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Honneur, ou discipline : la marine en 1940

Voici un commentaire d'un lecteur, Thibault Lamidel, qui lance un débat de fond.

(tiré d'un bon blog de culture pop, ici) Derrière le cas historique de 1940 que je ne connais pas plus que ça, derrière l'éventuelle théorie de la hiérarchie, se pose une question déjà relevée par le crabe tambour, déjà un marin : souvenez -vous de l'excellent Jacques Dufilho, expliquant déjà cette question de l'honneur et de la discipline:

cette articulation simple est-elle toujours possible ?

Cela renvoie à un sujet que je viens de donner à un de mes poulains que je prépare au CID : "éloge de la résistance".

Pas évident, j'en conviens. Il faut bien sûr éviter un débat trop historicisé qui apporterait trop d'affect et d'idéologie. Et en même temps, se garder de l'angélisme spectral du yakafocon qui vient toujours apèrs l'histoire, moralisateur aux mains tellement pures qu'il n'a pas de mains. QUi veut faire l'ange fait la bête....

Il y a donc un profond dilemme moral : il faut l'aborder avec précaution.....

O. Kempf

Verbatim Thibault Lamidel, en commentaire à ce billet.

Je tiens à signaler un ouvrage, "Les Combats et l'Honneur des Forces Navales Françaises Libres 1940-1944" de Etienne et Alain Schlumberger. Le premier est un des Compagnons de la Libération.

Quel intérêt de présenter cet ouvrage ? Il répond à une question fondamentale, et à d'autres auteurs par la même occasion. Dans la première partie, l'auteur présente rapidement "sa" deuxième guerre mondiale. Comment un ingénieur du Génie maritime est devenu Officier de Marine, Commandant de sous-marin et Compagnon de la Libération.

Mais il répond donc dans la deuxième partie a une grande énigme de la défaite de 40. Sur son volet maritime donc. Pourquoi la Marine Nationale a-t-elle abandonné la France ? Je dis crument les choses, la Marine Nationale de la République Française a refusé de combattre, c'est ma conviction. Et cette conviction, je l'ai forgé en "avalant" tout ce que j'ai pu trouver comme récit sur cette période charnière. Qu'est-ce qui fait que la Marine Nationale était autant un rempart qu'un danger pour la sécurité nationale ? A-t-elle fait son "mea culpa" pour éviter de trahir une nouvelle fois ? Je confirme, la légende du Pavillon sans tâche, ce n'est pas ma religion. René Loire ("Le Frappeur") en pense de même. Il indique que ses connaissances américaines n'ont pas compris officieusement l'attitude française. Lui non plus d'ailleurs. J'ai essayé de comprendre en lisant "La Marine dans l'Histoire de France" de l'Amiral Auphan (membre du Gouvernement de Vichy). Sa thèse est construite de façon élégante pour ne pas mettre en doute l'Honneur de la Marine. "Elle n'avait pas le choix, elle était coincé (entre un Etat de Vichy et une Angleterre ennemi de toujours), et au nom de l'honneur, elle ne s'est pas donné à l'ennemi (donc a respecté ses obligations)" (je résume de ce que je me souviens).

Malheureusement pour lui, et heureusement pour nous, le livre dont je vous fait part présente une version de l'Histoire qui a le mérite d'expliquer, et presque, de convaincre (je le suis). L'auteur dans sa deuxième partie, analyse ce qu'est l'Honneur d'un Officier de Marine et le met en relation avec l'image qu'il se fait de la Discipline. En caricaturant un peu le propos, il explique que la Marine de 40, c'est une pyramide. Le sous-chef tient l'ordre du chef qui tient l'ordre... Que cette pyramide, et d'autres facteurs, tiennent le marin très près de ce qu'est l'Honneur et la Discipline de "son étage" de pyramide. Mais que cette construction mentale le tient éloigné de la défense de la Patrie. Et in Fine, le sommet de la Marine, c'est le chef qui défend l'Honneur du Pavillon. Avant cette ultime étage, ce sont les amiraux qui, à part défendre ce pavillon, sont incapable d'initiative. Complètement éduqué et moulé dans cet amour de l'Honneur, ils étaient incapable de faire autrement. Ce qui est gênant, puisque ce sont les amiraux de flotte qui avait la garde de la Marine dans les ports hors métropole.

Etienne Schlumberger présente mieux que moi pour les courageux, le livre se lit vite.

