Fins calculs américains

Pendant ce temps là, les choses sérieuses se déroulent. Ainsi, avec leur délicatesse coutumière et leur sens inénarrable du timing, les États-Unis, sous la houlette du FBI, ont donc décidé d’inculper cinq officiers chinois pour cyberespionnage. Venant de la part du FBI qui a violé un certain nombre de principes de sécurité juridique dans l’affaire MegaUpload, venant des États-Unis qui abritent la NSA, il fallait déjà pas mal de culot, sachant surtout que cette inculpation risque de n’avoir aucun effet. Mais cela, tous les commentateurs un peu avisés l’avaient noté (par exemple ici ). Et puis qui est surpris aujourd’hui du culot américain, qui ose tout et plus encore ? (la suite en cliquant sur le titre)

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En revanche, sortir cela la veille de la visite de M. Poutine à Pékin, c’est ce qu’on appelle de la très grande politique. Bluffante, époustouflante, démontrant un sens du calcul et du billard à 17 bandes qui me laissent pantois. Ainsi, on sentait bien que les Chinois hésitaient à signer l’accord gazier avec Gazprom : surtout pour une question de prix, accessoirement pour une question de principes car l’annexion de la Crimée n’a pas forcément été très appréciée du côté de l’empire du Milieu, même si elle pourrait servir de précédent pour, disons, des petites affaires comme Hong Kong ou Taïwan.

Grâce aux États-Unis, l’accord sino-russe est donc imparablement signé, l’empire ayant réussi à convaincre Pékin de surmonter ses dernières réticences. Du coup, Washington va pouvoir arguer de la constitution d’un front de l’opposition unie et mobiliser en interne comme à l’international pour reconstituer une ligue des bonnes gens face à l’empire du Mal, qui est le vrai objectif de cette inculpation, vous l’aviez compris. Non, vraiment, c’est bien joué. J’admire cette maîtrise des complexités et la « gestion des conséquences », parfaitement anticipées. Et ne me dites pas qu’ils ne l’ont pas fait exprès, ils calculent tout, ils maîtrisent tout, ils savent tout. Comme quand ils révèlent soi-disant par mégarde le nom du chef de station de la CIA à l’occasion de la visite surprise de B Obama à Kaboul, je suis sûr que c’est pour aider à la signature du BSA. Habiles, je vous dis, suprêmement habiles.

Bon, cela fait aussi les affaires des entreprises américaines. Déjà que certains rapports signalent une baisse de 30 % du CA des entreprises liées à la NSA, voici que les Chinois refusent d’adopter Windows 8 (voir ici ) Dommage pour Microsoft, qui n’avait pas forcément besoin de ça (alors pourtant que son OS n’est pas mal, désolé de le dire, je sais que ce n’est pas très populaire mais j’adore dire le contraire des autres). Ah ! il paraît aussi que les grands cabinets de consultant, genre BCG et Mc Kinsey sont eux aussi personnae non gratae… (voir ici). Une coïncidence, sans doute.

On appréciera au passage que l’accord prévoit des paiements dans la monnaie de l’autre, donc hors dollar. Ce que d’aucun appellent la dé-dollarisation, même si Pékin et Moscou ont été d’une discrétion de rosière à cet égard. La guerre monétaire, la vraie, vient d’être déclenchée. Qui a dit que la Russie était isolée et que les sanctions étaient efficaces ? Il n’y a bien entendu aucune relation entre cet accord anticipé et l’inculpation américaine. Non, aucun dépit…. Face à tant de subtilité, comment peut-on ne pas être pro-américain ?

Le Chardon

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