Alep : l’armée du régime a donc coupé la route nord reliant Alep à la frontière turque. C'était le cordon ombilical des insurgés qui tiennent une partie de la ville. L'encerclement complet n'est plus qu'une question de jours. C'est coup double pour le régime : couper Alep, prendre Alep, et c'est définitivement reprendre le contrôle de la Syrie utile et engager une réduction, dans la durée, des résistances qui demeurent. Tant pis pour les Américains qui prévoyaient un nouvel Afghanistan (on ne sait s'ils pensaient à leur expérience ou à celle des Russes : voir ce billet ici sur la logique des succès militaires russes). Mais l'autre atout, c'est que le régime a relié ses forces avec la poche kurde du nord ouest. Désormais, il ne reste plus que quelques dizaines de kilomètres entre l'est d'Alep et l'Euphrate pour rejoindre le reste de la résistance kurde. Imaginez alors que toute la frontière nord avec la Turquie soit tenue par un isolat kurde : formidable pied de nez à Ankara et allié de poids pour la future recomposition plus ou moins fédérale que prépare le régime (sans même parler du prochain retournement des Druzes au sud). Autant vous dire que vu d'Alep, Genève est loin et décalé. (paragraphe rédigé lundi soir... depuis, toute la presse a dit la même chose).
Miscellanées
5/16
Répliques sociales. On oublie l'Ukraine, on oublie la Tunisie. Or, de même qu'il y a eu des tremblements de terre (2012 dans un cas, 2014 dans l'autre), de même peut-on craindre des répliques. Mais là où elles étaient politiques, les révoltes de demain seront sociales. On aura l'air surpris alors que c'est prévisible. Si l'Ukraine voit les oligarques revenir, la Tunisie est un modèle qu'on abandonne. On devrait décupler notre aide. On reste chiche, et on pleurera demain, comme si on n’avait rien vu venir.
4/16
Moldavie. Les manifestations massives continuent à l'encontre du gouvernement pro-européen. Dans le même temps, des manifestations au Monténégro pour demander un référendum au sujet de l'accession du pays à l'OTAN. Petits pays, loin des radars habituels, pourtant européens et qui manifestent une défiance envers le système euro-atlantique. Notons que ce son' d'anciens pays de l'est, pour l'un membre de l'ex-Yougoslavie, pour l'autre de l'ex-URSS. Mais ils rejoignent la désillusion manifestée par des pays ex-Pacte de Varsovie (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie) à l'endroit de l'UE dont ils font proutant partie. Tout ceci pour marquer que la panne européenne n'est pas simplement due à la crise financière ou économique, à la crise ukrainienne, à la pression indépendantiste ou à la crise des migrants mais qu'il y a quelque chose de plus profond : une défiance envers les valeurs même de l'UE.
3/16
L'attentat à Istanbul, revendiqué par l'EI, modifie forcément les choses pour R. Erdogan. Jusqu'à présent en effet, les 4 attentats perpétrés par l'IE en Turquie avait visé des cibles kurdes. Vu e la présidence, si les ennemis s'entretuaient, ce n’était pas très grave. Mais frapper cette fois la Turquie la plus emblématique, celle de la vieille Constantinople, haut lieu du tourisme (un des piliers de l'économie turque qui, elle aussi, va moins fort ces derniers mois), voici qui pourrait changer beaucoup la donne, d'abord à l'intérieur. Le soutien populaire dont il dispose pourrait s'émousser. Bien sûr, dès le lendemain, les Kurdes perpétraient eux aussi un attentat ce qui permettra au pouvoir de dire que les fléaux de la balnce sont à l'équilibre, il n'en reste pas moins que la posture extérieure d'Ankara est fragilisée.
02/16
Trois semaines sans billet ! On dirait que j'ai pris des vacances. D'un autre côté, il ne s'est quasiment rien passé et je suis sûr que vous n'avez pas eu besoin de mes analyses. J'en profite tout de suite pour vous adresser mes meilleurs vœux, puisque 2016 risque d'être encore plus géopolitiquement agitée que 2015. Du pain sur la planche pour le Chardon et ses lecteurs. Santé et prospérité à tous. Quant à cette semaine...
On a beaucoup parlé de l'exécution de 47 "condamnés" en Arabie Saoudite. Beaucoup d'émotion de par le monde. Souvent, j'ai entendu deux thématiques (je ne parle même pas des sempiternelles analyses sur la rivalité sunnito-chiite ou l'opposition Iran/AS) : l'Arabie est un pays fondamentaliste à la source du jihadisme, et ce n'est pas bien de faire autant d'exécutions d'un coup, ni même de pratiquer encore la peine de mort.