Thibault Lamidel

Commentaires

1. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par VonMeisten

Débat intéressant. Les Armées défendent-elles au final la Nation ou l'Etat ? Si l'Etat enterre la Nation et ses valeurs, que devrait-elle faire ?
Pendant mon intérim militaire, je me suis souvent demandé lors de la montée des couleurs ce je ferais un jour au cas où...

2. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Thibault Lamidel

Concernant mon commentaire, je tiens vraiment à insister sur le fait que l'auteur du livre présenté explique sa thèse beaucoup mieux que moi. Au delà de la thèse pyramidale que j'ai présenté, il analyse toute la période de la bataille de France à l'invasion de l'Afrique du nord et l'assassinat de Darlan. Et en analysant le comportement de la Marine, en particulier le corps des officiers. Sachant que les matelots n'étaient pas contre la poursuite de la lutte globalement.

De plus, j'aimerai verser une pièce supplémentaire au débat. Dans le numéro 164 (juillet 1994) de l'ACORAM (Association Centrale des Officiers de Réserve de l'Armée de Mer), il est fait le compte rendu d'une conférence intitulé "De l'Armistice de juin 40 au Sabordage de la Flotte : ce que nous savons aujourd'hui". Conférence prononcé par le Contre-Amiral Wassillief à Toulon et Brest. Cette conférence apporte un jour nouveau au débat lancé gracieusement par Egea. Et complète le livre que j'ai cité. Etienne Schlumberger avoue dans son livre ne pas comprendre le rôle des Etats-Unis dans la période visé par la conférence précité.

Et la conférence y répond : "Dès l'été 41, Darlan déclare à l'amiral Leahy, ambassadeur [américain] à Vichy, puis au diplomate Robert Murphy : "quand vous aurez 500 000 hommes, je serai à vos côtés". Il est même précisé que Darlan proposait de se rendre secrètement aux Etats-Unis. C'est peut être bien vrai, il a bien rendu visite à Hitler. Moralement, ce n'est pas trop dur de faire de même pour rendre visite au président Roosvelt. C'est Churchill qui aurait refusé la rencontre. Le plan de Darlan est de proposer aux américains d'attendre 1943 pour pendre pied en Afrique du Nord. Et lui, Amiral de la Flotte et bientôt (ou déjà) sera Commandant en chef de l'Armée française. Il était question que l'Armée d'Armistice se sacrifie (d'ailleurs, cela aurait été la spécialité française sur terre de se sacrifier, après le sacrifice de régiment entier en 40).

Le conférencier note que le plus curieux, c'est que le général Giraud qui s'évage en 1942 propose le même plan aux américains. Et ce, même s'il n'en a jamais parlé avec Darlan ou Robert Murphy (représentant spécial du président américain en Afrique du Nord).

Pourquoi le plan de Darlan ne se réalise pas ? Tout d'abord, il se servait de son fils comme agent de liaison entre la métropole et l'Afrique du Nord pour tenter d'entrer en contact avec le représentant spécial, Robert Murphy. Mais, hélas (?), la rencontre ne se fait, et quand c'est possible, Alain Darlan (fils) est attend de la poliomyélite qui l'emportera rapidement. Pourtant, au moment de la préparation de l'opération Torch, le 18 octobre 1942 (débarquement en Afrique du Nord), il est question de traiter avec Darlan (décision de Roosevelt, dans les mémoires de Robert Murphy). Bien que l'opération soit en avance d'une année.

Et c'est à ce moment que le cafouillage intervient. Le 22 octobre 1942 Murphy ne contacte pas Darlan directement. Il prend contact avec le général Mast, représentant du général Giraud. Et quelques jours plus tard, Murphy rechange ses plans (de façon autonome ?) et contacte finalement le général Juin. Le message passe enfin "Les cinq cent mille hommes que l'amiral Darlan réclame sont prêt, vous pouvez en avisez l'amiral".
Darlan est alors en tournée d'inspection en Afrique du Nord. Et aurait réuni des officiers de toutes les armes pour leur dire en substance que le combat pourrait reprendre. Le 6 novembre 1942, il est au chevet de son fils. Deux convois se présente alors en méditerannée, longeant le nord de l'Afrique. On assure Darlan qu'ils vont vers la Tripolitaine (Lybie). Finalement, passant au large d'Oran et d'Alger, il ne reste plus qu'un angle de 90° à effectuer pour débarquer sur les côtes françaises d'Afrique. Darlan refuse de croire que Murhpy ait pu lui mentir (faites le parallèle avec Kennedy, De Gaulle et Bush).

