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Dette : club Atlant, club Méd, club Balt

Y a-t-il des aspects géopolitiques liés à l'économie ? certainement. à la finance ? probablement, même si la chose est pue étudiée en tant que telle. à la dette ? là aussi, l'observateur en a l'intuition, même si peu de choses sont finalement écrites sous un angle géopolitique. Considérons donc que la "dette" est un facteur de puissance, selon qu'on l'honore... ou pas !

source

1/ Tout d'abord, considérons qu'on a l'impression :

  • que les Etats Unis n'ont plus aucune intention de payer leur dette
  • que les Européens en ont encore l'intention, du moins dans le principe
  • que les émergents sont au milieu et n'ont pas d'alternative...

2/ L'incommensurable dette américaine : il faut lire le dernier livre d'Immarigeon (pour en finir avec la Francamérique), il faut lire celui de Pierre Buhler (La puissance au 21ème siècle), ils citent les mêmes chiffres : une dette qui est au-delà de 30.000 milliards de dollars, voire 50 voire 70.... Autrement dit :

  • ils n'ont pas la capacité de rembourser
  • ils n'en ont pas l'intention.

Il s'ensuit une question subordonnée : ne rembourse-t-on rien à personne ? ou choisit-on des gens à qui on ne paiera rien, des Asiatiques par exemple (mais c'est un exemple tout à fait pris au hasard, n'allez pas croire autre chose).

3/ Il reste qu'on doit en tirer une conséquence, qui est celle de l'équilibre "systémique" : de la dette, c'est du "crédit". Et le mot crédit a une double signification : la signification financière, mais aussi, de façon sous-jacente ou, pour être précis, "première", celle de confiance. La distribution d ecrédit, souvenez-vous de vos cours d'économie monétaire (oui, souvenez-vous!), c'est de la fabrication de monnaie : les banques distribuent du crédit et viennent se refinancer à la Banque centrale, "^préteuse en dernier ressort qui accueille plus ou moins ces demandes de crédit : ce faisant, elle créée de la monnaie.

4/ Actuellement, la Fed créée plus de monnaie que n'en demandent les baques : il y a ultra création monétaire, il y a plus de monnaie que de crédit (ce qui alimente, en passant, les fortunes faramineuses et, indirectement, favorise toutes les bulles, et notamment les actifs internationaux, dont l'immobilier à Pairs : voici pourquoi vous ne pouvez plus acheter votre appartement rive droite, ou rive gauche). Bref : l'ultra création monétaire d'hélicoptère Bernanke dévalorise la monnaie. Le dollar est une monnaie de singe. Tant pis pour ceux qui ont des actifs en dollars. Et les Etats-Unis font tout pour perpétuer la chose, en espérant notamment que les Européens, eux aussi, feront de même : si toutes les monnaies se cassent la figure, alors ce n'est plus le problème des Etats-Unis, c'est un problème mondial, ce qui renforce indirectement la position de Washington.

5/ D'où la question de l'attitude des Européens. A ceci près que les Européens, ça n'existe pas en tant que nation et donc en tant que "pouvoir unique". Il y a des Allemands, des Français, des "Club Méd", des "club Balt", et la Grèce.

6/ Apparemment, les Européens font des efforts pour trouver une solution au cas grec. Cela dit, comme cela fait deux cents ans qu'Athènes ne paye pas ses emprunts, cela ne choque pas grand monde. On organise donc des restructurations volontaires et partielles qui en ont tous les caractères, sauf le nom. Et malgré la volonté du club Balt, il semble qu'on y soit. Or donc, cela signifierait que les Européens ont une part d'attitude "américaine" : c'est notre dette, mais c'est votre problème. Mais justement, l'organisation dès à présent du défaut est quand même le signe qu'on veut crédibiliser le système dans son ensemble, quand les Américains n'ont absolument plus cette perspective.

