) que fondée sur une expertise immatérielle. Le titre sera devenu une marque . Et comme dans tout équilibre concurrentiel, il y aura des grandes et des petites marques.


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La presse a pour fonction de fournir des informations à un public qui est la fois consommateur et citoyen. Elle doit donc tout dire, dans certaines limites déontologiques. Il reste que l’équilibre de la presse se dégrade, soit qu’elle soit soumise à des pressions diverses, soit surtout qu’elle subisse la concurrence multiforme des nouvelles technologies de l’information. En perdant son monopole relatif de l’information, la presse n’aurait plus la capacité de son indépendance. Toutefois, le public profite de cette révolution à la fois pour consommer plus d’informations, mais aussi pour les produire lui-même. La presse est déjà entrain de s’adapter à ces nouvelles conditions pour fonder son existence sur une expertise immatérielle. Ainsi, il faut se garder de sombrer dans le pessimisme commun lorsqu’on évoque la crise de la presse et les menaces qui présent sur son indépendance. L’idéogramme chinois qu’exprime le mot ‘crise’ est composé de deux éléments : l’un qui signifie la maladie, l’autre l’opportunité. Les révolutions sont rarement le moment de disparitions, et toujours celui des opportunités. La presse évoluera donc afin de pouvoir, comme elle le doit, dire plus encore.

O. Kempf

vendredi 30 janvier 2009

Sujet de CID

Je donnerai le corrigé du précédent devoir (voir ici) dimanche soir. Dès à présent, voici un nouveau sujet, sur lequel les candidats de cette année devront avoir réfléchi.

" Crise financière : vers un nouveau modèle ?"

Bon courage

O. Kempf

vendredi 23 janvier 2009

Sujet de CID

Nombreux sont ceux qui préparent le Collège Interarmées de Défense (CID). Parmi eux, certains viennent consulter régulièrement ce blog. Et on m'a même demandé conseil à ce propos. Allez savoir pourquoi.... Les sujets de culture générale sont d'ailleurs aussi valables pour tous ceux qui préparent des concours administratifs (ENA, IRA, ....) Bref, je compte donner de temps à autre des sujets de CID, et leur correction. Je l'ai déjà fait, voir ici et ici). Mais pour vous laisser réfléchir, je ne les corrigerai pas immédiatement.

Donc, pour aujourd'hui, en Quatre heures,

"__La presse peut-elle tout dire? La presse doit-elle tout dire__ ?"

O. Kempf

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