Darlan n'est pas averti. Alors que les généraux Juin, Mast et Giraud le sont. Le conférencier dit même que le chef d'Etat portugais Salazar et Pétain serait au courant le 6 novembre. D'ailleurs, un bureau de Vichy a bien repérer le convois en deux parties.

Le 6 novembre donc, Darlan n'est pas au courant du débarquement. Pour des raisons inconnues, du monde est au courant, dont des français. Et Robert Murphy, représentant spécial du Président des Etats-Unis n'a pas juger bon d'avertir directement Darlan, Amiral de la Flotte et Commandant en chef des forces armées françaises. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, les américains débarquent.

Pourquoi les américains ne prennent pas la précaution de débarquer en terres amies, voir conquise ? Le conférencier va présenter sa version des faits :

" A cette époque, le président Roosevelt avait imprudemment promis à Staline d'ouvrir le fameux second front pour soulager l'Armée Rouge et de l'ouvrir avant le 1er janvier 1943... "

" C'est pour cela que contre l'avis de ses chefs militaires, il prend la décision d'un débarquement en Afrique du Nord..."

Permettez moi de relever une chose. Ce n'est pas la première fois qu'un chef politique décide d'une action contre l'avis de ses autorités militaires. Pensez donc à Churchill et l'opération Catapult.

" Les jeunes GI [...] n'étant absolument pas en état d'affronter les combattants aguerris de la Wermarcht, on s'en prendra aix français réputés mal armées ".

" Cela peur surprendre, mais c'est M. Gentscher, ministre des Affaires Etrangères de l'Allemagne qui l'a révélé voici quelques années [...] son propre père, bras droit de Ribbentrop, qui les [les négociations secrètes] avait menées... "

Quand les américains débarquent, Pétain avait donné l'ordre de résister auparavant. Darlan dort pendant le débarquement et sa ligne téléphonique est coupé par des jeunes résistants. Le massacre s'opère, toute alerte ayant été soigneusement écarté.

" Eisenhower invoquera le mauvais fonctionnement de ses transmissions " pour expliquer le très long délai pour arrêter les combats (commencé le 7 au soir, arrêté le 13 novembre).

Pourquoi le Sabordage ? Darlan appelle Laborde pour faire venir la Flotte. Seulement, Darlan semble désavoué par le Marécal. Mais un accord intime le lierai. Et le conférencier certifie que d'après témoignage, Darlan aurait eu confirmation de cette accord intime avec le Maréchal. Mais Laborde ne le sait pas. Donc Darlan invite Laborde à rallier Dakar (où se trouve le Richelieu et qui ne s'est pas encore rallié à Darlan, ni De Gaulle d'ailleurs d'après mes souvenirs). Et drame dans le drame, Laborde hait Darlan (il m'a piqué mon poste...). Et donc, fière de lui, il aurait dit "Cambronne" à Darlan. Et c'est l'accord avec les allemands (largement détaillé et expliqué par Schlumberger, accord géniale d'Hitler, ce qui est encore un drame).

La flotte se Saborde.

Je cite comme le conférencier une note " En ce triste Noël, je ne peux détacher mes pensées, qu'il est plus triste encore pour Mme Darlan, qui a vu son fils frappé de paralysie infantile, et dont le distingué mari vient de tomber sous la main d'un assassin, je suis convaincu qui si nous réussissons à écraser l'Allemagne, l'amiral Darlan rejoindra la galaxie des héros de l'histoire de France". Signé... Amiral Leahy.

Les honneurs ont été rendu à Darlan par De Gaulle. Et il faut voir que De Gaulle à pardonner à bien des officiers après la guerre. Peu de condamnation à mort ont été effective.

Je vous laisse apprécier. Merci à ceux qui se donneront la peine de lire,

Très cordialement,

Thibault Lamidel

3. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Immarigeon

Bonjour,

Peut-être quelques éléments de réflexion...

Concrètement, un navire, même un contre-torpilleur, ça ne se rallie pas à la France Libre comme un individu. Il y a un équipage à convaincre, et ça ne se passe pas comme au cinéma style "A la poursuite d'Octobre Rouge". A part la 13ème DBLE (et les hommes de Sein) et les unités Druzes plus tard, combien de chefs ont-ils rallié avec leur troupe ? Voir, sur les troupes de Norvège précisément, le cas Béthouard, son déjeuner avec de Gaulle à Londres etc...

