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Domination économique chinoise

L'édito économique de Pierre-Antoine Delhommais, dans le Monde de ce week-end, mérite quelques commentaires.

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ça parle de la Chine, dont la domination n'est en fait pas nouvelle, mais présentée comme le retour à une normale historique. Autrement dit, ce serait l'abaissement qui serait passager, et la domination occidentale l'exception. La chose est-elle discutable ?

Oui, bien sûr, sinon, je n'aurais pas commis ce billet !

1/ Car PAD, citant l'économiste britannique Angus Maddison ("Chinese Economic Performance in the Long Run, 960-2030", www.ocdebookshop.org), explique que celui-ci affirme "Tout simplement que, aussi loin qu'on pouvait remonter dans les statistiques, et à l'exception d'une "brève" parenthèse de deux siècles, l'Asie avait toujours été la région économique la plus puissante de la planète et la Chine la première puissance mondiale. En l'an mille, la part de l'Asie dans le PIB mondial était d'environ 70 %, de 65 % en l'an 1500 et de 59 % en 1820. C'est seulement à cette date, parce qu'elle loupe la révolution industrielle et se referme sur elle-même, que l'Asie dégringole dans les classements. Et que la Chine s'effondre : 29 % du PIB mondial en 1820, 14 % en 1880... moins de 5 % en 1950".

2/ Bref, ce n'est que raison si la Chine revient au premier plan qu'elle n'aurait, au fond, jamais dû quitter. Il y a là bien sûr une part de cette attitude curieuse des Européens modernes qui prennent un grand plaisir à se dévaluer, comme si eux seuls avaient, ultime supériorité sur le reste de l'humanité, la capacité d'une conscience si aiguë qu'elle voit tous ses défauts, sans pardon et qu'elle est toute indulgence aux autres.... Oh! certes, "l'Asie est devenue, en Occident, un objet permanent de peurs et de fantasmes économiques ", et ce n'est pas PAD, fort esprit s'il en est, qui sombrerait dans de tels errements.

3/ Toutefois, il y a quelque chose qui cloche dans cette "évidence". Tout d'abord, comme c'est l'usage, on aura un peu de méfiance quant aux chiffres annoncés : les usagers des sciences sociales savent, au bout d'un peu de pratique, qu'on arrive toujours à trouver les références qu'il faut pour prouver ce que l'on veut prouver, et que le déterminisme statistique, y compris historique, est toujours un peu suspect. Misère de l'historicisme, disait Karl Popper !

4/ Pourtant, ce n'est pas là ce qui me gêne, mais plutôt de décrire le "déclin" de la Chine à partir de 1820.... Au fond, la date me semble tardive, puisqu'elle est postérieure à la "découverte du continent" (au fait, n'oubliez pas l'invention des continents), du nouveau monde, à la fin du XV°.... et surtout, l'immense regain de puissance et d'enrichissement qui s'est ensuivi, dès le XVI° siècle, sans même parler du siècle d'or espagnol, puis de la domination portugaise, puis britannique...

5/ Bref, le ressort de la puissance "occidentale" et, en fait, de la première mondialisation, date de bien avant 1820! Signe qu'elle n'est pas seulement économique ! Mais le chroniqueur économique du Monde voit tout sous l'angle économique : là est probablement l'erreur : celle de la science économique de croire, benoitement, qu'elle suffit à expliquer l'ensemble du monde. Il manque d'un relativisme économique, notamment pour ces questions de mondialisation....

6/ Nous l'avons déjà affirmé ailleurs sur ce blog : la mondialisation ne peut se résoudre à une seule dimension économique (ni, d'ailleurs, à la seule dimension technologique des NTIC). Elle a aussi une dimension politique et culturelle, démographique, identitaire... Autant de raisons qui permettent de penser que contrairement au commentaire jouissant bizarrement de l'avilissement européen, il puisse y avoir des voies de regain dans cette partie là du monde....

...même si, j'en conviens, le spectacle actuel donne peu de raisons d'optimisme !

O. Kempf

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