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Réforme des armées, suite

J'entends que certains se déchaînent sur Facebook ou autres espaces 2.0 contre mon billet de ce WE sur le bouquin d'Irondelle.

1/ je veux bien tout ce qu'on veut, mais ayez m'obligeance de venir en débattre sur égéa, je suis tout prêt à accueillir vos commentaires. Il reste que je suis fort flatté de déchaîner à ce point la controverse, et je suis sûr que M. Irondelle doit être ravi de ce buzz : au moins, on parle de son bouquin et comme tout jeune auteur, c'est d'abord la première chose qui compte.

2/ Sur le fond, je maintiens ce que je disais : la critique ne porte pas sur la qualité du travail de M. Irondelle, mais sur le titre de son ouvrage. Parler aujourd'hui de "réforme des armées" c'est pour tout ceux qui ont à en connaître (environ 300.00 hommes et femmes) évoquer ce qui se passe depuis 2008, avec la conjonction LBDSN, RGPP, Carte territoriale, retour dans l'OTAN et nouveau décret 2009 : excusez du peu. On est loin de la professionnalisation qui n'a touché que les ressources humaines des armées.

3/ D'ailleurs, à l'époque, on ne parlait pas de réforme mais de "professionnalisation" voire de "refondation" (dans l'armée de terre). Importante, certes, mais ne touchant qu'un seul paramètre, quand ce qui se passe en ce moment affecte simultanément tous les paramètres de l'organisation. Là est la différence, là est l'origine de mon insatisfaction.

Cordialement à tous

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 16 mai 2011, 12:22 par yves cadiou

Il n’est guère niable que « ce qui se passe depuis 2008, avec la conjonction LBDSN, RGPP, Carte territoriale, retour dans l'OTAN et nouveau décret 2009 », est la conséquence de tout ce qui a précédé et qu’à ce titre, comme le dit Marksman ici http://www.egeablog.net/dotclear/in... il est utile de se demander "pourquoi nous en sommes là". Mais ça ne suffit pas.

On est un peu court si on se limite à la question « comment la défense française a-t-elle évolué depuis la professionnalisation de 1996 » parce que, précisément, la réforme de 1996 n’est pas un point de départ mais le résultat de dysfonctionnements politiques accumulés depuis mai 68 : l’armée effacée de l’organigramme gouvernemental en 1969 comme je l’ai dit dans mon précédent commentaire http://www.egeablog.net/dotclear/in... ; puis en 1970 l’invention d’un prétendu « domaine réservé du Président » qui permettait à la Représentation Nationale, faite d’élus locaux, de se désintéresser des affaires étrangères et des affaires militaires en tant que telles. Aujourd’hui, pour avoir une chance de rétablir la situation avant la Prochaine, il faut remédier à ces vieux dysfonctionnements devenus invisibles parce qu’ils sont passés dans les mœurs et ont acquis la force de la coutume.

Rappel des faits : en 1970, le Premier ministre Chaban-Delmas inventait le prétendu « domaine réservé du Président » parce qu’à l’évidence ce domaine dit « réservé » ne l’intéressait pas. Avec ce « domaine réservé du Président » le Premier ministre, responsable devant le Parlement, se défaussait de la responsabilité de défense nationale qui lui était imposée par l’article 21 de la Constitution. Ce n’était pas à la demande du Président qui était alors Georges Pompidou : je me souviens précisément que le Président Georges Pompidou, dans ces années-là, répondant un jour à un journaliste qui voulait lui faire dire s’il fallait faire évoluer le service militaire obligatoire, laissa tomber négligemment : « je n’ai pas d’avis sur le service militaire. Pourquoi voulez-vous que j’aie un avis sur le service militaire ? » J’ai le souvenir précis de cette déclaration dont je n’ai malheureusement pas retrouvé la référence : c’était au cours d’une interview à la télé en noir et blanc, une émission intitulée « causerie au coin du feu » dont le contenu fut repris par Le Monde. Jeune officier, j’avais été frappé par cette déclaration : ni le Président de la République ni le Premier ministre ne s’intéressait aux armées.

De nos jours l’on peut craindre qu’en situation de crise nos armées reçoivent des ordres contradictoires du Premier ministre et du Président de la République si les intérêts de l’un et de l’autre sont divergents.

Mais l’on peut aussi imaginer que les armées ne recevraient pas d’ordres, chaque autorité préférant se débarrasser de la responsabilité lorsque la situation deviendra difficile : le Président de la République au motif des articles 20 et 21 de la Constitution, le Premier ministre au motif de l’article 15, de la coutume et du « domaine réservé ».

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Avec « la réforme des armées de la France » on a donc un bouquin qui a certes raison de sous titrer « sociologie de la décision » : le problème se situe effectivement au niveau politique, c’est-à-dire dans un domaine traditionnellement interdit au Soldat depuis la Troisième République et encore aujourd’hui sans qu’on sache pourquoi.
Mais c’est un bouquin qui s’intéresse à des conséquences relativement récentes d’un vieux problème et non aux causes profondes sur lesquelles il faut agir.
On peut dire que c’est « un bon bouquin qui permet d'avoir l'avis des acteurs de l'époque » mais ce n’est pas en étant aussi court dans le temps qu’on en sortira. Admettons toutefois que c’est un bon début à condition que ce soit un début.

Point le plus positif de ce bouquin : on aborde enfin les questions militaires sous l’angle politique voire politicien. Lorsque des discours officiels disent « le rôle de l’armée n’est pas de faire de l’aménagement du territoire », c’est bien l’aveu qu’on lui en a fait faire et qu’il faudrait que ça cesse. Encore un effort et l’on osera parler des vrais problèmes et donc réfléchir à des vraies solutions.

2. Le lundi 16 mai 2011, 12:22 par yves cadiou

Voici en lien un texte qui actualise assez bien la question dont parle ici. C'est une analyse publiée par l'ASAF, "association de soutien à l'armée française".

On commence par démontrer la valeur de l’armée française, tout en soulignant ses limites capacitaires. On rappelle les enjeux : « il n'y a pas de politique étrangère sans puissance militaire crédible ».

On ne situe pas l’origine de la situation actuelle à 1995, parlant « d'incessantes réorganisations depuis 30 ans » et rappelant que « l'effort de défense (…) est descendu de plus de 3% à 1,7% du PIB en 20 ans ».

On place le problème au niveau qui convient, c’est-à-dire politique : « à moins d'un an de l'élection du chef de l'Etat, qui est aussi le chef des armées, nul doute que la communauté d'intérêt militaire, qui compte 3 millions de Français en âge de voter, sera particulièrement attentive à la vision stratégique des candidats, à leur connaissance des questions militaires et aux engagements qu'ils prendront au regard du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ».

Une seule page, mais d’une densité et d’une vérité appréciables.
http://www.asafrance.fr/lettres-et-...

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