Prolongation des négociations nucléaires iraniennes

Chacun a pu noter la prolongation « indolore » des négociations avec les Iraniens. Curieusement, l’affaire n’a suscité aucune des réactions en chaine auxquelles la presse « haut-du-pavé » nous a habitué. Nulle inquiétude, nul émoi. On aurait pu en effet avoir au moins deux réactions : celle constatant un échec et donc une menace nucléaire (que celui qui n’a pas subi de discours contre la prolifération au cours des cinq dix quinze dernières années jette la première pierre) ; celle constatant l’occasion manquée de changer réellement les choses au Moyen-Orient. Mais non : juste un petit entrefilet pour passer immédiatement à la décision du jour, celle du renvoi de Chuck Hagel, ministre américain de la défense. Elle-même rapidement passée sous silence.

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Or, cette prolongation signifie, au moins, que l’année de négociation n’a pas suffi. Mais signifie-t-elle autre chose ? Sert-elle à masquer l'échec ou s'agit-il vraiment de progresser encore vers un accord ? Cette dernière solution ne me paraît pas très crédible. Quand on a la volonté d'aboutir, ce n'est pas une question de temps mais de volonté.

Là, on n'a pas trouvé la volonté d'avancer alors qu’il y avait des raisons de fond et d’opportunité pour conclure un accord. Les raisons de fond tiennent à la présence de deux parties en faveur d’un traité : Obama d’un côté, Rouhani de l’autre. Les circonstances tiennent au chaos moyen-oriental (avivement de l’opposition entre chiites et sunnites, révoltes arabes qui dégénèrent de multiples façons, nouvelles expressions du jihadisme, renforcement des facteurs ethniques et sectaires) : jamais depuis longtemps les lignes n’ont été aussi fragiles, jamais il n’a été plus facile d’isoler un facteur et de changer la donne. Au fond, Iran et États-Unis son tacitement d’accord dans leur opposition commune au GEI : voici peut-être la raison de ces prolongations, qui consistent à isoler la question nucléaire pour ne pas entraver les convergences ailleurs.

Les deux parties parient sur le temps, en espérant que les « événements » aideront à modifier l'environnement et donc la nécessité de la négociation.

Pour les Occidentaux, plusieurs options se présentent : soit le GEI est cantonné et reflue légèrement, et l'on peut revenir à la posture morale « ni Bachar ni islamistes », tellement confortable même si elle est extrêmement biaisée politiquement ; soit les islamistes continuent de progresser (Jordanie) ou de rallier des factions, le chaos s'étend et les Occidentaux, sous la houlette des US, appuient finalement Assad. Dans le premier cas, pas besoin d'accord, à l'inverse du second cas.

Pour les Iraniens, il est plus facile de contenir les faucons (tant que Khameney vit, ceci dit au passage), d'autant que le desserrement des sanctions et les quelques réformes de Rouhani ont permis un certain regain économique. Autrement dit, le pays paraît mieux armé à supporter l'adversité régionale, d'autant que son dispositif est assez solide pour l'instant, surtout si Alep retombe entre les mains du régime syrien, ce qui semble désormais une question de semaines voire de jours.

Bref, de la part des Occidentaux, le recul devant l'obstacle est un refus d'accepter le changement du jeu, sans voir que le jeu change très vite de lui-même et qu'il est des moments où il est très imprudent d'être prudent, très maladroit de donner du temps au temps.

A. Le Chardon

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