Pensées fugaces

En fait, au jeu des comparaisons, Narendra Modi, le nouveau premier ministre indien, me fait penser à Erdogan. Lui aussi vient d'être élu en s'appuyant sur un parti "religieux" au terme d'une élection démocratique qui met un terme à un régime politique pluri-décennal épuisé (le gandhisme dans un cas, le kémalisme de l'autre). Et surtout, ce tropisme nationaliste s'appuie sur un dynamisme économique qui fait le vrai succès du mouvement. Aussi, les réactions ont-elles été contrastées de la part des observateurs, les uns pointant le nationalisme (ouh ! c'est mal !), les autres le libéralisme (ah ! c'est bien!). Je crois que les choses ne répondent pas à ces deux grilles de lecture occidentales. Cela ne signifie pas que Modi trouvera le succès, simplement qu'il faut s'attendre à des surprises.

Viens de trouver un slogan : Armes sensibles, s'abstenir. Parce que la guerre c'est mal, je vous le rappelle, au cas où vous l'auriez oublié.

Match Espagne Pays-Bas : contre toute attente, déconfiture espagnole, 5 à 1 pour les orangistes. Cela montre surtout que quelque soit les forces en présence, elles sont multipliées par un facteur collectif qui dépasse le simple ratio qualitatif : ce peut être de l'organisation, de la discipline (souvent les avantages des armées occidentales), ce soir ce qui a été visible c'était la force morale. Ardant du Pic pas mort.

Où l'on reparle de l'Otan : bien sûr pas à propos de la crise ukrainienne mais au sujet de ce que peut faire la France dans l’Alliance : tout d'abord par cet article de F. de Saint-Victor qui analyse l’influence française dans l'Alliance, et dans cet article publié par des "Hussards" et qui questionne la possible stratégie française envers l'Otan.

En fait, au cours des cinquante dernières années, l'Occident a pris un malin plaisir à liquider toutes les illusions occidentales au Moyen-Orient : Nasserisme, baasisme, communismes de toutes obédience, kémaliste et post-kémalisme pro-européen... On n'a plus à vendre qu'un libéralisme débridé, corrompu et corrupteur, ou un post-modernisme soi-disant stade ultime de la démocratie qui exaspère même les Européens. Pas étonnant que tous les islamoïdes s'épanouissent au Moyen-Orient.

Ce qui est intéressant, dans cet article où Rohani défend sur twitter le droit au bonheur, c’est le sous-titre qui évoque la notion de « cyberguerre culturelle ». Autrefois, on aurait parlé de guerre de l’information.

Décidément, les choses bougent entre Alger et Paris. Comme si la réélection de Bouteflika avait été l’occasion d’un changement déjà esquissé, celui du resserrement des liens avec Paris. Ainsi, le ministre de la défense JY Le Drian s’est rendu deux fois à Alger tandis que M. Fabius y allait ce week-end (et pas seulement pour dormir, malgré la caricature). Du côté économique, il y a urgence des deux côtés : sortir de la monoculture pétrolière et d’un chômage de 25 % d’un côté, retrouver du dynamisme aux cris de la diplomatie économique de l’autre. Du côté sécuritaire, la situation libyenne et, plus largement, sahélienne, est au cœur des conciliabules. Bien sûr il y eut le Mali, première esquisse d’une concertation de défense. Il y a désormais la menace islamiste en Libye et le soutien à l’offensive du général Haftar. Il y aurait ainsi une vaste conjuration entre monarchies du Golfe (Arabie au premier titre), Égypte, France, États-Unis et Algérie pour chasser les Frères musulmans et autres salafistes de Libye. A la fois pour établir un État un peu cohérent sur le rivage de Syrte, mais aussi pour casser le sanctuaire jihadiste en passe de se constituer au carrefour Niger/Tchad/Libye/ Algérie. Ces objectifs de court et moyen et termes sont d’excellentes façons d’entrer dans le XXI° siècle et d’oublier des différends vieux de plus de cinquante ans. Penser à l’avenir plutôt qu’au passé.

