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A propos du soft power

Au cours des 30 dernières années, le concept de soft power (Puissance douce) a connu une vogue incroyable, tant il permettait d'expliquer tout un tas de choses mais aussi tant il s'accordait à une posture de puissance bien particulière, celle des Etats-Unis. Constatons que la vogue eut surtout lieu au cours des années 1990. Joseph Nye tenta bien de faire évoluer son concept avec l'idée de Smart power, sans que la chose soit réellement convaincante. De même l'avons-nous vu venir sur le terrain du Cyber, sans que là non plus cela n'apporte un vrai éclairage différent. Au fond, plusieurs dynamiques sont à l’œuvre pour relativiser l'effectivité du soft power : les attentats du 11 septembre avec la mise au premier plan, brutalement, de la question "terroriste" (en fait, djihadiste) ; la crise économique de 2008 liée d'ailleurs avec une remise en cause de la mondialisation (émergence, puis Trump) ; enfin, une montée en puissance des grands acteurs du cyber (GAFA, BATX) et donc l'explosion de l'activité sur la couche sémantique (cf. Mon bouquin Gagner le cyberconflit).

source

Or, j'ai lu (je ne retrouve plus la source, ce devait être dans un numéro de la RDN) une idée de Louis Gautier qui affirmait que le SP n'est possible que pour quelques rares États qui ont de grosses capacités techniques et économiques. Pour la plupart des autres, seul le hard power paraît à portée de main.

J'ajouterais pour ma part qu'il n'y a pas de soft power sans hard power, sans compter l'épuisement du soft power tel que nous l'entendions (celui d'influence des normes et des valeurs, au moyen de la culture, du cinéma, des grands médias d’influence, du système universitaire, de la langue...). La crise ukrainienne ou l'action russe en Syrie ou l'opération Serval montrent que l'utilisation habile de la force est toujours un moyen efficace pour atteindre des objectifs tangibles.

La popularité du SP fut aussi due à son adhérence à la vision d'un monde interdépendant, transnational, postmoderne.... Un monde pacifié où d'autres moyens permettraient de réduire les conflits. Autrement dit, une vision irénique qui permettait de s'abstenir de la vieille puissance militaire, si grossière et, désormais, si maladroite. En effet, Irak et Afghanistan semblaient montrer l'inefficacité de l'outil militaire. Mais Tchétchénie, actions israéliennes, opérations françaises en Côte d'Ivoire ou au Mali, interventions russes en Géorgie puis en Crimée ont montré une rémanence du vieil hard power, tandis que l'image des États-Unis semble durablement contestée comme l'illustrent les nombreux sondages du Pew center (dès avant l'arrivée de D. Trump). Quant à l'Europe, archétype de la puissance douce, son inefficacité en Ukraine comme en Afrique et le taux d'abstention aux dernières élections européennes illustrent à quel point cette douceur est finalement peu convaincante, surtout quand les grands tenants du hard power, États-Unis et Europe s'abritent derrière des murs toujours plus haut.

Est ce à dire pourtant qu'il a disparu? Non, simplement qu'il n'a plus son caractère de théorie centrale et qu'il faut probablement l'adapter. Pas simplement dans le smart power vaguement adopté par Mme Clinton. Mais en redécouvrant la notion d'influence et de politique culturelle. Surtout en étant plus cohérent entre des principes affirmés et leur mise en œuvre aléatoire et casuistique.

O. Kempf

Pour Maulny dans le dernier RDN, les Etats-Unis ont tout perdu mais ils ont finalement gagné grâce à leur soft power, ou plus exactement leur domination des outil de cybercommunication (google, FB, twitter).

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