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Marine et puissance maritime

Voici les quelques notes que j'ai prises lors du séminaire de l'autre jour : c'était particulièrement instructif et cela m'a permis de comprendre, par le haut, des questions fort actuelles : bref, une vision "globale" du fait maritime, qui dépasse la seule puissance navale (militaire). C'était tout à fait passionnant : merci à Laurent Henninger de l'avoir organisé, merci à l'Amiral Paumier, secrétaire général adjoint à la mer, de nous avoir fait part de ses réflexions.

O. Kempf

I Contexte

1/ La mondialisation est maritimisation du monde. Mais la mer n’a pas le même relief selon l’endroit : elle n’est pas vue pareillement à Singapour ou en France

2/ Le droit de la mer ne connaît que l’Etat, la mer est encore très westphalienne. La régulation des espaces, par exemple, est beaucoup moins régulée qu’en matière aérienne. La notion de haute-mer (non régulée) satisfait tous les Etats.

3/ Evolution des activités en mer, notamment de son exploitation : cela entraîne une multiplication des conflits d’usage

4/ Tentation naturelle de chercher l’optimisation d’ensemble :mais où s’arrêter sur la voie de ces intégrations ?

II Puissance maritime

1/ Il manque une réflexion maritime complète et politique (pas seulement économique ou politique navale). Depuis Casteix, pas de grand penseur d’influence internationale (même si Coutau-Bégarie, La Bouërie, ...). Il n’existe pas un seul modèle :l’Inde, le Brésil, l’Australie,le Japon ont des « politiques maritimes » cohérentes.

2/ Cohérence : comment la trouver par rapport à une approche très sectorisée : se voit quand on lie sa diplomatie extérieure à son activité navale (pol. navale, portuaire, transport, pêche, ...)

3/ Capacité d’être permanent : pas de logistique de circonstance pour une marine de haute mer : il faut des accords pour faire relâche et charbonner. Les Brits n’ont plus de colonies mais ont conservé tous leurs accords. D’où la question du format : faut-il se positionner par rapport au surge ou au travail de routine ?

4/ Le temps prend toujours une dimension particulière dans le domaine maritime. Ce n’est plus compatible avec le temps politique (même si le temps économique s’accommode du temps long maritime, cf. les investissements de long terme)

56/ La culture et les hommes : il faut être capable de s’absenter quatre mois, ce n’est pas dans les habitudes contemporaines. IL faut donc une population de gens de mer. Culture maritime : deux conceptions : mer comme bien commun de l’humanité, et mer comme lieu de ressources. Du coup, le marin comprend mieux la mondialisation, ses réseaux, ses impasses

III Stratégie navale : naval et politique

1/ Stratégie navale : command on the sea ou sea control  : ce débat demeure pertinent. Capacité à dominer ou capacité à contester (on n’a jamais autant vendu de sous-marins). Projection (de puissance, de force). Diplomatie navale : on ne sait pus faire, en France. Maintien du bon ordre en mer : prend énormément d’importance : dvpt des activités, donc des activités illégales d’où constabulary operations

2/ Naval et politique Les Etats-Unis viennent d’inventer la marine nationale, en réunissant la Navy, les Marines les coast guards. UE l : depuis Lisbonne, comment mettre en cohérence la PMI (politique maritime intégrée) et la PESD. ? Otan : concept de « maritime security operations » (à traduire par « sécurité maritime ») FR : discours PM à Brest et PR à Lorient. « Livre bleu : une stratégie en mer : cohérence des activités, peu de choses sur la sécurité Question de toues les marines (format) : je fais de la police, ou non ? il semble inéluctable qu’il faille étendre le spectre : mais csq sur les gros bâtiments

Commentaires

1. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par Cadfannan

A quand ce genre de colloques à Toulon?
égéa : c'est une idée.... je  suis en contact avec l'amiral... contactez moi...

2. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par Thibault Lamidel

A quand ce genre de colloques à Brest aussi ?

