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Géopolitique › Philosophie politique

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samedi 18 septembre 2010

Guerre au sein des populations et pathologie politique de Ch. Richard

Souvenez-vous : au cœur du mois d'août, un billet que je croyais très anodin, ultra court, sur un sujet de philosophie aride qui me semblait n'intéresser que les plus tordus des lecteurs, un billet sur Charles Tilly suscitait un record de commentaires. Bon, on n'est pas encore chez Merchet ou dans le figaro, mais on ne joue pas non plus dans la même catégorie, hein? eux du genre poids lourd, égéa du genre agile... ça y est, vous allez me faire dire ce que je n'ai pas dit ! vous êtes incorrigibles, avec votre esprit taquin et rigolard!

Or donc, un lecteur assidu d'égéa décide de poursuivre la réflexion et de mettre en face la notion d'Etat et celle de guerre au sein des populations : on quitte là la stratégie seulement militaire pour évoluer vers une appréhension plus politique de cette stratégie. Intéressant, à l'heure des COIN. On y parle de Schmit et de Weber, de Bugeaud et d'Ely, du Hezbollah et des narcos mexicains, et de bien autre chose...

Merci donc à Christophe Richard qui me semble être un nom à retenir...

O. Kempf

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mardi 3 août 2010

L"Etat fait la guerre et la guerre fait l'Etat (Ch. Tilly)

Cette citation serait du sociologue américain Charles Tilly, que je viens de découvrir. Il dit tout simplement ce dont j'ai l'intuition mais que je n'avais encore jamais formalisé. Il y a un lien indéfectible entre la formation de l'Etat et le fait guerrier.

Attention : je ne connais pas le reste de l'œuvre de ce sociologue que je viens de découvrir. Mais je suis persuadé qu'il y a une liaison forte entre l'État et la guerre. Tilly aurait en fait traduit en sociologie politique la découverte de C. Schmit en philosophie politique (la politique c'est l'ennemi)

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mercredi 19 mai 2010

Je ne paye pas assez d'impôts

Je reviens encore une fois (voir aussi ici) sur cette question d’impôt et de démocratie.

Au début du XIX° siècle, le lien était si évident qu’on créa le suffrage censitaire : celui qui payait un certain montant d’impôts acquérait, de ce fait, le droit de désigner les représentants qui décideraient de l’emploi des fonds publics. Il y a bien sûr un aspect « inégalitaire » dans ce procédé, et notamment qu’il ne prend pas en compte les « pauvres » : c’est donc un mécanisme de « riches ».

C’est d’ailleurs pour répondre à cette objection que Guizot répondit, à un député qui lui en faisait la remarque : « enrichissez-vous » : il ne s’agissait pas, comme on le croit souvent, d’un programme de politique économique, mais un programme de politique politicienne : en vous enrichissant, vous acquérez le droit de vote et pouvez contribuer à l’expression collective.

La nécessaire prise en compte de l’intérêt de tous les citoyens (conforme à l’égalité prononcée par la DDHC) amena logiquement à passer à un suffrage universel.

Il reste que ce suffrage censitaire rendait bien compte du lien intime qui existe entre la démocratie et l’impôt : c’est une dimension rarement aperçue dans le jugement qu’on porte sur ce mécanisme de « démocratie bourgeoise ». Aujourd'hui encore, qui paye des impôts est sûr d'être citoyen (qui plus est, on devrait être satisfait de payer des impôts : plus on en paye, plus ce la signifie qu'on est riche : je ne paye pas assez d'impôts !).

Il faut alors comprendre que tous les programmes d’abaissement de l’Etat et notamment de baisse des impôts affectent (je ne dis pas menacent) le fonctionnement régulier de la démocratie. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’à l’inverse, plus d’impôt signifie plus de démocratie….. Seulement qu’il ne faut pas oublier cette liaison forte et pas toujours apparente.

Payer des impôts est chose saine, et au fond impérative en démocratie.

O. Kempf

jeudi 26 novembre 2009

Identité

Un débat est, paraît-il, en cours. Il semble mal posé, alors qu'il est géopolitique.

1/ L'identité est foncièrement liée à l'individu : le mot vient de la philosophie, puis de la psychologie.

2/ Au plan politique, l'identité est une conséquence : elle marque l'individualisation d'une organisation politique (donc, collective). L'identité est ainsi la caractéristique de la citoyenneté. La cité donne l'identité. Plus eactement, l'identité est la traduction individuelle de la cité. La cité, composée de citoyens, ceux-ci définis par leur "identité". Mais là encore, l'identité est individuelle.

3/ La cité peut se dénommer "nation". C'est le cas français. Alors, l'identité vient de la Nation.