Mais d'un autre côté, et pour exactement les mêmes raisons, un chef résolu entraîne ses hommes. Or nos amiraux n'avaient certainement pas la force de caractère pour cela, même pas le courage de leurs homologues britanniques qui faillirent rejouer le "Bounty" le 3 juillet 1940 avant de se résoudre à obéir aux injonctions comminatoires (c'est lui-même qui l'écrit) de leur premier ministre ancien First Lord (et on sait ce qu'écrivirent plus tard là-dessus Cunningham, Holland et même Sommerville).

Incidemment, l'excuse de l'ennemi héréditaire qu'on ne pouvait rallier sans déroger est pitoyable. C'est du comportement de boy scout, même pas, de cour de récréation, on retrouve ça dans les gamineries de Weygand refusant la capitulation militaire, du même s'apitoyant au téléphone sur le sort d'Huntzinger piégé dans le wagon de Rethondes (comme si c'était ça le problème ce jour-là). En un mot, ceux qui prirent les commandes le 16 juin 1940 n'étaient pas à la hauteur, c'est tout...

4. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Thibault Lamidel

Il y a de nombreux passages dans le livre présenté sur le rôle des officiers dans la "tenue" des équipages pendant les différents "épisodes" de possible ralliement. Que ce soit en Angleterre. Ou quand l'équipage du Richelieu a scandé des chants partisans (Vive de Gaulle) avant d'être réprimé par les officiers.

De plus, Mer-el-Kebir est presque un faux drame. Comme vous le dites, les amiraux anglais ont répugné autant que possible à tirer. D'ailleurs, l'ultimatum a cessé d'être repoussé. Il était fixé à 14h, appliqué vers 17h30. Au premiers morts, ou presque, les anglais ont cessé le feux. Les allemands n'ont pas eu ce genre de scrupule quand ils ont fait le blocus d'une autre flotte française. La chose a duré 30min et il était certains que les coups partiraient autant que possible.

(Pardonnez moi d'en dire trop)

5. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par

Je partage assez souvent les points de vue d'Immarigeon et encore cette fois, points de vue servis dans un style clair et percutant qui les renforce.

Parmi les rares chefs qui ont rallié avec leurs troupes : le Bataillon du Pacifique du Colonel Broche tué à Bir Hakeim.

La "discipline" dont on parle ici, c'est plus exactement le prétexte de la discipline pour ne rien faire.

C'est, toutes proportions gardées, un sujet d'actualité par analogie au "devoir de réserve" (entre guillemets parce que personne ne sait exactement de quoi il s'agit) qui sert facilement de prétexte pour ne rien dire. Ou inversement pour brider l'expression de ceux qui sont plus qualifiés que d'autres qui détiennent l'autorité sans la compétence.

L'on appréciera par ailleurs, et toujours dans l'actualité, l'usage qui est trop souvent fait de l'expression "discipline intellectuelle". Celle-ci, au vrai sens, fait seulement référence à l'indispensable cohérence de tout raisonnement. Mais elle est employée par le Politique s'adressant aux Militaires pour réhausser le mot "discipline" que le Politique confond avec "soumission" et qui sous-entend "bête et discipliné".

Alors l'on peut disserter sur l'honneur et sur la discipline, mais il ne faut surtout pas oublier que nous dépendons d'un microcosme où ça ne veut rien dire. Relire le chapitre "le Politique et le Soldat" dans "Le fil de l'épée".

6. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par

S’interroger soixante-dix ans plus tard sur les états d’âme de ces gens, ça permet de vérifier qu’ils ne comprenaient pas la réalité géopolitique du moment.

Aujourd’hui l’on peut s’intéresser aux atermoiements des uns et des autres dans la mesure où c’était l’ouverture d’une période qui se ferme maintenant : le XXI° siècle est européen, n’est-ce pas. http://www.egeablog.net/dotclear/in...

Ils assistaient sans comprendre à un processus qui ferait des Etats-Unis, puissance quasi-inexistante sur la scène politique internationale en 1940, les maîtres du monde. Charles de Gaulle, quoiqu’il fût terrien, avait compris : « il existe dans le monde des forces immenses qui n’ont pas encore donné » (18 juin).