Rencontre Erdogan Rohani. On sentait qu’Erdogan n’était pas vraiment content quand Rohani l’était beaucoup plus. Mais c’était avant l’offensive éclair de l’EIIL : depuis, il est évident que les Turcs vont considérer avec encore plus d’attention leurs camarades iraniens, musulmans comme eux et non-arabes comme eux. Deux pays qui ont un long passé impérial et qui voient tous deux la nécessité de contrôler aussi bien les jihadistes irako-syriens que les Kurdes de leurs confins. Bref, il ne s’agit plus seulement de pétrole à exfiltrer en douce mais de contrôler une guerre civile.

Suite à l’EIIL, on entend les États-Unis poser la question des drones (avec hésitation, car ils savent que ce ne sera pas efficace) : voici l’éternel débat entre feu et choc. L’EIIL a le choc, les autres avaient le feu, le choc a aujourd’hui battu le feu.

L’autre jour, j’assiste à un débat sur les drones. Une péronnelle d’un think tank pacifiste débite des brochettes de bêtises, comme par exemple :

• Les drones sont sans pilotes, (et dans la même diapo) mais pilotés
• Des drones, il y en a de toute sorte, des grands, et des petits, comme des oiseaux
• Il y a des drones civils et des drones de combat, ceux-ci se répartissant entre drones de surveillance et d’observation et drones armés.
• Il peut délivrer des frappes en lançant des missiles, des bombes ou d’autres explosifs.

Pimprenelle prenait son rôle au sérieux et nous a ensuite asséné les trucs habituels sur ad bellum, in bello, tout ça. C'était mignon et inutile, ça faisait pleurer Simone et bailler d'ennui votre serviteur. Ce n'est pas parce qu'on parle sérieusement qu'on est très sérieux.

Commission : Angela Merkel fait face à un dilemme. Soit elle suit le modèle démocratique qui passe par la désignation de Juncker, même si elle sait qu’il ne changera rien. Ou elle suit Cameron, qui changera mais qui constitue un déni des droits du Parlement. Au-dessus de ce dilemme politique se superpose un dilemme géopolitique : choisir Juncker, c’est forcer l’Angleterre à lancer un référendum de sortie. Celui-ci s’ajoutera d’ailleurs au référendum écossais. Mais il laissera l’Allemagne seule en Europe ou plus exactement face à une France affaiblie et incapable de jouer le contrepoids. A terme, l’UE peut éclater devant les tensions qui s’exerceraient alors (car contrairement à ce que dit M. Rocard, il n’est pas du tout sûr qu’une Europe sans Angleterre fonctionnerait mieux). Malgré ce risque énorme, Mme Merkel choisit M. Juncker pour des motifs de politique intérieure.

On parle souvent d’Eurasie et d’eurasiatisme. En fait, pour décrire ce qu’on observe, il faudrait parler de Russasiatisme…

Livre reçu, acheté, paru ou lu (ou un peu de tout ça)

En train de lire La mort, entre autres, de Philipp Kerr. Parce que je en voulais pas lire sa trilogie pendant le nazisme mais parce que je crois qu'il a du talent. Au bout de 150 page, je confirme.

Articles, sites et liens

• Two B-2 Spirit stealth bombers have just arrived in UK for a quite unusual overseas deployment
• Crise des intermittents, une belle opportunité
• Il faut repenser la démocratie
• Ukraine, l’enjeu de l’industrie militaire, voir ici Ukraine: A military-industrial complex to die for
• Comment l'armée nigériane tente de faire face à Boko Haram
• une fiche de lecture sur le livre de Wodka Gallien, Essai nucléaire
• Cartes élections européennes déformées et par exemple cette carte
• Kosovo : Hashim Thaçi vainqueur d'un pays contesté
• A propos de Balkans, un blog pas mal…

Culture

Dans ma série surréaliste, j'ai été voir l'autre jour une exposition sur Magritte. Le travail est bien évidemment plus large et profond que celui de Delvaux dont je vous parlais l'autre fois. Il y a bien sûr beaucoup de discours et de paroles ce qui est la maladie d'une grande partie de l'art contemporain. Il ne peut pourtant être réduit à "Ceci n'est pas une pipe" ou aux sempiternels "hommes au chapeau melon". Autrement dit, ce n'est pas simplement un agitateur post-dadaiste ni un peintre à succès reproduisant toujours les mêmes recettes. Même s'il est aussi cela.

