Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Histoire de la MRT

L'autre jour, m'interrogeant sur la "méthode militaire", j'ai naturellement pensé à la méthode de raisonnement tactique (MRT). Et je me suis interrogé sur son origine : de quand date-t-elle ? Intuitivement, je la datais de l'époque de la création de l'école de guerre, aux lendemains de 1870. Mais précéda-t-elle l'enseignement de Foch ? la méthode doit-elle aller avec les principes dela guerre ? et quelle a été son évolution au gré du premier conflit mondial (la coalition) puis du deuxième (le couple char aviation) puis de l'après-guerre (décolonisation) puis de l'irruption du nucléaire ? Vaguez sur le net, vous ne trouverez pas grand chose.

source : un article de l'ISC sur une MRT à l'aube du XVIIème siècle

C'est pourquoi je mets en ligne la réponse qu'un de mes correspondants m'a faite (mille mercis à lui, il se reconnaitra mais je sais qu'il aime rester en retrait) : il me propose de faire appel à la culture des internautes (donc de vous, lecteurs d'égéa, pas assoupis au coeur de l'été) pour regrouper le maximum de connaissances sur la "MRT", dans une sorte de wiki-étude. Très chers, le défi vous est lancé, sachant que depuis, j'ai appris qu'un chercheur se posait des questions similaires. Pouvez-vous nous aider, vous les historiens, vous les stratégistes, vous les penseurs, vous les égéistes ?

O. Kempf

Je pense que la réponse à votre question doit peut-être se trouver à la bibliothèque de l'Ecole militaire concernant la France, mais je n'ai jamais lu d'étude ou de thèse sur ce sujet. C'est tout à fait surprenant, mais des générations d'officiers ont appris à raisonner la guerre avec la MRT ou d'autres méthodes d'armées, mais personne n'en connait l'historique.

Pour ma modeste part j'avais envisagé d'étudier la Plan XVII pour tenter de cerner la logique intellectuelle qui avait été suivie pour sa conception, bien entendu je n'ai pas abouti, d'abord parce qu'il était le dernier avatar d'autres nombreux avatars, ensuite parce c'était essentiellement un plan de concentration préparant un engagement tellement simplissime dans son idée de manœuvre que je n'imagine pas qu'elle soit le produit d'un calcul stratégique nécessitant des cerveaux exercés à une méthodologie raffinée.

A mon sens, après avoir tenté de piller Clausewitz dans des traductions imparfaites, l'Ecole française de la revanche, s'est focalisée sur la détermination des principes de la guerre, puis s'est lancée dans le "staff riding" historique pour consolider ces concepts et les inculquer aux stagiaires de l'Ecole de guerre, tandis que l'Etat-major général rédigeait la Doctrine d'emploi des forces et les documents d'emploi des grandes unités.

Je crains, à la lecture des ouvrages sur la Grande guerre, que le seul lieu de conception était au minimum le Groupe d'armées, c'est à ce niveau qu'étaient données les directives, tandis qu'aux niveaux subalternes de l'Armée et du Corps d'armée ces directives étaient déclinées en Plan d'action d'ensemble et en Plan d'engagement, la faible mobilité et la portée limitée des armes ne permettant pas de manœuvres très sophistiquées et de grandes élongations.

En revanche tout engagement quel que soit le niveau, devait être en conformité absolue avec les principes fochiens, ce qui donnait à la manœuvre sa cohérence et son unicité. Pour faire court, je pense que le chef raisonnait selon l'algorithme Gamelin par exemple, puis vérifiait la pertinence de son idée de manœuvre en la passant au gabarit de Foch, l'état-major rédigeait, puis suivait les opérations.

