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Victoire libyenne

Certains mégotent sur la victoire en Libye. Ceci appelle bien sûr quelques brefs commentaires.

source

1/ D'une part, ainsi que le rappelle SD dans son commentaire, intervenir dans la zone est conforme au LBDSN.

2/ Chacun a pu s'interroger sur le "calcul stratégique" qui avait présidé à la décision d'intervenir en mars. Pour moi, peu importe les prémisses si la décision était bonne. Et elle l'était, selon moi, et comme je l'ai dit en son temps.

3/ L’inéluctabilité de la victoire alliée, sur le seul plan du rapport de forces, ne faisait aucun doute. Quant à la stratégie suivie, Je l'avais annoncée tôt (14 mai) à un moment où la plupart prévoyaient l'enlisement et la désunion politique. Mais qu'on soit bien d'accord : en bon clausewitzien, j'estime qu'une victoire militaire (indiscutable) n'entraîne pas nécessairement une victoire politique. Je ne dis pas autre chose dans mon billet d'avant-hier. L'après-guerre n'est pas gagnée.

4/ "Dégradation de notre outil militaire" : pour le coup, je ne vois pas le rapport puisque justement, nous avons gagné : la Libye ne démontre pas cette dégradation. Le vrai débat est celui d'une victoire trompeuse. Autrement dit, le vrai sujet, à l'orée de la campagne présidentielle, sera de détromper ceux qui croient qu'on peut continuer à "gagner les dividendes de la paix" puisqu'aussi bien, nous réussissons les missions données, avec des budgets en diminution.

5/ Un dernier mot : chapeau à nos soldats qui ont fait de la belle ouvrage.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par yves cadiou

Vous avez habitué vos lecteurs à plus de finesse que cette affirmation à la hussarde : « peu importe les prémisses si la décision était bonne ». Que la décision fût bonne, c’est encore un peu tôt pour le dire car cette affaire n’a pas fini d’avoir des répercussions de toutes sortes.

Quant aux prémisses, ils importent. Dans le compte-rendu de la Commission de défense de l’Assemblée Nationale le 3 mai dernier l’on trouve une perle qui vaut d’être signalée http://www.assemblee-nationale.fr/1... Quand le ministre déclare « le Président de la République est le chef des armées et il conduit la politique étrangère de la France », aucun des députés présents ne bronche. Ce silence veut dire qu’ils admettent ainsi tacitement que la politique étrangère et la politique militaire soient conduites par une personnalité disposant d’un pouvoir exécutif hors du contrôle du Parlement. En d’autres termes ces élus trouvent normal de ne pas accomplir la mission qui leur est assignée par la Constitution, pour laquelle ils ont été élus et pour laquelle, qui plus est, ils ont voulu être membre de la commission spécialisée.

Notons à cet égard qu’un des candidats à la Présidentielle de 2012 (l’un de ceux qu’on nomme « candidats sérieux » et non pas de ceux que l’on qualifie « populistes ») propose de diminuer d’un tiers les effectifs des députés et des sénateurs à fin d’économies. Cette proposition est audacieuse dans la mesure où elle risque de le priver des fameuses cinq cents signatures mais en même temps cette proposition paraît insuffisante lorsque l’on voit les élus accepter d’être mis hors-jeu par un Président de la République qui n’est pas soumis à leur contrôle. Par conséquent je disconviens lorsque vous écrivez « peu importe les prémisses ». On n’a pas fini de tirer les leçons de cette affaire libyenne, y compris en politique intérieure française.

Quant à notre positionnement international, il ne faut pas conclure trop vite à son amélioration. Tout le monde a compris que Kadhafi n’a pas été renversé par la rébellion mais par notre intervention. En regardant bien les photos et vidéos prises en Libye, l’on voit certes les résultats des frappes aériennes mais on voit aussi que les « combats » au sol n’ont pas été violents. Peut-on même parler de combats : aucune trace d’impacts d’armes légères d’infanterie ni d’armes lourdes, ou très peu, contrairement à ce qu’on pouvait voir à Beyrouth autrefois et dans d’autres villes réellement en guerre.

Kadhafi a fait les deux mêmes erreurs que Saddam Hussein : 1 il a fait confiance à ses amis occidentaux 2 ses rodomontades et ses menaces ont donné un prétexte à une intervention étrangère. Pour la France qui a pris la tête d’une espèce de croisade, les conséquences géopolitiques ne seront peut-être pas positives.