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Grand peuple

On nous parle d'intolérance religieuse, pensant immédiatement à des conflits interreligieux. Or, on réussit à se battre au sein d'une même religion, comme le prouve ce combat de sabre entre différents groupes Sikhs

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Mot gourmand

Mousmé. Voici ce qu'en dit Proust dans Le Côté de Guermantes : « C’est Loti qui introduisit ce mot en France. C’est un mot qui signifie jeune fille ou très jeune femme. C’est un des plus jolis mots de la langue nippone ; il semble qu’il y ait, dans ce mot, de la moue (de la petite moue gentille et drôle comme elles en font) et surtout de la frimousse (de la frimousse chiffonnée comme est la leur). Je l’emploierai souvent, n’en connaissant aucun en français qui le vaille. »

Mot bobo

Faire sens

Événements

14 juin Les prochaines Rencontres historiques de l’École militaire se dérouleront le samedi 14 juin. Table ronde exceptionnelle animée par Jean Lebrun (La Marche de l'Histoire/France Inter), en présence des historiens Marc Ferro, Jean-Pierre Azéma, Pierre Laborie et Stefan Martens, qui débattront sur les enjeux de la Libération de la France en 1944. - Comment s’est préparée à Alger et dans la clandestinité la libération du territoire national ? - Quel était l’objectif des Alliés en France ? - Quel a été le jeu des forces d’occupation ? Le débat sera suivi de la projection en avant-première du film documentaire Ils ont libéré Paris, de Serge de Sampigny, diffusé prochainement sur France 3. En août 1944, après quatre ans d’occupation, les Parisiens se révoltaient contre les Allemands sans attendre l’arrivée des troupes alliées. Une libération saluée par le Général de Gaulle dans son célèbre discours de l’Hôtel de ville : « Paris libéré !... ». Mais les Parisiens se sont-ils tous révoltés ? Et cette libération a-t-elle été exemplaire ? En sortant des visions franco-françaises, notamment en donnant la parole aux anciens soldats allemands présents à Paris à l’été 44, ce documentaire veut raconter une histoire complexe. Nous vous informons que la date limite des inscriptions (pour les personnes n'ayant pas encore réservé) est reportée au 12 juin.

23 juin La Revue des deux mondes et l’École de guerre organisent un colloque "Machiavel ou Poutine" La rencontre accueillera cinq intervenants : Michel Crépu (rédacteur en chef de la R2M), F. Bujon de l’Estang, Pierre Hassner, Thomas Gomart et Thornike Gordadze (IHEDN). L’institut devrait donc également participer à cette rencontre. L’amphi LOUIS , 23 juin. 15H30 – 18H30. Inscription à la Revue des deux mondes.

23 juin Le forum du futur organise un colloque en partenariat avec France-Amériques le lundi 23 juin 2014 de 17h00 à 20h00 dans les salons de France-Amériques, sur le thème: "La crise ukrainienne et ses conséquences internationales",

26 juin Le forum du futur organise un conférence-débat avec Minerve le jeudi 26 juin 2014 de 18h00 à 20h00 à l'Ecole militaire Amphithéâtre Louis sur le thème: "La Politique de Défense des États-Unis entre inflexion et réorientation" avec le Professeur Steven EKOVICH.

25 juin Cercle Strategia mercredi 25 juin 2014 à un petit-déjeuner-débat avec le docteur Isabelle TISSERAND, anthropologue Alain JUILLET, Président du CDSE Jean-Luc DELCROIX, Directeur de la Poste Monaco Jean-François CLERVOY, astronaute à l'ESA à l'occasion de la publication du livre d'entretiens : “SECURITE ALTERNATIVE” Cette rencontre se déroulera de 8 heures 30 à 10 heures dans le Salon du bateau " MAXIM'S" - Port de Suffren, Paris 7ème. Inscriptions

Arthur Le Chardon