Tout l'enseignement de Foch avait pour objet d'expliquer la guerre, ses mécanismes et ses principes en s'appuyant sur l'histoire militaire et quand il lançait "Apprenez à penser ", c'est la méthode des cas concrets de la Kriegmarine qu'il préconisait à ses stagiaires. D'évidence un pas important restait à faire, le même que celui que les Grecs ont franchi quand il sont passés dans l'invention de la science, des faits aux idées et à la conceptualisation. En l'occurrence il s'agissait de l'élaboration d'une méthode qui permette de raisonner le problème général de la guerre et des opérations et non pas de procéder par corrélation ou approximation au choix d'une solution tirée de l'histoire pour l'adapter au mieux, à l'action future.

Disons que les conditions dans lesquelles s'est passé ce changement de paradigme conceptuel me sont inconnues, si j'avais à dater l'apparition de la MRT, je proposerais plutôt la deuxième après-guerre.

Je ne pense pas que l'école allemande ait été très différente de notre école française malgré son innovation géniale que fût l'état-major.S'il avait existé une méthode prussienne très aboutie pour raisonner la guerre, je pense que toutes les armées européennes en auraient eu connaissance. Mais ce ne sont que des supputations, il faudrait mettre nos historiens sur cette piste...

Effectivement je trouve ce sujet passionnant, notre désintérêt collectif à l'égard de la méthodologie de l'action en général m'a toujours troublé, souvent nous ne sommes contentés des principes de la guerre et de la MRT dans une utilisation approximative pour tout viatique. Je crains que nous n'ayons un problème avec la raison quand on traite des opérations.

Commentaires

1. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par

La MRT présente deux utilités. Ces deux utilités réelles sont rarement évoquées parce qu’elles sont du deuxième degré et que l’on préfère généralement s’en tenir au premier degré. Au premier degré, la MRT est supposée être une méthode utilisable au niveau du GTIA (G Tactique IA) face à l’ennemi. Peut-être suppose-t-on qu’elle peut et doit avoir une utilité aussi pour les états-majors de niveau supérieur, c’est-à-dire ceux dont le principal souci est de gérer l’arrière (obtenir des moyens, empêcher des autorités incompétentes d’interférer) mais alors elle ne mérite plus son appellation de « tactique ».

1 Sous couvert d’être une méthode de raisonnement opérationnel utilisable face à l’ennemi la MRT est d’abord une méthode de temps de paix dont l’utilité est pédagogique. Apprendre à raisonner au calme n’est pas mauvais. Cet exercice aura quelques échos lorsqu’il faudra réfléchir et décider en situation de fatigue extrême, de circonstances qui n’ont jamais été évoquées à l’instruction et probablement de peur dominée mais présente : ces trois éléments sont toujours présents au combat. L’on évitera le désordre intellectuel au combat si l’on s’est immunisé par la pratique de la MRT à l’exercice, domaine dont sa lourdeur l’empêche de sortir. Peut-être utilise-t-on la MRT en situation de combat mais c’est alors peu conscient, tous les récits honnêtes vous le diront.

2 Cependant la MRT va probablement désormais déborder du cadre de la simple pédagogie où elle était confinée. Un élément nouveau lui donne un nouvel intérêt : la « judiciarisation » des opérations militaires. On l’utilisera à titre de justification pour non pas affronter la réalité des événements mais pour affronter les censeurs qui ultérieurement ne manqueront pas d’affirmer qu’il ne fallait pas faire comme ça. La MRT présente l’intérêt d’être admise par l’ensemble des tribunaux formels ou informels qui se croiront autorisés à juger l’action, voire à la condamner, lorsque le danger sera passé.
.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas de méthode pour l’action. Je dis qu’il est bon de disposer d’une méthode formatée qui permet d’abord de s’exercer dans le calme à la réflexion opérationnelle qu’il faudra mener tant bien que mal en situation de stress ; puis qui permet le moment venu de justifier a posteriori les décisions qui ont été prises face à l’ennemi.

Ces quelques réflexions personnelles sont un peu hors sujet parce qu'elles n'apportent rien à l’histoire de la MRT (les infos se trouvent certainement à l’Ecole Militaire et à Vincennes) mais elles relèvent de "la méthode militaire" qui était l'interrogation de départ.

