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La nouvelle stratégie américaine en Afghanistan, Clausewitz …toujours ! par le Gal Gambotti

Ce qui est bien, sur un blog, au bout d'un certain temps, c'est que vous avez des correspondants qui vous envoient des textes passionnants. Et c'est très pratique quand vous rentrez du week-end de Pâques, que vous avez épluché la centaine de mails de votre boîte, effacé les dizaines de spams et répondu aux correspondants impatients. Du coup, s'appuyer sur des gens intelligents est une belle chose. Et je devine que mes camarades blogueurs m'envient secrètement...;

Or, donc, le général Gambotti est un clausewitzien de la première heure (c'est probablement la raison pour laquelle il vient sur mon blog) et accessoirement un adepte de la pensée non linéaire (sur laquelle je reviendrai dans un prochain billet). Et en plus, il a lu la dernière stratégie américaine. Il nous livre donc ses remarques, et je les rends publiques avec un double plaisir : d'abord parce que c'est intéressant, et ensuite parce que c'est reposant.... Enfin, si depuis Colson et Desportes chacun sait que les Américains sont principalement Jominiens, ils ont toujours été partiellement sensibles à CVC. Discerner les bribes de cette influence est toujours instructif. O. Kempf


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Sur ce site, user de la grille de lecture clausewitzienne pour s’entretenir de la guerre n’est pas considéré comme un tropisme réactionnaire, aussi vais-je une nouvelle fois m’appuyer sur De la guerre pour montrer qu’on ne peut très longtemps s’exonérer des postulats quant on traite de la violence absolue.



A la lecture de la nouvelle stratégie américaine pour l’Afghanistan et le Pakistan on ne peut que paraphraser l’expression de Colin Powell à sa première lecture de Clausewitz : c’est comme si « les militaires d’aujourd’hui avaient été illuminés » par « un rayon de lumière surgi du passé ». En effet comment ne pas voir dans cette nouvelle stratégie américaine la prise en considération de la « remarquable trinité » ! Car puisque la guerre ne change pas - les guerres modernes ou bâtardes ne sont, au sens clausewitzien, que des formules - les stratèges doivent se plier à la géniale fulgurance de Clausewitz quant à la nécessité, pour penser la guerre, de devoir prendre en considération trois types de forces agissant en interaction : (1) la force naturelle aveugle que représentent la violence, la haine ou l'inimitié des masses; (2) l'aléatoire et les probabilités, que le commandant et ses troupes subissent ou engendrent; (3) la subordination rationnelle de la guerre à la politique.

Dans la synthèse de la nouvelle stratégie que propose le site de la Maison Blanche, on peut lire que l’objectif politique est de battre définitivement Al Qaeda en Afghanistan et au Pakistan et de lui interdire de s’installer ailleurs dans le monde.

Pour ce faire, dans un premier volet, l’approche régionale consistera à considérer que l’Afghanistan et le Pakistan sont deux pays mais un seul défi et que le Sud-Est asiatique, par ses acteurs clefs, doit être le troisième partenaire pour le partage du fardeau militaire et économique. Il s’agit bien de convaincre les Etats de l’importance de la puissance de la politique dans la gestion et la résolution du conflit, c’est un rappel de la subordination rationnelle de la guerre à la politique.

Le deuxième volet de cette stratégie réside dans la recherche d’une plus grande sécurité sur le terrain en portant l’effort sur la formation et l’entrainement d’une armée et d’une police afghane. Par cet effort considérable humain et financier c’est vouloir donner à la force militaire, en particulier, la capacité de dominer la contingence.

Enfin le troisième volet consiste en un effort important de la Communauté internationale permettant de fournir plus de ressources à l’Afghanistan pour le sortir du sous-développement et assurer, à long terme, sa paix et sa sécurité. Il s’agit précisément de répondre au syndrome du « pays libéré-occupé » et tenter de faire taire la haine ou l’inimitié des masses envers l’étranger, ou mieux de les faire coopérer à la construction d’un avenir meilleur.

Cette Review américaine analysée au travers de Clausewitz devient tellement limpide que la méthode parait suspecte. Mais une fois de plus il ne faut pas méconnaître l’importance de Clausewitz dans la culture stratégique américaine, ce faisant quelques bribes de De la guerre peuvent être de bonnes clefs pour décrypter nos alliés.

Jean-Pierre Gambotti

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