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Nucléaire : contre-idée reçue n° 6 : « Face à la prolifération et à la menace iranienne, l’arme nucléaire est indispensable »

Suite et fin de la série discutant les arguments de Paul Quilès contre la dissuasion nucléaire (voir précédent). Ce soir, nous discutons le thème : « Face à la prolifération et à la menace iranienne, l’arme nucléaire est indispensable »

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Malgré les craintes de Kennedy en 1963, « hanté par le sentiment qu’il y ait (…), d’ici 1975, quinze ou vingt-cinq pays possédant ces armes, la réponse est non », constate l’auteur (p. 144). Il remarque toutefois une certaine prolifération, en « trois vagues » ; terme métaphorique puisqu’on est passé à six (Israël, date inconnue) puis huit (Inde et Pakistan, 1998) puis à neuf avec la Corée du nord en 2006.

L’auteur décrit ensuite les deux types de prolifération : verticale pour les puissances nucléaires, conduisant « à un accroissement de leurs infrastructures, de leurs systèmes d’armes et autres vecteurs nucléaires » (p. 145). Cet aspect « est très peu mis en avant et naturellement jamais dénoncé par ces puissances », alors qu’il s’agit « d’un cercle vicieux ». La prolifération verticale « correspond à l’apparition de nouvelles puissances nucléaires » (p. 145). L’auteur consacre alors deux pages à étudier le cas de l’Iran, avec curieusement le même type d’argument que bien des tenants du nucléaire qui se sont escrimés, à une certaine époque, à grossir la menace iranienne . Les colombes rejoignent ici les faucons. Le livre date de 2013 et n’avait pas envisagé les négociations actuellement en cours entre l’Iran et les représentants de la communauté internationale. Il constate cependant que « rien ne prouve pour l’instant que l’Iran ait violé le TNP » (p. 146) et que « rien ne serait plus désastreux qu’une attaque militaire contre l’Iran », car cela « provoquerait l’explosion du TNP mais aussi une probable dissémination des armes nucléaires dans la région » (p. 147).

L’auteur s’attarde ensuite sur « la lourde responsabilité des États qui ont transmis, parfois sciemment, des informations voire des matériels permettant à des États de se doter de l’arme atomique » (p. 148). La France est citée dans le cas israélien et curieusement dans le cas pakistanais (la bombe pakistanaise semble d’origine chinoise), mais aussi la Russie et les États-Unis.

« Dans ces conditions, la présentation de l’arme nucléaire comme l’ultime protection contre la prolifération est une affirmation fallacieuse » (p. 149). L’argument, pour le coup, est désarmant ! Tout d’abord, l’idée reçue mélange prolifération et cas iranien. Celui-ci n’a pas tourné au pire malgré les descriptions alarmistes qu’en faisait l’auteur. L’Iran négocie sur les modalités de son programme nucléaire, qui doit demeurer civil conformément au traité de l’AIEA et il a accepté certaines inspections de l’AIEA. Cela est dû à la pression des sanctions économiques, à un nouveau cours politique à Téhéran mais aussi, très probablement, à ce que l’Iran est un pays du seuil. Comme le Japon, il a la capacité de construire une arme nucléaire si le besoin s’en faisait sentir mais il ne souhaite pas le démontrer aujourd’hui. Dès lors, ce n’est pas l’arme nucléaire qui a fait échec à la prolifération, mais un ensemble de mesures diverses.

Pour autant, avoir l’arme nucléaire, quand on est soi-même, aux termes du TNP, détenteur de l’arme, constitue effectivement un moyen de répondre à toute menace éventuelle : celle des États nucléaires, celles des États non nucléaires et donc celle des États qui aspirent à devenir nucléaires. La dissuasion fonctionne d’abord contre les États nucléaires, faut-il le rappeler. En cas de prolifération, elle demeure donc plus que jamais utile. Qu’elle nourrisse la prolifération est un autre sujet qui mérite d’être débattu et nous y reviendrons. Constatons toutefois à l’expérience, cinquante ans après le discours de Kennedy qui faisait part de ses inquiétudes (rappelons qu’il prévoyait une vingtaine d’États nucléaires en 1975 : il y en a neuf en 2014), que la prolifération tant crainte n’a pas eu lieu. Signe que le système n’est pas si défectueux.

Qu’il soit pourtant ici permis de faire une observation. Le monde est imparfait, et tout traité international est imparfait. Il a toutefois une vertu, celui de civiliser les rapports internationaux. Le TNP est donc imparfait, mais utile. Dès lors, il y a quelque duplicité à se réclamer d’un côté du TNP et de l’autre à lui reprocher de constater un État de fait, celui qu’il y ait des États dotés et des États non-dotés.

O. Kempf

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