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50/12 Getting better

Olivier Roy avait publié une tribune dans le Monde où il expliquait que les jihadistes français ne l'étaient devenus que pour des troubles psychologiques et socio-affectifs (oui, je force le trait). Une formule avait fait mouche : ce n'est pas l'islam qui se radicalise, c'est le radicalisme qui s'islamise. Voici une réponse à cette thèse : il y a peut-être d'autres facteurs, non ? Je suis en train de lire l'ouvrage fondateur d'O. Roy, "La fin de l'islam politique", réédition de 2015 d'un ouvrage de 1991. Il y a énormément de bonnes choses, la postface vaut le détour, il y a juste un petit problème : depuis 1991, l'islam politique radical n'a cessé de se réinventer. Et on peut dire qu'on en a encore pour dix ans. Donc oui, il a plein de limites et non, il ne propose pas un projet politique durable mais oui quand même, cette offre politique rencontre le succès malgré toutes ses limites. Peut-être dû à autre chose que les troubles psycho-affectifs, non ?

source

Référendum danois : Jacques Sapir remarque dans un billet incisif que le référendum danois de l'autre jour a été un "non" politique à l'Europe. Cela n'a suscité aucun intérêt en France (une alliance des souverainistes de droite et de gauche qui obtient une majorité avec 70 % de participation, pensez!) mais beaucoup en Angleterre (pensez, à un an d'un référendum sur l'Europe).

Rejet d'un monstre technique. On apprend ainsi que la CJCE donne droit dans un jugement au Front Polisario, lui reconnaissant le statut de "personne morale" alors que ce n'est pas un sujet de droit international. Là encore, décision apparemment technique mais lourde de conséquences politiques. Or, je ne suis pas sûr que les véritables motivations des juges aient été purement juridiques. Là est au fond un des problèmes de l'Europe : confier énormément de pouvoirs à des technocrates, sensés ne pas faire de politique (Commission, Cour de Justice, Banque centrale européenne, etc) mais qui ne cesse d'en faire, contre parfois même les positions exprimées par les autres institutions.

Du coup, L'Europe c'est fini nous dit Michel Rocard. Les constats commencent à s'exprimer. Il faut donc dès à présent réfléchir à l'étape d'après : fini, d'accord, mais par quoi on remplace ? avec qui ? Car l'Europe n'est pas inutile, par exemple lors des négociations contre les grands acteurs de l'Internet. Faut-il un retour à une Europe carolingienne ? Mais avons nous encore des choses à dire aux Allemands ? Subitement, de graves questions se font jour...

La Turquie, fort sourcilleuse pour ses frontières aériennes, est beaucoup moins regardante pour celles des autres : elle a ainsi envoyé quelques avions de chasse frapper le PKK en Irak du Nord ainsi que quelques troupes "s'entraîner" aux alentours de Mossoul. Le "gouvernement de Bagdad" (celui reconnu par la communauté mais qui ne contrôle que 40 % de son territoire) a émis une vive protestation. Qui n'a pas eu l'air d'émouvoir Ankara. On n'a pas entendu non plus de grandes voix étrangères s'élever contre cet unilatéralisme. Vous avez dit "unité de langage" ?

Il n'y a pas que le référendum danois qui est passé sous silence par la presse française, toute occupée à parler du "choc" (car désormais, à chaque élection, il y a un "choc"). Voici donc que le dernier quartier de Homs tenu par les rebelles a été abandonné par ceux-ci, à la suite d'un accord avec les loyalistes sous couvert de l'ONU. Signe qu'il est donc possible de négocier avec le régime... Accessoirement, cela représente certainement non seulement un succès tactique mais cela ouvre aussi à Damas des opportunités : le régime va ainsi pouvoir repositionner tout un tas de troupes qui étaient fixées à Homs. Vers Alep ?