Si vous souhaitez une culture "maritime" et de nouveaux penseurs, il y a aussi fort à faire ici. Je ne vais pas vous raconter comment je découvre les manuels de stratégique navale ou maritime dans ma Bibliothèque Universitaire, mais l'affaire vaut le détour ! Au niveau universitaire on est dispersé. Au niveau de la Commune on est cloisonné, sectorisé : pas de pont entre l'Ecole Navale et une école civile (s'ils existent, prévenez-moi, je serais tellement content d'être dans l'erreur...) ! Brest et Toulon sont deux grands exemples de ville maritime. Seulement, dans le cas brestois, je rêve d'une "Grande Bibliothèque Navale" pour rassembler universitaires, marins, chercheurs et professionnel en tous genres autour d'un grand centre de documentation, associé au Service Historique (et pourquoi pas aussi avec le Musée ?).

Pour la puissance navale ou maritime, vous avez mis le mot sur une chose : la cohérence. Le livre blanc français ne l'est pas. Ce n'est qu'une somme d'impasses sur tellement de questions qui font la nature même de la Marine. Je les résumerais grossièrement à la distinction du rôle de la Marine de Guerre et de la "Marine de Guerre économique" (ZEE, etc...). C'est ce creuset de protection territoriale et économique qui fait presque l'essence de la Marine. Il faudra bien un jour lâché ce que l'on ne fait plus : un statut naval.
J'ai été particulièrement frappé en lisant un article de la Revue Maritime des années 80 faisant état de la stratégie maritime soviétique. C'était d'une cohérence à vous faire frissonner ! De la Marine de Commerce à la Marine Scientifique en passant bien sûr par la Marine de Guerre, tout y était ! Même la diplomatie navale ! Quand on lit cette "petite" chronique et qu'on regarde de loin notre livre blanc, un fossé nous sépare.

Cordialement,

Thibault Lamidel

égéa : si je devais vous raconter une anecdote .... or donc, il y a quelques mois, un jeune chargé d'étude d'un centre de recherche brestois de stratégie navale (je ne sais plus lequel, mais sûrement très prestigieux) me contacte pour me demander de participer à un séminaire sur je ne sais plus quel sujet. Je dis oui. Le type me dit : présentez vous succinctement, que je boucle le dossier auprès de la direction des études. Je m'exécute. Deux jours plus tard, le même, un peu gêné, revient vers mois et m'explique que le responsable a jeté un coup d'oeil sur internet, a vu un article où il était fait mention de ma situation de l'époque (c'était, je crois, mon premier article d'il y a dix ans) et juge que je suis décidément pas du niveau. J'ai bien évidemment répondu au quidam que je voyais bien là le sérieux de sa maison, qui "jugeait" de la qualité d'un intervenant à la seule qualité d'une mention Internet, qui plus est vieille de dix ans, et que les individus pouvaient évoluer, et même peut-être se bonifier... Il ne m'a pas répondu.
Bref, les Brestois m'ont beaucoup marqué, ce jour là, où je ne sais même plus s'il pleuvait, Barbara....  Je crois que j'ai décidé que je ferai la grève de Brest pour au moins deux ans. ça tombe bien, je suis tellement anonyme que personne n'a songé à me réinviter. Les marins frayent entre eux.....
Toulon : j'y allai en vacances quand j'étais petit, j'ai donc un préjugé favorable.....
Bon, allez, j'aime bien la mer, j'ai même un bateau, c'est dire....

3. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par Yves cadiou

Cher Olivier Kempf, votre diatribe concernant ma ville de Brest démontre que vous ne savez pas ce qui différencie, en Bretagne, l'Arcoat de l'Armor. Je vous expliquerai prochainement.
égéa : cher Yves Cadiou, il doit donc y avoir à Brest des centres universitaires argoat et d'autres armor : ce qui explique leur différence stratégique.
Dans le Morbihan (gallo), c'est bien, on ne se pose pas ce genre de questions : on accueille les Parisiens qui viennent retaper les longères et dépenser leurs revenus dans des contrées touristiques et donc colonisées : au moins y a-t-il un peu de mer, de voile et de soleil.
Ma remarque est, évidemment, parfaitement gratuite, injuste, partialle et subjective, et surtout sérieuse.

4. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par

Piqué au vif par les provocations « parisiennes » d’Olivier Kempf, j’explique Brest pour les Parisiens. Explication qui est utile en géopolitique parce qu’elle se retrouve dans tous les pays côtiers, du moins ceux que j’ai fréquentés.