51/12
Burundi : les événements empirent comme prévu, malheureusement. Le pouvoir joue la carte de la confrontation ethnique afin de se perpétuer. L'opposition est divisée, l'Union Africaine distante. Encore une fois, la défaite suscitée par un manque de maturation politique. Il est à craindre que les débordements ne s'étendent avec leurs lots de massacre. Chronique d'un génocide annoncé.
50/12 Getting better
Olivier Roy avait publié une tribune dans le Monde où il expliquait que les jihadistes français ne l'étaient devenus que pour des troubles psychologiques et socio-affectifs (oui, je force le trait). Une formule avait fait mouche : ce n'est pas l'islam qui se radicalise, c'est le radicalisme qui s'islamise. Voici une réponse à cette thèse : il y a peut-être d'autres facteurs, non ? Je suis en train de lire l'ouvrage fondateur d'O. Roy, "La fin de l'islam politique", réédition de 2015 d'un ouvrage de 1991. Il y a énormément de bonnes choses, la postface vaut le détour, il y a juste un petit problème : depuis 1991, l'islam politique radical n'a cessé de se réinventer. Et on peut dire qu'on en a encore pour dix ans. Donc oui, il a plein de limites et non, il ne propose pas un projet politique durable mais oui quand même, cette offre politique rencontre le succès malgré toutes ses limites. Peut-être dû à autre chose que les troubles psycho-affectifs, non ?
49/15 Lucy in the sky with diamonds
Semaine chargée et j'ai toujours plus de mal à remplir ces éphémérides, désolé si je suis bref et si j'oublie des événements importants. Constatons qu'alors que la semaine dernière, on nous expliquait que la France était isolée, voici que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont rejoint, chacune à leur façon, les efforts français. Du côté de Moscou, les choses ne vont pas si mal non plus : à défaut de la coalition espérée par V. Poutine, il y a plus que de la déconfliction, moins que de la collaboration : disons de la coordination. Bref, la France a plutôt réussi son tournant de politique étrangère, même si L. Fabius a dû manger son chapeau à plusieurs reprises. (cliquez pour lire la suite)
48/15 With a little help from my friends
Deux événements ont marqué la semaine. D'une part, le marathon diplomatique de F. Hollande. Les observateurs n'ont cessé de dire que c'était peu concluant ou que la France était isolée. Je ne suis pas d'accord avec cette vision typiquement française, excessive par son dénigrement. L'autre événement est l'affaire du jet russe abattu par la chasse turque. Paradoxalement, cela se retourne contre M. Erdogan qui se retrouve isolé, malgré les apparences. (lire la suite...)
47/15 Sergent Pepper's lonely hearts club band
Comme vous tous probablement, j'ai été secoué par les événements de l'autre vendredi mais surtout par la succession d'événements qui se sont succédé au cours de la semaine. Ceci explique la non- publication des miscellanées dimanche dernier. Une semaine a passé, il est temps de revenir à l'analyse.
(source, en hommage à la résistance belge...)
45/15 Tomorrow never knows
Le crash de l'airbus russe constitue probablement la grande affaire de la semaine et suscite plusieurs commentaires. Il semble de plus en plus probable qu'il s'agit d'un attentat, conduit par l'EI. Constatons une fois de plus la remarquable stratégie de communication de l'EI, qui distille ses informations au compte goutte, suscitant attente et donc intérêt. Notons au passage que les Anglo-Saxons se doutaient de quelque chose depuis des mois (ici). Dans le cadre de la proxy war menée par bien des acteurs au Moyen-Orient, constatons que la nouvelle n'est pas "mauvaise" vue de Washington, tant elle affaiblit les Russes. Ainsi s’explique la décision anglaise de suspendre ses vols, annoncée le jour même de la visite de Sissi à Londres, ce qui ne témoigne pas de la plus grande diplomatie ! La gêne du Kremlin est palpable, avec un Poutine qui a été fort discret tout au long de la semaine. Ne doutons pas que les Russes vont réagir, probablement par une action forte en Syrie (Rakka ?). La Russie ne laissera pas passer et déjà elle organise un pont aérien pour rapatrier ses concitoyens, bien plus efficace que ce que font les Européens.
44/15 Got to get you into my life
Élections polonaises, le parti de droite gagne. On le décrit selon une ligne nationale, "orbaniste" (du nom du leader hongrois), eurosceptique. Voici donc un pays qui a grandement profité de l'Europe et qui s'en défie... Faut-il qu'elle n'inspire plus que défiance générale. Mais peut-être s'agit-il surtout d'un sentiment anti-système qui gagne tous les continents, si j'en juge par les élections au Guatémala : un fantaisiste est élu président. IL faut dire que le sortant est en prison pour faits de corruption...