Kadhafi n’a pas été renversé par la rébellion : celle-ci n’a fait que de la figuration et n’était pas « fermement décidée à se battre » contrairement à ce que vous écriviez dans votre billet du 22 août (avant-hier). Même les envoyés spéciaux de la presse ont noté le manque de combativité des rebelles faisant contraste avec leur excès de baratin. Kadhafi a été renversé par une intervention étrangère mal justifiée. La demande faite par la Ligue Arabe le 12 mars au Conseil de Sécurité de l’ONU était dès le 20 mars assortie de réserves. http://www.marianne2.fr/Libye-Le-do... En Afrique, la chute de Kadhafi et notre action sont loin d’être partout accueillies favorablement.

C’est donc une opération techniquement réussie, grâce à l’excellence de nos militaires, mais une opération qui reste politiquement marquée d’amateurisme comme elle l’est depuis le début. http://www.egeablog.net/dotclear/in...
Comme vous l’écriviez avant-hier, « on peut être très inquiet ».

2. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par

Je lis toujours attentivement les commentaires d’Yves Cadiou, mais je trouve que cette fois-ci son analyse est peu convaincante.
Nous sommes dans un système présidentiel et l’article 14 donne au président de la république de grandes prérogatives en matière de diplomatie, L’article 15 fait du président le chef des armées. Il préside les comités supérieurs de la défense. Il engage la force nucléaire. La gauche au pouvoir n’a rien changé à cet état de fait.
L'article 35 de la Constitution stipule que "lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement". En cas de désaccord entre l'Assemblée et le Sénat, le gouvernement "peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort". Le 11 juillet l’Assemblée et le Sénat se sont prononcés pour l’intervention, quasiment à l’unanimité. En conséquence la représentation nationale s’est exprimée. A d’autres occasions pour les Balkans notamment la procédure fût la même. Nous sommes loin des interventions effectuées à une certaine époque en Afrique, plus ou moins en catimini et dans l’indifférence générale.

Kadhafi a été renversé avec notre aide cela est indéniable mais s’il n’y avait pas eu de rébellion à Misrata, cette histoire n’aurait pu s’écrire. Kadhafi n’est pas comme Saddam Hussein, il ne faisait confiance en personne et surtout pas aux occidentaux. Il a simplement fait une erreur d’appréciation sur la capacité des deux principaux pays victimes de son terrorisme ( vol UTA et vol de PAN AM-WA) à réagir contre l’avis de la Chine et de la Russie et la réserve des Etats Unis. A qui perd gagne, on ne gagne pas à tous les coups… Quant au manque de combativité des rebelles elle est toute relative, ils ont combattu 5 mois, pas mal non ? Pour des amateurs… Enfin je ne suis pas certain que l’opération fût mené en amateur, mais comme dans tout engagement, dont l’issue ne peut être décidée d’avance, cela n’empêchait pas d’être inquiet.. Avec tout mon respect et mon amitié.

3. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par yves cadiou

A la suite de cette affaire libyenne, il reste que nous devons sérieusement nous interroger sur la validité de nos institutions telles qu’elles sont devenues (je parle des institutions quelles que soient les personnalités en fonction) : nous avons maintenant un Exécutif qui n’est pas responsable devant le Législatif. Le Gouvernement est susceptible à tout moment de subir les conséquences de ses décisions, mais le Président ne l’est pas.

Alors qu’un Exécutif responsable, risquant d’être censuré, conserve sa légitimité démocratique tout au long de son mandat, ce n’est plus le cas si l’on accepte que le Président gouverne sans avoir de comptes à rendre. Ainsi les débats de l’Assemblée et les travaux en commission deviennent platoniques parce que tout le monde sait qu’ils seront sans conséquence. Les Députés eux-mêmes montrent qu’ils se savent inutiles : il suffit de constater la platitude des travaux en commission, l’absentéisme dans l’hémicycle lors des séances non télévisées et le manque de sérieux des débats lorsqu’ils sont télévisés. L’atonie de l’opposition parlementaire sur l’affaire libyenne n’est pas passée inaperçue cependant que l’on voyait et entendait les partis non représentés à l’Assemblée s’exprimer clairement sur le sujet.