4/ Il s'ensuit que l'identité ne peut pas être collective. C'est une déviation de sens. Il n'y a pas d'identité collective. Ce qu'on tente de nommer une "identité collective" (nous les Arméniens, nous les Hutus, nous les Périgourdins, nous les adorateurs du dieu Zô, ...) ne sont que des constructions ex post. Ce sont des discours politiques. Ce sont des "représentations", pour reprendre un concept classique de géopolitique. (remarquons au passage qu'il s'agit, en quelque sorte et si j'ai bien compris, de nominalisme, cf mon billet d'hier).

5/ Mais il s'agit, foncièrement, d'une déviation intellectuelle.

6/ remarquons en passant que les mots "d'identité nationale" n'ont pas posé de problème (alors que la notion fait grand débat), car ils "sonnaient" bien. La raison en est qu'en France, chacun a à l'esprit la notion de carte nationale d'identité. Les deux termes sont donc "naturellement associés", et on ne note usuellement pas l'inversion que constitue l'expression identité nationale.

7/ Toutefois, dire cela ne signifie pas que le débat est vain : il est légitime de discuter de la nation, ou plus exactement de la cohésion nationale. Autant le faire en utilisant les bons mots.

C'est un vieil admirateur de Renan qui vous le dit...

O.Kempf

mardi 30 juin 2009

La construction nationale, un problème militaire

Le dernier édito de Stéphane sur AGS est éclairant.

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"En revanche, la violence revendicative et la violence prédatrice sont plus difficilement gérables. Au demeurant, la “Reconstruction” et la “Réconciliation” entreprises par les Américains et par le Premier Ministre ne se ressemblent guère. Si les premiers ont tenu à présenter la dynamique conflictuelle comme une guerre civile dont ils pouvaient être les arbitres, le second a manœuvré pour se constituer une clientèle au-delà des clivages ethnoconfessionnels et partisans. En revanche, la question de l’intégration nationale reste au cœur des difficultés actuelles du pays. Fragmentée par le pouvoir clanique de Saddam Hussein, la société irakienne a été victime de l’approfondissement des clivages confessionnels et ethniques à partir de l’occupation américaine, clivages qui ont été instrumentalisés après avoir été réactivés par les entrepreneurs politiques au cœur des communautés. On ne peut exclure de réelles difficultés à gérer et à atténuer cette violence: les succès militaires de la Coalition n’ont pas accouché des succès politiques promis."

Conclusion que j'en tire : la grande difficulté contemporaine consiste à trouver les voies et moyens d'une construction nationale, sur des bases qui ne soient pas simplement linguistiques ou religieuses. Autrement dit, d'un consensus politique qui rassemble, au-delà des clivages idéologiques. Or, cette question (proprement géopolitique) est devenue un problème militaire, ou plus exactement, pour les militaires.

Ceux-ci ne peuvent désormais se passer d'appréhender les questions politiques. C'est la vraie conclusion à tirer des discours actuels sur la "guerre au milieu des populations". N'y a-t-il d'ailleurs pas confusion de plus en plus fréquente entre le politico-militaire et le stratégique ? et la doctrine Petraeus n'est-elle pas le mise en œuvre de cette approche politique des actions militaires ?

O. Kempf

samedi 7 mars 2009

De Columbia au G20 et à la Guadeloupe : fiscalité et démocratie

1/ Le district de Columbia est le seul territoire fédéral des Etats-Unis, puisqu’il accueille la ville de Washington et toutes les institutions gouvernementales. Il constituait jusqu’au mois dernier une curiosité juridique : en effet, s’il envoyait un représentant à la chambre, celui-ci n’avait pas le droit de vote. Au point que les autocollants fleurissaient sur les voitures : je paye mes impôts sans être représenté. Cela vient d’être modifié puisque le dit représentant a enfin obtenu le droit de vote.

2/ Cela nous rappelle le lien fondamental, et trop souvent oublié, entre la fiscalité, le territoire et la démocratie. Dans ses analyses, le géopolitologue doit absolument en avoir conscience.

3/ La fiscalité est à la source de la démocratie, en même temps que l’armée, la police et la justice. Pourquoi ? Parce que ces trois fonctions permettent à l’Etat d’organiser le monopole de la violence. Celui-ci doit être financé, d’où la procédure de taxation. Dans les temps féodaux, il y avait une compensation claire entre le service rendu par le seigneur et la taxation de la commune. Avec le temps, les seigneuries se sont agrandies et on a perdu le sens de cet échange féodal. Ce qui était admissible à une époque le devenait de moins en moins. Regardez l’histoire : en Angleterre, en France ou en Italie, les formes proto-démocratiques sont toutes liées au consentement à l’impôt. Le mécanisme d’échange est toujours le même (je paye pour avoir la sécurité), mais se complique par le contrôle : comme je paye mes impôts, je veux contrôler leur emploi. De là vient le système représentatif, fondement de nos démocraties. La démocratie légitime le monopole étatique de la violence qui s’exerce sur un territoire. Il y a concordance entre les limites de l’Etat et le territoire où il peut lever l’impôt. Max Weber peut émettre sa loi du monopole de la violence légitime.