43/15 I want to tell you
L’autre jour, la Turquie s’était grandement plainte d’une incursion aérienne russe dans son espace aérien. Elle avait provoqué une réunion de l’OTAN et fait du bruit. La vraie raison de cette réaction se trouve probablement ici : convaincre les Etats-Unis de laisser en place leur batterie de missiles Patriot. Peine perdue, semble-t-il
42/15 For no One
Bien, une des deux frappes françaises en Syrie (à comparer au passage aux 60 frappes quotidiennes russes) provoque un ramdam que je ne comprends pas : des "Français" auraient été tués dans la frappe. Là, pour le coup, je soutiens assez nos autorités. Je préfère qu'on s'en occupe là-bas plutôt qu'ici. Ils vont sur un théâtre de guerre, faire partie d'un "État" qui s'oppose à l'ordre régional existant, ils acceptent donc les risques associés.
41/15 Yellow submarine
Je lis des correspondants qui m’expliquent qu’untel manipule truc etc… Ce serait beau mais cela me semble hors de la réalité. Parce que finalement, très peu d’États ont une stratégie. Les politiques sont désemparés parce qu’ils se savent impuissants (le pouvoir n’a plus de pouvoir !), de plus ils croient à leur « communication stratégique » (la soupe médiatique diffusée sans vergogne par le système), enfin ils ne « raisonnent » pas mais s’émeuvent, étant toujours du côté de la morale, croyant que la morale est une politique. Je n’y vois donc même pas de cynisme, simplement des limites. Quant à penser qu’ils puissent calculer, faire des alliances, poursuivre des intérêts stratégiques, c’est leur accorder des ressorts qu’ils n’ont plus.
40/15 Here, there and everywhere
La dernière lettre de Leosthène nous alerte judicieusement sur le TPP (Trans Pacific) qui est en panne. Or, des deux traités de libre-échange (en fait, de libre normalisation), le TPP était, aux yeux des Américains, le plus important, plus que le TTIP. Mais voilà, on est allé au bout de la mondialisation, la croissance est en berne un peu partout, le local reprend le pas sur le global, sans compter qu'il y a quand même des questions de souveraineté politique qui seraient transférés sans contrôle. Curieusement, personne ne note qu'en Europe également, il y a du tirage : Français comme Allemands sont en train de freiner, insatisfaits de la tournure des négociations (malgré l'opacité de celles-ci). Signe que beaucoup de choses sont en train de changer, et que des logiciels considérés comme évidents il y a cinq ans sont malgré tout remis en question.
39/15 Love you too
Scandale VW. Plusieurs observations : c’est un logiciel qui aurait trompé les normes de vigilance : autrement dit, un grand groupe « hacke » des systèmes publics. Il s’agit en fait d’une action de subversion, au sens premier du mot. Autre remarque que peu de gens font : le scandale intervient à deux mois de la COP 21. Il n’y a certainement aucun rapport.
37/15 Eleonor Rigby
Des nouvelles intéressantes arrivent d’Amérique du sud. Voici un mouvement anti-corruption au Guatémala qui arrive à faire mettre en prison le président du cru. Plus au sud, la présidente du Brésil, Dilma Youssef, est en grande difficulté avec seulement 7% de popularité : à ce niveau, il est impossible de gouverner, d'autant que l'assemblée ne suit pas. En cause, principalement, la crise économique (les difficultés chinoises affectent directement l'économie brésilienne). Le développement de ces dernières années n'a pas permis de renforcer le secteur industriel, et la croissance est en berne. Là dessus, un vaste scandale de corruption touche tout le personnel politique, au point qu'aucune alternative ne se présente. A l'impasse économique s'ajoute l'impasse politique, tandis que les manifestations se répètent.
35/15 Taxman
On apprend que le Kosovo, ça ne marche pas, malgré Eulex. Que la corruption est le seul produit de l'indépendance. Que le projet de l'opposition réclame une unification avec l'Albanie. Que la Serbie et le Kosovo ont signé un accord, incluant le Kosovo nord. Que 45 % de la population ne songe qu'à émigrer (oui, il n'y a pas que des Érythréens, Syriens et Afghans). Que L’Allemagne le déclare quand même comme un pays sûr, pour ne pas à accepter les demandes d'asile. Tout va bien, non ?
34/15 Run for life
Attaque dans le Thalys. Encore un isolé. On me dit qu'il ne s'agit pas d'un chien fou, parce qu'il est probablement endoctriné (ça, je veux bien le croire) et qu'il n'aurait pas trouvé des armes tout seul. Certes. Cela étant, son "maniement" des armes ne signale pas un gros soutien extérieur. Au-delà du cas de l'espèce, je constate une accumulation de ces petits incidents, toujours le fait d'individus. Sérieusement, croit-on vraiment que les sociétés occidentales sont si fragiles qu'elles vont se mettre en furie à la suite de ces "entailles", selon la théorie en vogue, parait-il ? Peut-être les théoriciens de l'EI devraient lire quelques textes sur la notion de résilience.