Par Brest passe une ligne de partage sociologique, non-officielle mais tellement traditionnelle (au vrai sens du mot) qu’elle se retrouve dans le vocabulaire qui différencie l’Arcoat (la forêt) et l’Armor (la mer), c’est-à-dire l’intérieur et la côte. Cette ligne suit la côte bretonne depuis l’embouchure du Couesnon au nord jusqu’à l’embouchure de la Loire au sud. Cette ligne psychologique sépare très exactement les lieux d’où l’on peut voir la mer de ceux où l’on ne peut pas la voir. C’est-à-dire que cette ligne psychologique sépare les gens qui savent que la mer est ronde de ceux qui, au contraire, croient que leur clocher (ou leur estrade, en l’occurrence) est au centre du monde. Les deux pignoufs qu’Olivier Kempf nous raconte appartiennent évidemment à cette deuxième catégorie. Comportement aggravé peut-être dans ce cas par la pratique d’une profession où quelques uns, à pérorer pendant des années face à des élèves par définition ignorants, finissent par se prendre pour Zarathoustra.

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Revenons à cette ligne psychologique qui sépare les lieux d’où l’on peut voir la mer de ceux où l’on ne peut pas la voir. Elle fait des détours curieux que vous pourrez observer jusque dans les bistrots : à Brest au « Cap Horn » (juste à la sortie de la gare TGV) ou au « Tour du monde », le personnel a voyagé par procuration et ce n’est pas du tout le même accueil qu’à « la Gentilhommière », pas loin de la fac, sympa aussi, la plus ancienne enseigne de Brest (dixit le patron), mais où visiblement l’on n’a pas vraiment le pied ni l’esprit marin.

En Bretagne il n’y a pas que les bistrots, il y a aussi les églises : celles de l’Armor ont leurs ex-voto. Pas d’ex-voto ? Vous êtes à coup sûr dans l’Arcoat. Et les mairies : à Landerneau, la salle des mariages est décorée d’une multitude de bateaux. Je sais que vous allez me dire « mais à Landerneau, on ne voit pas la mer » et c’est vraiment une objection de Parisiens ! Regardez mieux, juste à côté de la Mairie de Landerneau, on voit la marée qui remonte la rivière salée jusqu’ici.

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Du fait que j’écris ceci en mai, approchant de la période où vous aurez peut-être envie de changer d’horizon et d’aller sur une île bretonne, je vous suggère de choisir parmi les îles trop petites pour qu’y passe la ligne psychologique : ces îles où se retirent les vieux marins. C’est sur l’une d’elle non loin de Brest que j’ai appris beaucoup au sujet du canal de Suez, sans écluses mais de tonnage limité, et de Mourmansk où il est dangereux de sortir de la salle des machines par moins quarante degrés dehors.

Ce qui me ramène (habilement, vous en conviendrez) aux sujets qui dominent les récents billets d’égea : l’ouverture de nouvelles routes maritimes, la puissance maritime. A Brest, où prédominent les gens qui ont voyagé et qui précisément ne sont pas ceux qui « frayent entre eux », on saura s’adapter.

égéa : voyant la mer de mon pré, j'en déduis qu'il est armor. Ce qui va bien au cavalier blindé que je fus ;p))))
Quant aux pignoufs, j'ai quand même vaguement cru comprendre qu'ils enseignaient dans une académie plus ou moins navale : mais avec le désarmement de la Jeanne, je ne m'étonne plus de rien.

5. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par

Ils enseignaient peut-être dans une école de conchyliculture générale.

6. Le lundi 24 mai 2010, 19:26 par Thibault Lamidel

Je crains de passer pour l'idiot de passage.... (mais tant pis).

Je remercie Yves Cadiou de son explication qui me permet de comprendre mieux le lieu où je vis.

Malheureusement (et c'est là que l'idiot du village arrive à grand pas), cela ne permet pas d'expliquer le cloisonnement des gens de la Mer et des observateurs de cette même puissance dans Brest. Ce qui reste essentiel pour moi.

Et puis, histoire de faire de la mauvaise fois, en continuant sur la route que je me suis tracé, ma passion de la Marine et de la Mer m'est venu d'un Arcoat très lointain : Amiens, Picardie (je triche, un ancien baliseur de la baie de Somme a illustrer mon imaginaire d'alors).

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