7/ Car voici la vraie "guerre" : en crédibilisant l'euro, en "remboursant la dette", du moins celle des pays les plus "sérieux", alors on décrédibilise la dette américaine. Mais sur cette ligne là, il y a des lignes divergentes en Europe : certains sont du côté "américain" et voient d'un bon œil le non-remboursement de toute dette. D'autres sont du côté "allemand" et veulent rembourser la dette pour prendre une domination financière, donc économique, du monde qui vient. Mais à chaque fois il y a un objectif stratégique : celui de reprendre aux émergents la "richesse" qu'on leur a donné avec la mondialisation.

8/ La guerre financière est donc à la fois transatlantique (Européens contre Américains) qu'intra européenne (américanistes contre nordistes). Et comme elle n'est pas formulée, on trouve des tenants des deux postures à l'intérieur de chaque pays, et notamment en France : attendez-vous à ce que prochainement, à l'occasion de cette merveilleuse campagne présidentielle, vous ayez un candidat qui dise : "et pourquoi on la paierait, notre dette ?".

Bref, on n'a pas fini de rigoler. Quant à vos actifs : plus ils sont physiques, moins ils sont dématérialisés, plus vous avez la garantie d'avoir demain une maison avec un potager, ce qui, sait-on jamais, peut se révéler l'essentiel.

  • NB : merci à BQ et PSS qui m'ont beaucoup aidé à accoucher de ce billet : en son temps, je vous signalerai l'article qu'ils préparent et qui est encore meilleur que tout ce que je peux raconter.
  • NNB : on relira le billet sur la monnaie Facebook, alternative privée à des monnaies publiques en voie de déshérence, et celui sur la géopolitique monétaire (même si on peut ne pas être en accord avec la conclusion, but it's another story).

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 7 mars 2012, 19:48 par Fab

Si les USA n'avaient pas l'intention de payer leur dette, alors les T-Bond ne seraient pas aussi recherchés. Visiblement, les financiers y croient plus qu'en la dette française.

Par ailleurs, une dette publique ne se rembourse pas vraiment, mais se dilue par inflation. Ca s'appelle "roller" la dette.
Voir cet excellent blog: http://www.captaineconomics.fr/actu...

La question du remboursement est donc faussée. D'autant plus que les USA ne sont pas les plus mauvais élèves en terme de ration dette/PIB (200% pour le japon, ce qui n'empêche pas ce pays de "roller" sa dette).

D'autre part, je pense que les USA voient plutôt d'un mauvais œil la situation européenne actuelle car beaucoup considèrent qu'un défaut de la Grèce serait encore plus mauvais pour l'économie mondiale que la faillite de Lehman Brother.

Tout ça pour dire que je ne suis absolument pas d'accord avec ce billet, même s'il a le mérite d'être original.

égéa : chic, un contradicteur : envoyez moi donc un billet un peu plus argumenté, je me ferai le plaisir de le publier. Quant au Japon, il y a une petite différence : la dette est détenue à plus de 80 % par l'épargne nationale. Quand le niveau d'épargne américain est plat comme une feuille de nénuphar. Bref, la situation des deux pays n'est as comparable, et le yen ne bénéficie pas du privilège du dollar qui explique, en grande partie le "succès" des Tbonds.

Inflation : croyez vous que l'inflation puisse rattraper le rythme délirant d'augmentation du déficit budgétaire ? Avez vous l'augmentation exponentielle de la dette depuis quatre ans ? Quels seraient les niveaux d'inflation nécessaire pour gommer la bulle déficitaire du budget national ? La question n'est plus d'une régulation (dilution au gré du temps) on a changé d'échelle : et ce changement d'échelle rompt les équilibres (à supposer que ceux-ci préexistassent, ce qui est un autre débat).

2. Le mercredi 7 mars 2012, 19:48 par

Très intéressant sur le problème transatlantique de la dette. Pour aller dans une autre direction, je me permets de te renvoyer à : http://www.polemos.fr/2011/10/pourq... avec un autre acteur de cette géopolitique de la dette européenne: la Chine.

égéa : merci : on aura compris que j'ai fait impasse sur les émergents....