4/ Les fonctions de l’Etat se sont agrandies avec le temps et l’histoire, conjointement d’ailleurs avec le développement démocratique d’une part, et l’agrandissement territorial d’autre part.

5/ C’est pourquoi les politiques de défiscalisation sont dangereuses : qu’elles viennent des libéraux, aux fins de « réduire l’Etat » ; ou qu’elles viennent des gens de gauche, au motif de l’exemption fiscale des bas revenus. Ce faisant, elles affaiblissent toutes deux l’essence démocratique du système.

6/ Dernière remarque : ce fondement fiscal de la démocratie explique aussi pourquoi, malgré tous les appels à une action internationale, les plans de relance ne peuvent être que nationaux : l’impôt pèse sur un territoire, à l’intérieur duquel il est déjà difficile de faire exercer une solidarité financière. Il faut en effet faire admettre à tous qu’il est dans l’intérêt commun de payer pour les compatriotes qui en ont besoin, surtout quand ce besoin se localise sur un sous-territoire. Alors viennent immanquablement les revendications séparatistes : soit d’une province riche qui veut se séparer du grand ensemble considéré comme plus pauvre (si le niveau étatique n’a pas fait preuve d’équité, cas yougoslave) ; soit d’une collectivité plus riche qui promeut la séparation d’une province pauvre, le jour où celle-ci réclame trop : les appels d’une certaine droite à l’indépendance des Antilles en sont le signe le plus évident. D’ailleurs, les Antillais devraient faire attention à ne pas porter trop haut leurs revendications (quelqu’en soit leur légitimité par ailleurs) car ils risqueraient de ne plus bénéficier de la solidarité nationale.

Voici ce qu’on pouvait dire du District de Columbia (le fameux D.C. de Washington D.C.), qui nous emmène aussi bien au G20 de Londres qu’en Guadeloupe…..

Olivier Kempf

samedi 28 février 2009

A propos de René Girard.

A la suite d'un de mes billets, un commentaire de "ménestrel et gladiateur" à poussé Stéphane Taillat à évoquer René Girard (ici).

1/ Pour ceux qui ne savent pas qui est René Girard, on dira qu'il est l'inventeur de la théorie mimétique, et on lira l'excellent billet de ménestrel/gladiateur qui nous donne un "René Girard pour les nuls" excellent résumé. Chapeau l'artiste.

2 Lisant Girard depuis vingt-cinq ans, j'attendais avec impatience qu'il se saisisse de la question de la guerre. Pour tout dire, j'ai été déçu par "achever Clausewitz". Je ne l'ai pas trouvé convainquant, mais il me manquait la maîtrise de CVC pour pouvoir y revenir et préciser mes critiques. Ceci explique largement ma lecture de CVC dont je rends compte dans mon blog, à petit pas.

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3/ Pour revenir à Girard, c'est brillant, incontestablement séduisant dans l'analyse des rapports sociaux, mais

  • 31/ il se répète, et je trouve que ses derniers ouvrages pèchent par là : il va dans des détails et des raffinements de plus en plus abscons ;
  • 32/ il n'a pas évoqué, dans le cas de la guerre, la question de l'Etat. S'il cite Hegel, il oublie (si ma mémoire ne me trahit pas) Max Weber et son monopole de la violence légitime : là réside, à mon sens, le défaut le plus patent.

Et c'est dommage ! car on attend justement une meilleure contribution de la théorie mimétique à la compréhension polémologique.

J'attends en fait le chaînon manquant, l'analyse du fait étatique par Girard, et donc celui de la rivalité pour le pouvoir, soit par le jeu politique (quelque soit le régime) soit par celui de la guerre interne (guerre civile, ou sécession). En fait, entre l'analyse sociologique et l'analyse de la violence guerrière, il manque l'analyse de ce qu'il y a au milieu : le politique.

Peut-être est-ce dû à cette volonté de rester à l'inter-individuel, ou au social, sans admettre qu'un Etat ou une nation (pour prendre le cas des rébellions de libération, par exemple) puisse avoir la personnalité morale, et donc une autonomie de violence par rapport aux membres qui le composent.

Mais ça fait partie du débat....

O. Kempf

mardi 17 février 2009

Faut-il tuer Descartes ?

Curieusement, deux auteurs, partant de deux points de vue totalement différents, mettent en cause Le fondement philosophique de René Descartes.

Immarigeon (voir ici), y consacre plus de dix pages (pp. 57-68) pour montrer que le cartésianisme trop parfait a trouvé refuge en Amérique : halte au déterminisme cartésien.

Hervé Kempf (voir ici, je n'ai pas encore écrit la fiche de lecture) le dénonce plus succinctement et moins ouvertement (p. 40) mais il y voit la cause de l'individualisme exacerbé à l'œuvre ces dernières décennies.

A chaque fois, critique du capitalisme, et dénonciation de l'abus de Descartes : coïncidence ?

O. Kempf

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