--------------------------------
Un dernier mot : si l’on veut s’interroger sur la "méthode militaire", l’on peut sortir du domaine tactique et s’intéresser aux méthodes de gestion et aux méthodes de formation. Méconnues et trop facilement dénigrées, elles présentent pourtant des qualités et n’ont pas d’équivalent dans le civil.

égéa : je suis preneur des méthodes que vous évoquez dans votre dernier point  : au besoin correspondance par meil.

2. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par hub8

Bonjour,

étant simple chef de groupe et jeune dans cette fonction, non pas dans l'armée mais dans les sapeurs pompiers, je me permet de poursuivre un peu le hors sujet commencé sur l'utilité de la MRT.

Chez les sapeurs pompiers, cette méthode est enseignée à l'ENSOSP à tous les officiers de sapeurs pompiers dans un objectif de gestion des interventions que ce soit pour le secours à personnes comme pour les incendies.

Mon humble avis, pour l'utiliser au niveau du groupe, je pense que cette méthode, même dans la situation d'action, permet ceci:
1_ structurer la prise d'information
2_ aider à l'analyse et à la prise de décision (objectif premier de cette méthode)
3_ communiquer la situation et les actions vers les acteurs (intervenants, autorités, médias, hiérarchie)
4_ favoriser et détailler le retour d'expérience (et donc la remise en cause à froid de la situation et des choix tactiques qui aurai pu être mieux appréhender)

Après en effet, l'ensemble de ces 4 éléments pourra nourrir ou non la "judiciarisation" post intervention.

Je suis totalement d'accord sur l'utilisation intensive, voire systématique, de cette méthode sur les temps pédagogiques comme opérationnels afin qu'elle ne soit plus une difficulté pour la réflexion, compte tenu d'une sous utilisation, mais bel et bien un appui permettant le recul nécessaire au décideur même si c'est pour justifier les intuitions.

Pour aller encore plus loin dans le hors sujet, je trouve qu'au niveau tactique, pour les les sapeurs pompiers car je ne sais pas pour les autres, ce qui pèche c'est l'absence d'outils concrets qui devraient suivent le décideur sur les lieux d'intervention. Ces outils doivent être le support mais également la formalisation des 4 éléments listés plus haut.

désolé de n'avoir pu vous apporter au niveau du sujet principal de ce post.

-------------------

PS : je tenais à vous remercier pour votre livre "Le casque et la plume", car il m'a été d'une très grande utilité dans mes fonctions actuelles de chef de centre de d'intervention et de secours. Je l'ai littéralement dévoré.

égéa : vous n'êtes pas le premier pompier à me dire que vous avez apprécié le casque et la plume (PYL...), merci de votre retex (conseillez le autour de vous, c'est mon éditeur qui sera content!). Pour le reste de votre commentaire, en appréciant les quatres objectifs d'une "méthode de décision", j'ai juste une question : qu'entendez-vous par "outils concrets" qui suivent le décideur dans l'action.? J'ai du mal à percevoir le besoin. Un outil est par définition "utile", et c'est le terme "concret" qui m'interroge.

3. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par Jean-Pierre Gambotti

L’historien qui se penchera sur la MRT s’apercevra à l’ouvrage que c’est l’histoire de la pensée stratégique française qui est son véritable sujet. Car cette "méthode pour bien conduire sa raison à la guerre" est l’aboutissement de la science qui étudie les principes et les causes de la guerre à un niveau abstrait, une philosophie de l’art de la guerre en quelque sorte, cette approche clausewitzienne poussée jusqu’à la praxéologie.
A mon sens si notre école française a mis au centre de sa méthodologie l’effet majeur, c’est que tous les retours d’expériences depuis Qadesh ont montré que la guerre a pour seul objet de produire des effets sur l’ennemi et que "la bataille décisive" doit permettre de produire l’effet des effets, l’effet majeur, celui qui permet de remporter la victoire suprême. Savoir comment l’effet majeur est devenu cette clef de voûte de la manœuvre c’est faire l’historique de la méthode, mais aussi tracer l’évolution de la pensée stratégique française dont la méthode n’est que le nécessaire et inéluctable avatar.
Mais au risque de m’attirer les foudres (!) des officiers d’état-major pour lesquels l’effet majeur doit permettre de gagner même la "mère de toutes les batailles", je dois dire que l’intérêt de cette vaste étude serait aussi de montrer les raisons pour lesquelles nous avons toujours raisonné les guerres en France en gardant en coulisses "le concept caché", je veux parler du centre de gravité. Car d’évidence si le centre de gravité est "le point central de la puissance ennemie" , l’effet majeur doit être produit à son encontre, et ce faisant on peut s’interroger sur l’efficacité et la pertinence historique , à tous les niveaux – stratégique, opératif et tactique- d’une méthode française qui n’a redécouvert le centre de gravité que par le truchement de la méthode américano-otanienne il y a moins de deux décennies.
Cette étude est plus qu’un aperçu historique sur l’évolution de la méthodologie du raisonnement de la guerre, c’est plutôt une exégèse de la pensée stratégique française ou comment avons-nous pensé les guerres depuis que le soldat français a compris que la guerre nécessitait de raisonner l’action et que la stratégie était justement de la pensée pour l’action.
L’encyclie militaire, dont vous proposez la photo, montre un besoin affiné de "penser la guerre" dans tous ses paramètres et cette roue géniale qui ouvre à des dizaines de combinaisons date de 1628 ! Je suis sûr que la thèse du chercheur que vous évoquez dans votre billet, sera une œuvre majeure pour l’appréhension de la stratégie et pour la maîtrise de l’action de guerre, un compendium stratégique indispensable à tous ceux qui auront à se colleter avec les opérations. Histoire et stratégie...

Et pour les plus dubitatifs d'entre nous, je ne résiste pas, pour terminer, de rappeler ce regret du général Lagarde « qui n’a compris qu’à l’école de guerre, bien tardivement » disait-il, que derrière « Alexandre, il y avait Aristote ».

Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

égéa : je vous lis depuis assez longtemps : enfin, vous exprimeez de façon concise vos idées sur les relations effet majeur/ CDG et l'approche française contre l'approche maéricaine. "Enfin" : non que vous fussiez obscur, mais enfin!, j'ai l'impression d'avoir saisi.... Quant au thésard, vous le connaissez et nous attendons son travail avec impatience...

4. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par hub8

Bonjour,
concernant l'outil concret : les deux termes sont intéressants.

Un outil est par définition utile mais dans la réalité. Un outil a été conçu par une ou plusieurs personnes à destination d'une ou plusieurs personnes faisant partie ou non des concepteurs. L'utilité suppose d'une part une appropriation de l'objectif et de la mise en oeuvre de l'outil en tout ou partie par le ou les utilisateurs et d'autre part une adaptation (donc des marges de manœuvres) de l'outil au contexte que subit et/ou choisit l'utilisateur.
A cela il faut ajouter la durée de vie et l'adaptation possible dans le temps de l'outil.
Tout ceci pour dire qu'un outil n'est pas forcément utile.

Le concret va faire que l'outil sort du conceptuel pour se matérialiser et se rendre pratique à l'utilisateur.
Pour coller au sujet, le concret va reprendre, de manière matériel, les 4 objectifs pour les confronter à la réalité de l'action (rapidité, environnement physique, temporel et psychologique de l'utilisateur et des destinataires de l'outil) et donc se traduire par des fiches réflexes opérantes, des tableaux blancs pré remplis, des fiches messages et autres documents...