Constatant ce déficit de démocratie on peut tenter de se rassurer grâce à l’idée que le Président est responsable devant les électeurs à qui il présente sa candidature après un mandat de cinq ans. Mais la Constitution modifiée prévoit que le deuxième mandat présidentiel est le dernier : de ce fait l’Exécutif n’est plus responsable devant personne, même pas devant les électeurs, lors du deuxième mandat si c’est le Président, non le Gouvernement, qui détient la réalité du pouvoir gouvernemental.

Il ne faut pas se le cacher : le vrai problème est celui de la corruption (bis : je parle des institutions quelles que soient les personnalités en fonction). Une politique est beaucoup plus sensible à la corruption si elle est décidée par un seul homme que si elle est décidée par un groupe de trente personnes (le Gouvernement) lui-même contrôlé par une Assemblée représentative.

Notre intervention en Libye n’est pas une crise grave pour nous. Mais elle est l’occasion de se poser la question de la validité de nos institutions qui ont perdu leur cohérence par quarante ans de modifications diverses et opportunistes.

4. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par clc

Je réagis également au commentaire de Mr. Cadiou :
Le contrôle de l'exécutif et de l'action du président dans l'emploi des forces armées a été renforcé, est-t-il nécessaire de le rappeler, par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, donc par ce même président qui a très justement engagé nos forces en Libye. En outre, et contrairement à vos arguments, je ne pense pas qu'il s'agisse ici d'analyser uniquement les raisons et les conséquences politiques de cet engagement : il s'agit surtout de refuser que des populations se fassent tuer par un dirigeant complètement irrationnel et à la limite de la démence (chose que notre président avait je pense parfaitement comprise suite à la visite de Khadafi dans les jardins de l'Elysée).
Cette raison première, contrairement à ce que vous semblez penser, est la raison principale qui a motivé l'engagement. Elle est d'ailleurs à nouveau d'actualité avec ce qui se passe en Syrie, et encore une fois, seule la voix de la France semble véritablement faire la différence.
Enfin, si tout le monde au niveau politique s'est accordé pour reconnaître le bien-fondé de cette intervention, y compris les personnalités socialistes d'habitude très virulentes à l'encontre du président de la république, c'est bien que cette fois au moins, la décision fut la bonne.
Cessons également de toujours entendre que notre pays est gouverné par la corruption.. Il y'a là une tendance réactionnaire qui me semble vaguement démodée.
Vive la France, et vive son président..

5. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par

Je réponds au commentaire n°4, en dépit de son anonymat qui lui ôte beaucoup de valeur. Néanmoins je vous remercie de m’avoir lu.
Je n'ai pas écrit ni laissé entendre que « notre pays est gouverné par la corruption », mais que c’est un risque d’autant plus présent que le pouvoir est aux mains d’un seul homme. Je ne vois aucun inconvénient à être contredit parce que la contradiction est toujours instructive, mais je préfèrerais être contredit sur quelque chose que j’ai écrit ou laissé entendre.
J'examine ce que sont devenues les Institutions de la V° République que j'ai vu naître avec intérêt en dépit de mon jeune âge à l'époque, mais intérêt justifié parce que tout le monde en parlait et votait (participation 80.63% des inscrits, « oui » 82.60 % des suffrages exprimés) : c’était une appropriation populaire. Les jeunes de ma génération apprenaient à cette occasion un nouveau mot en écoutant les conversations d’adultes : la démocratie. Assez mystérieusement, on entendait dire qu’elle empêcherait le cabinet d’être trop souvent renversé.
Je constate que nos Institutions sont désormais fragiles. En prenant soin de préciser « je parle des institutions quelles que soient les personnalités en fonction », j'écris : « une politique est beaucoup plus sensible à la corruption si elle est décidée par un seul homme que si elle est décidée par un groupe de trente personnes (le Gouvernement) lui-même contrôlé par une Assemblée représentative ». Si le mot "corruption" vous choque, remplacez-le par "subjectivité" (c'est le cas par exemple d'une impression personnelle « suite à la visite de Khadafi dans les jardins de l'Elysée »).
J’ajoute que la nouvelle disposition qui rend non renouvelable le deuxième mandat présidentiel est antidémocratique parce que c’est aux électeurs qu’il incombe de décider s’ils veulent reconduire un candidat pour un mandat supplémentaire. Antidémocratique aussi parce qu’un président n’a plus de comptes à rendre aux électeurs ni à personne lors de son dernier mandat. Cette irresponsabilité serait de peu d’importance si le président présidait et ne gouvernait pas, mais il gouverne.
On reparlera certainement de ce problème institutionnel parce qu’il est réel et dangereux : une Constitution adoptée par referendum ne peut être modifiée sur des points fondamentaux qu’avec une nouvelle consultation référendaire sous peine de lui faire perdre sa légitimité populaire. Ainsi après la Nième modification qui a dénaturé la Constitution autrefois votée par referendum, nous sommes actuellement dans une situation institutionnelle fragile. Cette fragilité crée un risque parce que notre histoire prouve qu’en situation de crise les Français tiennent quand les Institutions tiennent. Pour consolider nos institutions devenues fragiles, il faut les faire approuver par referendum.
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Revenons à la Libye qui est le sujet de ce billet : « refuser que des populations se fassent tuer », comme vous le dites, est certes une bonne intention mais il faudrait d’abord que ce soit une réalité avérée. En scrutant toutes les photos et vidéos disponibles, qui sont pourtant nombreuses et de toutes origines, on ne voit nulle trace des « milliers de morts » dont on nous rebat les oreilles depuis des mois. Les seuls morts que l’on voit sont de malheureux travailleurs étrangers assassinés par xénophobie ordinaire et présentés comme « des mercenaires à la solde de Kadhafi ». On ne voit pas non plus de trace des combats qui sont supposés avoir fait rage jusqu’à « l’assaut » sur Bab el Azizeia, pas de traces d’impacts sur les murs ni sur les meubles, pas un accroc dans les rideaux ni même un seul carreau cassé.
C’est sans aucune sympathie pour Kadhafi dont j’ai un peu combattu les sbires pillards autrefois au Tchad (l’intérêt de ne pas écrire sous anonymat est de porter témoignage) que je reste extrêmement circonspect quant à cette intervention en Libye. De cela aussi on reparlera certainement parce que la Libye nouvelle n’est pas au bout de ses peines après être née d’une intervention étrangère massive fondée sur le mensonge.

