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Les cent jours de Trump

Texte de ma chronqiue parue dans le numéro 14 de Conflits, de juin 2017.

 

Conflits n°14

Le président Trump a donc passé le cap des cent jours depuis son élection. Curieusement, les médias ont beaucoup écrit sur cette étape, bien plus que pour ses prédécesseurs. Il en ressort l’impression générale que le président n’a pas réussi à prendre la mesure de la fonction et semble contenu par le système profond. De plus, en matière de politique étrangère, aucune ligne n’aurait été vraiment décelée et beaucoup y voient l’impréparation, pour ne pas dire l’amateurisme, du 45ème POTUS.

Il est vrai que le tableau est décousu. Il tient à des raisons internes : énormément de postes de l’administration n’ont pas été pourvus ce qui handicape sérieusement la tenue d’une ligne politique, quelle qu’elle soit. De plus, la première équipe a été affectée par la démission de Michael Flynn ou la rétrogradation de Steve Bannon.

Surtout, la succession de déclarations a montré une inconstance rare avec des foucades ou des revirements surprenants. À la suite d’une photo d’un enfant touché par une attaque chimique, il décide un raid de missiles contre une base aérienne syrienne. Après avoir déclaré l’OTAN obsolète, une brève rencontre avec son Secrétaire Général lui fait dire le contraire. Il monte le ton contre la Corée du Nord et annonce l’envoi d’un porte avion qui vogue en fait sur d’autres flots. Il avait annoncé une grande remise à plat avec la Russie et la Chine et il semble retombé dans l’habituelle tension avec Moscou, l’usuelle négociation subtile avec la chine. On attendait un isolationniste, mais une MOAB a été larguée en Afghanistan tandis que les opérations commandos et les frappes de drones se poursuivent. Plus récemment, le renvoi du directeur du FBI, James Comey, constitue pour certains une faute justifiant la destitution, comme Nixon.

La ligne serait-elle donc celle d’un simple conservatisme, au sens de la perpétuation d’une posture traditionnelle américaine qui n’aurait finalement pas trop évolué de GW Bush à Obama et à « the Donald » ? Pas si simple. Notons d’abord quelques succès : la nomination d’un juge conservateur à la Cour Suprême, l’augmentation du budget de la défense, le passage d’une loi sur l’Obamacare à la chambre basse… Il est donc possible que passé le temps de l’apprentissage, la démarche se professionnalise. D’ailleurs, les postes clefs semblent solides : Rex Tillerson ou le général Mc Master « font le job », d’autant plus discrètement que leur patron anime les médias.

Surtout, les coups d’éclat semblent cacher une ligne plus profonde, qui reste à confirmer. Au Moyen-Orient, l’effort est poursuivi contre l’EI à Mossoul mais aussi à Tabqa et Rakka, avec l’appui des milices kurdes, au grand dam d’Ankara. Il y a comme un partage des tâches : l’Irak dans l’aire américaine, la Syrie dans l’aire russe. Cette prudence (l’ambassade en Israël n’a pas été déplacée de Tel-Aviv à Jérusalem) s’accompagne d’une position similaire en Europe : si les déclarations ont rassuré les Européens, la pression pour qu’ils augmentent leur budget porte ses fruits. L’imprévisible Trump a ici plus d’effets que les admonestations polies de ses prédécesseurs. Enfin, il est fort possible que derrière les rideaux, Américains et Russes négocient activement. D’ailleurs, la Russie est très indulgente envers Washington malgré toutes les rebuffades apparentes. Ce profil bas intrigue.

Car la priorité est ailleurs : géoéconomique, elle vise d’abord la Chine. Certes, le retrait du traité transpacifique ouvre de grandes possibilités régionales à Pékin mais Trump renoue avec les alliances anciennes (Japon, Corée du Sud ou Taiwan) tout en se réconciliant avec les Philippines. La Corée du Nord lui donne argument pour peser sur Pékin. Là se joue le nouveau « grand jeu ».

Bref, bien que tumultueux, « le match n'est pas plié ».

O. Kempf

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