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Relevez le défi de l'innovation de rupture (Ph. Silberzahn)

D'emblée, signalons que Philippe Silberzahn est un ami. On pourrait donc me suspecter d'indulgence. Je suis parfois (souvent) indulgent mais dans le cas présent, nul besoin de se forcer, tant ce livre vaut le détour. Philippe est professeur à l'EM Lyon et se consacre depuis de nombreuses années aux questions d'innovation. Il a développé ainsi une théorie de l'effectuation pour expliquer comment des entreprises innovantes peuvent se comporter pour ouvrir de nouveaux segments du marché. Dans ce livre, il s'intéresse non aux start-up mais aux entreprises déjà installées : comment doivent-elles agir pour innover, développer de nouveaux marchés, s'adapter à la concurrence.

Il prend ainsi l'exemple de Kodak : cette société a donc périclité parce qu'elle n'avait pas pris le tournant du numérique, chacun sait cela. Mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'elle avait développé depuis plus de quinze ans les brevets de la photo numérique? Et pourtant, elle n'a pas su s'appuyer sur ses compétences pour investir ce nouveau marché qui allait détruire l'ancien.

A partir de cet exemple, l'auteur nous prodigue de bien belles leçons entrepreneuriales. Par exemple :

  • l'innovation n'est pas forcément le fait d'une prouesse technologique : parfois, elle vient au contraire de produits low-cost qui répondent aux attentes d'une clientèle hors marché, parce que l'offre en présence est trop évoluée. C'est la notion de rupture par le bas, contre-intuitive et pourtant si souvent observée, quand on y réfléchit bien.
  • la difficulté vient surtout du "modèle d'affaire", plus que de la capacité technologique. Autrement dit, l'organisation de l'entreprise, sa culture, constituent souvent les vrais freins à l'innovation, qu'elle soit technique ou marketing.
  • la rupture est un processus, non un événement. Elle s'inscrit dans un temps assez long qui nécessite patience et souvent petits profits. L'exemple de Nespresso, développé par Nestlé pendant vingt ans, est le signe de cette persévérance. De même, il vaut mieux viser un gagne-petit au début, l'explosion viendra ensuite quand on aura testé le marché, amélioré l'offre et acquis une expérience nécessaire à répondre à la future demande massive.
  • Plus une entreprise est grande, plus elle a développé des mécanismes d'optimisation de sa production, donc des mécanismes de contrôle. Mais l'excès de contrôle est un frein immense à toute innovation, puisqu'il s'agit d'invertir dans de nouveaux modèles d'affaire, très risqués, sur un marché qui n'existe pas puisqu'il faut le créer, sans donc retour sur investissement aisément calculable.

Vous l'aurez compris ; voici un livre roboratif. Il est très clairement écrit (180 pages aérées et illustrées) et surtout évite le jargon des "stratégor" si couru dans les écoles de commerce (pardon, de management, je m'égare). Il explique surtout tout un tas de succès entrepreneuriaux que l'on observe en ce XXIème siècles commençant. Mais alors que nous sommes trop souvent persuadés qu'il s'agit de "cyber" (uberisation de la société, Facebook, etc.), l'immense intérêt du livre est de montrer qu'il s'agit d'abord d'organisation (ce que l'auteur appelle de modèle d'affaire) et de persévérance.

Extrêmement stimulant. Même si Philippe est un copain : cela ne l'empêche pas d'avoir du talent (son blog).

Relevez le défi de l'innovation de rupture, Philippe Silberzahn, Pearson, 2015

O. Kempf

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