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Quant à l’analogie avec le crabe-tambour, elle est ici sûrement pour faire contraste. Le Crabe-tambour, c’est un Marin qui veut être au cœur des événements sans se soucier de sa carrière : Pierre Guillaume, officier de Marine pendant la guerre d’Algérie, comprend que l’essentiel se passe à terre et obtient son transfert dans l’AdT pour prendre la tête du commando Guillaume, au 3°RPC, en remplacement de son frère qui vient d’y être tué (2 740 résultats sur google pour « commando guillaume »).

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L’Histoire et les histoires des années trente et quarante ont tellement par la suite été réécrites, reconstituées, matraquées, les exégèses de documents apocryphes sont si volumineuses, qu’il est difficile de s’y retrouver. Mais il reste un fait indéniable et fondamental qui relativise tout : en 1940 les Etats-Unis d’Amérique étaient une puissance politique mineure. En 1945, ces mêmes Etats-Unis d’Amérique dominaient le monde et pouvaient espérer s’emparer des Empires coloniaux tombés en déshérence depuis 1940. Les gens dont vous parlez étaient trop parisianno-centrés pour avoir conscience de l’évolution du monde à laquelle ils assistaient.

Leur comportement n’est pas une question d’honneur ni de discipline, c’est tout simplement un manque de culture générale. Celle-ci est « la véritable école du commandement » et, fondamentalement, du commandement de soi-même.

Voici pour finir une conviction que je tiens de mon expérience personnelle mais que je livre parce qu’elle peut toujours servir à ceux qui se demandent ce qu’ils auraient fait, feraient, feront : plus la situation est compliquée, plus il faut se référer à des principes simples. Pour ma part, j’apprécie celui-ci, de Lafayette : "la lutte contre l’oppression est le plus sacré des devoirs."

7. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Thibault Lamidel

Quelque part monsieur Cadiou, je ne sais plus si vous faites la critique du passé ou du présent !

Je ne suis pas certain que l'on puisse dire que les Etats-Unis n'ont pas été pris au sérieux. C'est peut être une considération qui est née du Traité naval de Washingtown. A ce traité, on confirme la prédominance de la Royal Navy et des Etats-Unis ! Le Japon passe devant la France qui elle, est considéré sur un pied d'égalité avec l'Italie. Ce "classement" aura pour source essentielle les autorisations de constructions de navire de ligne négociés par ce traité pour chaque pays. C'est pour cela que la France se consacrera grandement à la construction de sous-marins (mais pas de porte-avions). Et qu'elle dénoncera le traité plus tard avec le Japon. Donc oui, les Etats-Unis était une puissance politique mineure. Mais, leur puissance militaire n'était pas inexistante. Le lien de corrélation n'a pas été fait. D'ailleurs, ce sont les Etats-Unis qui ont poussé à la faute le Japon, en les privant de pétrole soit dit en passant.

D'ailleurs, certains français n'étaient pas les seuls perdus niveau considérations géopolitiques. Dans "Hyperpuissance" de Joseph Josse, l'auteur présente la stratégie bismarkienne et anglaise. La première est fondée sur le principe de créer des alliances pour avoir une position géopolitique où vos voisins ont plus besoin de vous que d'animosité à votre égard. La seconde stratégie, dite de l'école anglaise, est fondé sur la limitation de puissance. L'intervention via la puissance navale pour mener des guerres limitées ou des guerres de coalition sur continent européen pour éviter toutes hégémonies. L'auteur du livre présente ces deux écoles pour expliquer l'hyperpuissance américaine, du moins, comment il faudrait peut être l'aménager. Là où l'auteur rejoint nos propos, c'est qu'en étudiant l'école stratégique anglaise, il relève deux erreurs fondamentales qu'Albion a fait au XXe siècle : l'Allemagne de 1914 et l'Allemagne de 1939. A chaque fois, ce n'était pas le danger primordiale pour l'Angleterre. Je ne vous rappel pas la drôle de guerre, les accords de Munich ou autre.

Qu'est-ce que la discipline aujourd'hui ? Pourquoi au Royaume-Uni certains chefs militaires peuvent oser remettre en cause une décision politique ? Et dans la droite ligne de la comparaison, pourquoi discipline veut dire soumission totale en France ? J'ai entendu dire que Jean Jaurès disait que le meilleur moyen de contrôler l'armée, c'était de lui donner la parole (mais je n'ai pas encore eu le temps de lire le chapitre que vous proposez).