Autre petite nouvelle relativement inaperçue : les rebelles de toute obédience (enfin presque : ni l'EI, ni je crois Al Nusrah) se sont réunis pendant deux jours à Riyad et sont convenus d'un groupe uni pour les prochaines négociations. Cela signifie que la grande manœuvre diplomatique initiée par la Russie cet été porte ses fruits et qu'une solution politique est envisagée par tout le monde.

Un peu plus loin, en Libye, un accord entre les deux factions ennemies est signé mais sans l'ONU. On garde un mauvais souvenir de la médiation de Bernardino Leon et des pressions de la "communauté internationale". Il faut y voir d'une part une sorte de nationalisme libyen qui se noue contre les ingérences étrangères, d'autre part le sentiment des menaces de l'EI. Toutefois, la prudence oblige à rester sceptique quant à la portée de cet accord, qui fait plus l'effet d'un coup que du lancement d'une réelle dynamique politique.

Venezuela, Argentine et d'une certaine façon Brésil : la gauche sud-américaine semble partout en recul, elle qui avait dominé la décennie passée. Alors que le modèle d'émergence est en crise. Voici qui dément les mille et une promesses qu'on nous avait faites sur les nouveaux modèles de développement : la presse nous apprend qu'encore une fois, on a misé sur l'exportation et que même les industries locales ne suffisent pas à enraciner le développement.

France et Europe : il y a non seulement rejet des politiques mais aussi, rejet du système représentatif, et même du vote. Le mot de JL Mélenchon, "insurrection froide", semble particulièrement adapté.

Ah! J'ai failli oublier de parler de l'accord COP 21. Vous me l'auriez reproché, j'en suis sûr. Le seul problème c'est que je ne sais pas très bien quoi en dire. Je ne doute pas qu'il soit bon (parce qu'il est), ni qu'il soit quand même insuffisant (bon, ne me demandez pas de lever cette contradiction relevée dans les qq commentaires que j'ai lus). Je note toutefois une chose : celui de la performance diplomatique à mettre à l'actif de la France et, disons-le (si, si, j'irai jusque là, vous ne douterez plus que je suis impartial), de L. Fabius. Avoir un des premiers réseaux diplomatiques au monde (avec les États-Unis et... le Vatican), cela aide. Rien que pour ça, on peut être fier de notre pays qui a bien servi l'universel. Cela n'est pas si fréquent qu'il retrouve son patrimoine génétique, félicitons nous en.

Articles, sites et liens

Culture

Un peu déçu par "Le pont des espions". OK, formellement c'est bien tourné et bien joué mais il n'y a aucune surprise, c'est très patriotard et finalement plat. Ne vaut pas le détour. Attendez qu'il passe à la télé ou que votre fils vous le télécharge qq part.

Evénements

Curieusement, pas d'événements à annoncer pour cette dernière semaine avant Noël. Comme si les esprits étaient déjà ailleurs.

Commentaires

1. Le lundi 14 décembre 2015, 22:42 par Ph Davadie

L'organisation du califat pourrait faire l'objet d'une étude scientifique en théorie des organisations, pour savoir s'ils sont originaux ou s'ils plagient le monde des Croisés. Ce serait intéressant, mais sûrement fastidieux...
Une question stupide m'est venue récemment : lorsque Poutine a rattaché la Crimée à la Russie, ce dernier pays a fait l'objet d'un embargo car son dirigeant a dépassé les bornes. Depuis que le Califat s'est emparé des terres syriennes et irakiennes, son territoire ne fait l'objet d'aucun embargo. Signe qu'il peut continuer à prospérer ?

ALC : mais l'Etat islamique n'est pas un Etat, ne cesse-t-on de vous répéter selon la doxa centrale (avec des évolutions : désormais, les officiels admettent qu'il s'agit d'un proto Etat). Du coup, il n'est pas soumis à un embargo. On détruit seulement ces citernes roulantes, façon annexe de le faire respecter autrement...

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