3. Le mercredi 7 mars 2012, 19:48 par ylos

Au sujet de la dette et de la comparaison au Japon, rappelons nous cette sortie de Guéant il y a qq mois qui n'a pas amha eu assez de publicité: Il disait que notre dette n'était pas tant un problème... puisque inférieure au niveau d'épargne des français!

Bref, malgré l'atlantisme forcené de la sarkozie, le message est clair: Au besoin, on s'autorisera à "roller la dette"... avec notre épargne!

Que ce soit un peu l'inverse de la morale de "la cigale et la fourmi" ne risquant pas d'influencer un individu qui n'en a aucune, de morale.

Ce pourrait être une chose à rappeler, dans le cadre de la campagne: Les taux d'imposition des très hauts salaires promis par le camp d'en face pourraient soudain leur paraitre assez doux en comparaison?

Au final, ceci traduit une inquiétude touchant moins les US que l'Europe: Notre continent est pauvre en ressources, en particulier les hydrocarbures (en prime sur le déclin en mer du nord).

Et qui voudra bien continuer à nous en vendre, si l'Euro devenait monnaie de singe?

Ce qui en prime pourrait arriver à des niveaux de dilution monétaire inférieurs à ceux que le dollar se permet, faute du statut protecteur de monnaie mondiale?

Les US ont le golfe du mexique qui reste riche, un état de la taille d'un demi continent avec des possibilités de qq années en autarcie forcée bien plus crédibles que les notres.

Stratégiquement parlant, est-il également bien raisonnable d'avoir donné le contrôle de la BCE, Italie, Grèce... à des ex des gros établissements financiers US?

Voire ici la liste:
http://www.lesmotsontunsens.com/gol...

Par ailleurs, niveau actif, l'immobilier il a mieux valu l'avoir acquis fin 90's et en tout cas avant 2003: Notre situation, avec un indice Friggit (prix-immo versus revenu disponible, historiquement situé entre 0.9 et 1.1) de l'ordre de 2 (aux US les subprimes ont explosé à 1.4) est en effet une catastrophe annoncée. Surtout si on ajoute aux effets du développement de la crise sur cette bulle le downsizing à venir de la génération baby-boom, massivement pavillonisée: En général, vers 70 ans, une grande maison et un jardin deviennent bien trop pénibles à entretenir... et c'est pour bientôt.

4. Le mercredi 7 mars 2012, 19:48 par Fab

Je vais préciser: le coup de poker américain que vous décrivez me paraît improbable... mais la réflexion est stimulante.

En effet, j'ignore si l'inflation peut "euthanasier la dette" avec un tel déficit budgétaire. Ce que je sais en revanche c'est que les marchés y croient. Ou alors qu'ils croient encore au "privilège" du dollar.

Vous avez donc raison, la question est: combien de temps les équilibres actuels subsisteront-ils? Et il ne faut pas oublier que dans un monde qui va mal, le dollar apparait comme une valeur refuge.

Du coup, est-ce qu'une faillite européenne serait profitable au dollar? Oui peut être. Mais elle engendrerait aussi des risques sérieux sur l'économie mondiale.

Au final: ça me semble être un sacré coup de Poker: une certaine probabilité de réaliser le scénario de Mad Max pour assurer en retour la prééminence du dollar.

Les USA prendront-ils ce genre de risque? Sachant qu'actuellement ils trouvent preneurs pour leur bons au trésor sans difficulté? Ça me paraît un scénario bien compliqué. Mais peut-être avez-vous eu vent d'un tel complot par des bruits de couloir?

Et finalement peut être avez-vous raison: des intentions tout aussi suicidaires ont récemment été prêtées à la BCE:
http://econoclaste.org.free.fr/dotc...

J’atteins la limite de mes compétences... On verra une autre fois pour un billet :)

5. Le mercredi 7 mars 2012, 19:48 par Fab

Pour rectifier mes propos, je viens de m'apercevoir que les bons au trésor US trouvent en fait moins en moins preneur privé. C'est la FED qui les finance.

Ce qui vous donne raison: les équilibre sont en train de se rompre.

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