Aujourd'hui chez les sapeurs pompiers, mon ressenti est que la MRT se traduit par une absence de concrétisation opérationnelle qui implique une gestion à l'intuition et à l'expérience.
Je ne veux pas dire que cette gestion doit disparaître mais incomplète et parfois dangereuse. Cette gestion à l'intuition et à l'expérience, nécessaire mais pas suffisante, doit être complétée par une réflexion "forcée" par des outils permettant, que dans des contextes difficiles, le jugement du décideur, par définition totalement subjectif, ne puissent pas oublier certains éléments ou impose le recul nécessaire.

égéa  : c'est toute la difficulté des check-lists : à la fois une garantie, et en même temps stérilisantes...

5. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par

Le commentaire n°4 ci-dessus, de hub8 qui utilise une MRT dans des situations qui n’ont rien de commun avec celles du combat, est l’occasion de regretter une nouvelle fois l’abus de termes guerriers dans les activités pacifiques : stratégie commerciale, stratégie électorale, tactique du gendarme et maintenant tactique du pompier.

C’est effacer, abusivement j’y insiste, la spécificité du métier militaire qui consiste à affronter l’ennemi. Le colloque « place du soldat dans la société l’a utilement rappelé : « Un consensus s’est fait jour autour de l’idée que le militaire, ni victime, ni héros, n’était pas non plus un fonctionnaire, mais qu’il exerçait une vocation impossible à banaliser comme un métier normal. Blandine Kriegel a même tenu à placer les militaires à part, y compris par rapport aux métiers à risques, comme la police et les sapeurs pompiers. S’il est vrai que ces derniers sont mis en présence du danger et de la mort qui survient par accident, aucun des deux n’est cependant confronté à des « hostiles agressifs », dont le but est leur destruction. Telle est la vraie spécificité des militaires, dont la mort au combat n’est pas accidentelle, locale ou contingente, mais est le résultat d’une action hostile qui porte en elle une menace contre la Nation elle-même, à laquelle l’armée s’identifie. » http://www.egeablog.net/dotclear/in...

L’intervention des pompiers consiste à affronter un phénomène physico-chimique ou à gérer dans l’urgence les conséquences d’un accident terminé. Alors que cette action rencontre rarement des surprises volontaires, la tactique au contraire est « l'art de diriger une bataille », c’est-à-dire d’affronter un ennemi dont la vocation est de vous tuer en vous prenant au dépourvu, dont la logique est complètement différente de la vôtre non seulement par sa culture mais surtout parce qu’il est, c’est souvent le cas en opex dans des pays misérables, drogué jusqu’aux yeux.

Certes, les pompiers ont parfois des surprises : par exemple lorsque le propriétaire de l’entrepôt chimique en feu est incapable de préciser les produits qu’il contient (Saint-Herblain octobre 1987) ou lorsque l’eau d’extinction va polluer un captage d’eau potable dont on ignorait la présence et qui exige de modifier aussitôt tout le dispositif d’extinction (Tours, incendie de l’usine Protex, juin1988). Ou encore, cas fréquent, lorsque de pâles voyous s’amusent à sectionner les tuyaux parce que la police, victime à la fois de RTT et de RGPP, ne fait pas son travail de protection du chantier.
Mais il ne faut pas exagérer en parlant de MRT lorsqu’il n’y a pas d’ennemi : méthode oui, raisonnement oui, tactique non.

6. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par Jean-Pierre Gambotti

Panache blanc.
Sans vouloir apparaitre comme un thuriféraire obsessionnel de la méthode, je voudrais quand même rappeler que cet outil n’est pas seulement indispensable pour bien raisonner la guerre, mais aussi pour assurer l’unicité de la manœuvre, principe cardinal et fil rouge qui permet que l’action basique de l’échelon tactique le plus élémentaire de la force soit en cohérence absolue, dans l’esprit et dans la lettre, avec l’intention du chef stratégique.
Ainsi la méthode propose-t-elle tout d’abord, à tous les échelons, le même algorithme pour la conception, ce qui permet un premier niveau de cohérence de l’action entre le stratégique, l’opératif et le tactique.
Mais sa finesse est dans la déclinaison de l’effet majeur du commandant en chef jusqu’à l’effet majeur du chef de l’élément tactique de base. Cette arborescence descendante consiste, si je puis me permettre ce rappel scolaire, à considérer l’effet majeur de l’intention de l’échelon supérieur, le "Je veux…", comme le but à atteindre, le "En vue de …", de l’échelon considéré et ce jusqu’au dernier pion tactique capable de manœuvrer. Ce faisant toutes les actions subordonnées sont conçues et conduites dans le respect absolu de l’idée de manœuvre du niveau le plus supérieur, puisque il y a, par dévolution, de l’ADN de la pensée stratégique jusque dans l’action du caporal.
Chacun sait que le concept d’effet majeur est d’origine terrienne et que la méthodologie interarmées l’a ostracisé. A mon avis, manœuvrer au sens de l’Ecole française ne peut consister à remplir un certain nombre de "tasks " et je crains de surcroît qu’on ne puisse gagner la guerre en usant de trop de check-lists. L’unification des concepts, "effet majeur" et "centre de gravité", ne devrait pas être une mission insurmontable pour nos think-tanks français
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

7. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par

D’accord avec Jean-Pierre Gambotti : l’unicité de la manœuvre. On rejoint ce qu’on disait déjà ici en février dernier en parlant de discipline, notion que quelques uns entendaient comme l’application stricte et restrictive du règlement, application qui exclut l’initiative personnelle : http://www.egeablog.net/dotclear/in... http://www.egeablog.net/dotclear/in...)

La MRT a pour effet de concilier la cohérence de l’action d’ensemble et l’initiative personnelle : la même méthode de raisonnement pratiquée par tous permet à chacun

  1.  de bien comprendre quelle est la mission reçue par l’ensemble dont on fait partie,
  2.  de bien comprendre comment le chef a l’intention de réaliser la mission,
  3.  de s’approprier cette intention même si l’on aurait préféré faire autrement,
  4. et de prendre sa part dans l’exécution en bonne coordination avec les voisins formés à la même méthode.
8. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par

L'historique de la MRT a fait l'objet de 2 études du CES Saure (1963) et du COL Delion (2004).
Son dernier avatar, la MPO, a aussi fait l'objet d'une thèse de Gérard HOFFMANN et Pierre LARRAT (2010) intitulée : "LA METHODE DE PLANIFICATION OPERATIONNELLE DES ARMEES COMME INSTRUMENT D’ANALYSE ET D’INTELLIGENCE STRATEGIQUE.
PEUT-ON ENVISAGER QU’ELLE DEVIENNE UNE METHODE D’ANALYSE ET DE RAISONNEMENT STRATEGIQUE APPLICABLE EN ENTREPRISE ?
Ce qui manque désormais c'est un livre de vulgarisation et simplification des méthodes (MEDO, MRT, MPO...)à destination d'un public le + large possible.

9. Le lundi 1 août 2011, 20:23 par Ph Davadie

Je viens sur ce billet un peu tard, mais suite à sa citation dans celui évoquant les "big data".

Unifier l'effet majeur et le centre de gravité ? Il me semble que c'est impossible car ils ne sont pas de même nature.
"L'effet majeur conceptualise la façon dont le chef entend saisir l'initiative" est-il écrit dans "Tactique théorique" (si j'ai bien compris).
De ce fait, faire coïncider l'effet majeur avec le centre de gravité ennemi me semble bien difficile.

Egea : Eh! oui.

Précisions, car j'ai dû écrire un peu vite, comme souvent : faire coincider l'effet majeur et l'atteinte du CDG ennemi.

Il reste que cela suscite des débats fougueux entre qq passionés de méthode de planif : même avec cett enouvelle formulation, s'agit-il bien de la même chose ? les tenants d'une approche française estiment que l'effet majeur laisse la part belle au commandement, donc au chef. Et que la rehcerche du CDG ennemi, via des points décisifs successifs, est le signe d'une méthode logistique américaine.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1101

Fil des commentaires de ce billet