Enfin, il me semble que cette période reste, quoi qu'il arrive, à revisiter.

8. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par

L’historien, petit ou grand, amateur ou diplômé, a toujours un avantage sur les acteurs de l’époque : c’est qu’il connaît la suite de l’histoire. De ce simple fait il doit s’abstenir de porter un jugement moral sur les comportements passés.

Traiter d’honneur et de discipline au sujet de juin 40 et ses suites est d’autant plus délicat qu’on est au cœur d’une période dont les traces ont été doublement falsifiées. Falsifiée la période 1935 / 45 pour expliquer qu’il était normal que les Américains ne débarquent pas en France le 6 juin 40. Falsifiée la période 1938 / 42 pour cacher les agissements plus que suspects du PCF.

C’est pourquoi, comme vous le relevez cher Thibault Lamidel, vous ne savez plus si je fais la critique du passé ou du présent. Je me conforme (discipliné, n’est-ce pas) à la directive initiale du Maître du blog : « il faut bien sûr éviter un débat trop historicisé qui apporterait trop d'affect et d'idéologie ».

D’autant que le débat est actuel, qu’il a été actuel pour ma génération dans les années 70 (de façon beaucoup moins dramatique qu’en 1940, heureusement) et rien ne dit qu’il ne redeviendra jamais actuel.

Pour ma génération, l’antimilitarisme des années 70 (virulent à Gauche, méprisant à Droite, ambigu au Centre) a posé beaucoup de questions. C’est une période que ceux qui ne l’ont pas connue peuvent difficilement imaginer. Exemple pour situer l’ambiance : des enfants de militaires se faisaient casser la figure à la récré au simple motif de la profession de leur papa. Alors évidemment les militaires, en dépit de la maigreur de leur solde, mettaient leurs enfants dans le privé parce que c’était mieux tenu, mais ça renforçait leur réputation de catho-fachos.

Vous ne trouverez la trace de cet antimilitarisme post-soixante-huitard dans aucun document administratif ni journalistique d’époque. Mais peut-être retrouverez-vous des tracts. Certains de mes camarades, après avoir été nommément insultés par des tracts distribués en ville, ont reçu l’ordre hiérarchique, verbal, assorti de menaces polies, de ne pas porter plainte. Les associations présidées par des militaires en retraite ou G2S ne réagissaient pas.

Par conséquent la question « honneur ou discipline » n’est pas spécifique à la Marine ni aux années 40, elle peut se poser à tout moment, partout, à divers degrés, sous diverses formes. Actuellement, elle se pose sous la forme du devoir de réserve.

9. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Thibault Lamidel

Cher Yves Cadiou, s'il m'est aussi permis d'user de la formule respectueuse, vous avez raison sur bien des points. Je dois avouer mon manque d'expérience, sociale surtout.

Je n'étais pas sans connaître tout de même le jeu trouble du PCF. Dans le "Dilemme Russe" de Marie-Pierre Rey (non je ne gagne rien à toutes ces citations d'ouvrages), les liens du PCF avec son pendant soviétique sont évoqués, disséqués avec archives à l'appui.

Et néanmoins, armé de ces nouvelles "pincettes" de méthode, je continuerai à explorer cette période qui contient quelques enseignements historiques. Voir la question de la discipline et de l'honneur. Je ne paraphrase pas, vous l'avez très bien exposé je trouve.

Je m'incline respectueusement devant votre sagesse.

égéa : eh, les gars : on se croirait au grand siècle......

10. Le dimanche 30 mai 2010, 19:25 par Thibault Lamidel

Bonjour,

En me creusant les méninges, je me suis souvenu d'une figure historique. Elle a du faire face à une direction militaire qui perdait de tout, de son honneur avant tout. Cet homme a dû tout supporté, de son procès à sa réhabilitation. Il n'a jamais perdu sa foi dans l'Armée pourtant. Ni la Discipline ! Il a respecté tout le processus institutionnel en étant convaincu qu'on lui rendrait son honneur.
Bien sûr, la situation n'est pas en tout point comparable à 1940. Mais elle permet d'offrir l'exemple d'un homme seul face à tout un Etat perverti.

Je veux parler du Capitaine Alfred Dreyfus qui mériterait d'être un exemple.

égéa : effectivement, vous avez raison, puisqu'il avait conscience d'être le bouc émissaire qui a servi à duper les Allemands. On a construit le canon de 75 qui nous a permis, en 14, de battre les Allemands.

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