égéa : juste une remarque : "notre histoire prouve qu’en situation de crise les Français tiennent quand les Institutions tiennent". Vu l'instabilité constitutionnelle de la France, ils n'ont pas tenu souvent ! Ou plus exactement, c'est la rareté des moments de tenue constitutionnelle qui est à remarquer. EN fait, un seul exemple, celui de la mise en œuvre de l'article 16, en avril 1961. Mais étaient-ce les institutions, ou la personnalité de De Gaulle qui ont tenu ? En un mot : votre loi historique ne me semble pas probante...

6. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par yves cadiou

@ égea (commentaire n°5).
Bien entendu, les Institutions ne peuvent pas avoir plus de solidité que les personnels qui les mettent en œuvre. Mais elles peuvent avoir moins de solidité et ôter au personnel politique en charge les moyens d’agir. En écrivant « en situation de crise les Français tiennent quand les Institutions tiennent », je ne pensais guère à 1961 où le danger n’était qu’imaginaire mais je pensais aux situations réellement graves : 1914 (bataille de la Marne), 1918 (seconde bataille de la Marne), contrastant avec 1870 et 1940.
.
En 1940, les Institutions sont celles de la III° République, celles qui ont tenu en 1914 et en 1918 mais elles sont fragilisées car elles ont été violemment contestées pendant les vingt années de l’entre-deux-guerres par les partis et factions qui admirent les régimes totalitaires étrangers. La qualité des personnes est donc déterminante, les Institutions ne font pas tout, vous avez raison. Mais des Institutions fragiles, sans une légitimité populaire suffisante, permettent à tous les arrivismes politiciens de contester les décisions prises voire de s’y opposer, créant une désunion qui mène à la catastrophe.

7. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par clc

Mr cadiou,
Mon pseudo préserve effectivement mon anonymat, ce que j'assume parfaitement. Je pense que seul mon état actuel compte : je suis un jeune préparant au CID (j'ai donc effectivement une expérience de certaines opérations bien moindre que la vôtre).. Disons que cette règle de discrétion que je me fixe tient à plusieurs paramètres : 1/La discrétion sur la toile est une directive expresse de nos grands chefs (vous n'êtes, je pense, pas sans savoir que du renseignement peut très facilement être obtenu en croisant les nombreuses informations révélées sur le net de façon certes involontaire mais récurrente par nos personnels - il y'a là au passage un impact grandissant de la communication en général sur notre outil de défense), 2/La connaissance de mon identité ne vous serait absolument d'aucune utilité puisque je suis bel et bien "un illustre inconnu", 3/Peut-être pouvez vous également y voir une forme de complexe de ma part liée à mon appréciation du niveau élevé des commentaires faits sur ce blog (dont vous restez à mes yeux l'un des hauteurs principaux). Cela étant, être anonyme n'interdit pas d'avoir un avis et des idées, et comme j'apprécie l'échange, je me permets quelques commentaires, dont le ton parfois vaguement polémique pourra vous choquer : je m'en excuse, mais il a au moins le mérite d'amplifier le débat... Au delà de ce long préambule sur l'impact social du pseudo, je reviens sur la Libye. Je lis dans les journaux que les libyens ont ovationné hier notre président car l'intervention qu'il a provoquée, a permis de briser les capacités militaires de Kadhafi et d'empêcher une montée de ses chars sur Benghazi, qui aurait eu pour conséquence, incontestablement, les milliers de morts que vous évoquez. Alors oui, il n'y a pas en Libye les stigmates d'un conflit intense tels que ceux observés au Liban par exemple, ni les milliers de morts peut-être évoqués par la presse, mais je pense qu'en revanche, l'action entreprise a permis d'épargner des milliers de vies. Ceci pour également faire part de mon doute relatif à l'un des précepts de Clausewitz selon lequel "les généraux qui vainquent sans verser le sang ne sont d'aucun intérêt" (petit clin d'oeil aux passionnantes analyses de Mr Kempf sur le stratège).
Pour ce qui concerne l'avis du peuple dans les décisions, je suis quelque peu dubitatif.. Je me demande en fait si le peuple est encore à même de bien percevoir tous les enjeux des propositions soumises à référendum, et si il l'a seulement été un jour.. A mon sens, la réponse à l'utilisation abusive de l'article 11 de la constitution (le 16 l'a été si je ne m'abuse suite au putsch d'Alger), par CDG en 1962 pour modifier le mode d'élection du président, a été positive non pas en raison de l'agrément du peuple sur le sujet, mais plutôt en raison de la popularité du général.. Il en va malheureusement ainsi de la majorité des décisions prises par nos gouvernants. Je sais qu'il est rassurant de croire en ce principe démocratique fondamental selon lequel le peuple est capable de former intellectuellement ses choix pour le meilleur intérêt de la nation : pour ma part je n'y crois pas...

8. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par yves cadiou

Le commentaire n° 7 suscite une réponse sur trois points importants :
1 l’anonymat 2 la Libye 3 le principe démocratique.

1 L’anonymat présente un seul avantage dans le nécessaire débat qui doit entourer notre politique militaire : il permet de dépersonnaliser les échanges. En dehors de cet aspect positif, l’anonymat ne présente que des inconvénients.
Le principal inconvénient, c’est que l’anonymat permet à n’importe quel pékin de raconter n’importe quoi en se faisant passer pour militaire. Les militaires reconnaissent assez rapidement le faussaire qui veut se faire passer pour mili mais les lecteurs civils peuvent s’y tromper. Le meilleur exemple fut donné par le « groupe surcouf » en 2008. L’article du Figaro était visiblement écrit par un civil parce que des militaires chevronnés ne se seraient pas déclarés « des trois armées, Terre, Air, Mer » qui est un classement journalistique, mais ils auraient dit « Terre, Mer, Air » qui est l’ordre protocolaire et habituel. Néanmoins les autorités civiles incompétentes n’y ont vu que du feu et ont réagi vivement. C’est avec le même succès, faisant réagir le ministre incompétent qui n’écoute certainement pas les conseils des militaires de son entourage, que le Figaro a récidivé en juin dernier grâce à la prétendue « obligation d’anonymat des militaires ».
Il en est de même sur les blogs où n’importe qui peut se faire passer, aux yeux des civils, pour un militaire qui ne donne pas son identité. Un doute naît par exemple avec l’intervenant qui, sous le vieux prétexte que des oreilles ennemies nous écoutent, se prétend le 16 septembre 2011 « jeune préparant au CID » alors que le collège interarmées de défense n’existe plus depuis le 20 janvier 2011. Le même termine son commentaire par un « vive le président », qui est une formule plus militante que militaire. Par conséquent l’anonymat est suspect et dévalorise, pour qui sait lire le langage mili, les propos tenus à l’abri d’un masque.

2 Libye. On constate que les infos dramatiques données par la presse se dégonflent à mesure que le temps passe. On n’affirme plus qu’il y a eu des milliers de morts, ils sont remplacés maintenant par l’évocation des morts qu’il y aurait pu avoir, au conditionnel incertain. Quand il a fallu expliquer pourquoi on ne voyait pas de morts, on nous a d’abord dit que « les kadhafistes ont ramassé les cadavres avec des camions pour les mettre dans des fosses communes ». On nous avait fait le même coup avec la Roumanie en 1989. Le bidonnage de l’information est une donnée constante : en mai 68 la presse a fait croire aux Français qu’un chahut étudiant était une guerre civile. Mais aujourd’hui, il est facile de vérifier par internet, de scruter les vidéos avec le cas échéant l’œil du connaisseur, de contacter des gens qui savent et qui voient la réalité. Le public saura dans quelques temps que l’affaire libyenne était largement bidonnée et que l’intervention de nos forces obéissait à des motifs qui n’étaient pas ceux qu’on nous a dits.

3 le principe démocratique. On peut toujours se demander « si le peuple est à même de bien percevoir tous les enjeux des propositions soumises à référendum, et si il l'a seulement été un jour ». La question est probablement aussi vieille que la Démocratie et elle ressurgit à chaque fois que les gens au pouvoir sont contestés. La compétence populaire n’est pas la question : qu’il soit compétent ou qu’il ne le soit pas, le Peuple détient la légitimité. Bien entendu, nombreux sont ceux qui contestent cette légitimité pour l’un ou l’autre motif qui leur donnerait, s’il était agréé, une légitimité supérieure : leurs diplômes, leur argent, leur lectorat, leurs ancêtres, leur talent, tout ce que vous pouvez imaginer. Tous ces motifs sont contestables et ne mènent pas loin, je vous laisse les examiner un par un avec un prudent doute cartésien. Il reste que la meilleure façon d’en sortir, c’est de dire que « tous les hommes sont égaux en droit » et que chacun a son mot à dire pour fixer le destin du Peuple dont il est une parcelle.

Pour conclure l’ensemble de ce qui précède, je reviens au devoir de réserve (remplacé maintenant, semble-t-il, par l’obligation d’anonymat) : si nous sommes coincés d’un côté par des décideurs incompétents désignés par des électeurs incompétents et d’un autre côté par des spécialistes compétents qui laissent parler n’importe qui en leur nom sous anonymat, alors c’est à désespérer de tout. Non : il faut admettre que le rôle des élus est d’être représentatifs et qu’il n’est pas d’être compétents. Lorsqu’ils auront enfin compris eux-mêmes que le suffrage universel donne la légitimité sans donner la compétence technique, ils comprendront que le technicien, l’homme de l’art, ne sort pas de son propre rôle s’il s’adresse directement au public à visage découvert.

9. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par Cadfannan

Si je suis tout à fait d'accord avec le dernier paragraphe du commentaire n°8, il faut tout de même admettre qu'il y a eu récemment suffisamment d'exemples pour dissuader un militaire souhaitant s'exprimer sur des sujets relevant pourtant de sa compétence.
D'autre part, même si le CID n'existe plus et que l'Ecole de Guerre le remplace, cela n'empêche pas la majorité des militaires qui m'entourent de continuer à parler de CID. Il est d'ailleurs très souvent lorsque des organismes ou institutions changent de nom au gré de réformes cosmétiques que les "anciens" continuent à les appeler par leur ancien nom.
On peut d'ailleurs noter que bien souvent, des réformes imposant un changement d'organisation finissent par se borner dans leur mise en oeuvre à changer le nom d'un organisme ou deux, sans changer ni les attributions, ni les moyens, ni les hommes. Il y a là comme une sorte de résilience des organisations...

10. Le mercredi 24 août 2011, 09:59 par yves cadiou

Je m’aperçois que je n’ai pas répondu, en son temps, sur un point du commentaire n°2 rédigé par mon camarade Roland PIETRINI. J’y reviens, à la fois parce que le point me semble important et parce qu’on aurait tort d’oublier les fragilités institutionnelles qui se sont révélées lors du précédent quinquennat et auxquelles il faut remédier avant que ça tourne mal.

L’article 14 de la Constitution ne donne aucun pouvoir exécutif au Président en matière de diplomatie, pas plus que l’article 15 ne lui donne le commandement des armées. Article 14 : « Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui ».

Il ne s’agit que d’actes protocolaires et symboliques qui ne contredisent pas l’article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l'administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement ».

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