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Houellebecq et le parc des princes

Non, je n'ai toujours pas lu Houellebecq, ce qui est très houellebecquien, m'apprends un lecteur à la suite d'un premier billet qui a été beaucoup lu et qui mérite donc d'être relu..

Et quand je parle du parc des princes, je n'évoque pas la meute des médias chez Drouant où un verre de vin a même été renversé, rendez-vous compte ? Donc, Houellebecq a eu le Goncourt, et je vais vous parler de football et de géopolitique, ce qui est parfaitement logique puisqu'il s'agit de carte et de territoire.

En effet, Le Monde d'hier nous apprend que le PSG cherche à pacifier le Parc des Princes (il faut être abonné - au Monde, pas au PSG- pour pouvoir lire l'article).

Nous voici en effet devant un cas non de microgéopolitique, mais de nano géopolitique, et tout à fait typique à la fois de problématiques plus macro, mais aussi des perceptions de notre auteur.

Pour faire simple, deux tribunes (Auteuil et Boulogne, pas du Monde) du Parc étaient peuplées de clubs qui s'étaient homogénéisés. Toujours pour faire simple, et si j'ai bien compris, les tribunes étaient peuplées dans un cas des petits blancs dérivants vers des comportements racistes, de l'autre des nouveaux Français qui répondaient au racisme par des comportements tout aussi radicaux, sans qu'il soit possible de dire qui était le premier dans l'escalade mimétique. Toujours est-il que la rivalité de supporters s'est transformée en rivalité de populations, implantées dans des espaces, donc "territorialisées" ce qui renforçait l'agglomération des populations toujours plus ressemblantes, toujours plus identifiées. Au point que cela supplantait la rivalité "traditionnelle des "classico" OM-PSG, qui rejouait (sur-jouait, pour une fois qu'il y avait qq'1 qui jouait dans ces matchs là, mais c'est une autre histoire) la rivalité Paris province, Nord contre Sud, Oil contre Oc, continental contre méditerranéen, etc...

Et la carte, me direz vous ? elle réside dans le plan du stade et donc l'allocation des billets. Plusieurs fois, la direction du PSG a fait jouer "à domicile" (quelle expression !) sans remplir les tribunes. Vides. Bannissement de la population. Et là, elle vient de décider de placer les gens aléatoirement. Autrement dit, d'imposer la mixité des populations pour sortir de la logique territorialisée. Au risque de perdre temporairement des revenus financiers (la billetterie), ces moindres rentrées étant considérées comme un investissement (sur la marque PSG qui doit redevenir "bon enfant"). On remarquera d'ailleurs que la "comm" passe par un article dans "le journal de référence", Le Monde, plus que dans l'équipe (même si le Monde surjoue lui aussi dans son reportage).

Voici donc un acteur privé qui prend des décisions "géopolitiques" puisqu'il s'agit de son intérêt privé, et dans le même temps aussi d'un service public !

Et Houellebec dans tout ça ? il n'aime pas le foot, est bien content d'avoir eu le Goncourt, vient d'écrire un bouquin qui sera un succès de librairie et que je lirai peut-être lorsqu'il paraîtra en poche. La dernière fois que j'ai commencé un Goncourt, c'était Jonathan Littel et j'ai été très déçu. Mais il s'agissait d'histoire militaire, ce qui m'a toujours ennuyé. La géographie de Houellebecq me réconciliera peut-être avec Drouant où, parait-il, on ne fait pas que voter : on y déjeune, aussi.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 10 novembre 2010, 12:27 par Christophe Richard

Bonjour,
Trés intéressante réflexion sur le PSG.
Cela me rappelle un vieux souvenir d'histoire byzantine, au sujet d'une révolte qui avait trouvé son origine dans des affrontements entre "supporters" d'équipages de courses de chars. Il faudra que je retrouve la source...
Mais cela me fait aussi m'interroger sur plusieurs points.
- La dimension symbolique de ces "territoires" temporaires, qui fait écho à la distinction entre les "lieux" et les "non-lieux" postmodernes.
- Le besoin d'identification à un groupe viril, et l'expression plus ou moins
symbolique de la violence, qui me semblent revétir une dimension guerrière primitive,et surtout sauvage, car coupée de toute légitimité politique.
La première conclusion, partielle, à laquelle cela m'amène, est que notre société ne parvient plus trés bien à canaliser les dynamiques guerrières, car elle prétend les ignorer plutôt que les organiser.

Bien cordialement

2. Le mercredi 10 novembre 2010, 12:27 par François Pignon

Alors Olivier Kempf, vous n’avez pas lu Houellebecq ! On n’arrête pas le progrès : voilà que désormais, grâce à internet on peut affirmer tranquillement, par deux fois et sans faire scandale, qu’on n’a pas lu le dernier Goncourt. Tout en laissant entendre qu’on n’a pas l’intention de le lire, du moins pas tout de suite. Merci pour tous ceux qui, comme moi, sont dans le même cas.
L’un des habitués de ce blog faisait allusion, il y a quelques semaines, au « dîner de cons ». On devine maintenant que ne pas avoir lu Houellebecq, ou attendre qu’il sorte en poche, va devenir un de ces messages codés qui permettent aux cousins de François Pignon de se reconnaître dans les dîners du mercredi chez Monsieur Brochant. Parce qu’il existe des codes qui sont compréhensibles seulement par nous, les cons.
Voici une anecdote. C’est pour ne pas être désagréable avec les braves gens dont je vais parler, parce que j’ai toujours et partout observé avec intérêt les coutumes locales, que je raconte sous anonymat l’histoire qui suit, mais le Maître du Blog connaît mon identité. Je n’ai aucune honte à n’avoir pas lu, à ne pas trouver d’urgence à lire, Houellebecq. Il y a quelques années, j’étais régulièrement invité à dîner en ville parce que ma compagne de l’époque était une notable (je n’ose pas dire qu’elle avait pignon sur rue) dans une bourgade où la bonne société se prenait volontiers pour le centre du monde, peut-être même l’élite du monde. Il est vrai qu’on était quand-même dans une ville sous-préfecture de quarante mille habitants, cé pas rien. On se flattait d’avoir cette personne à dîner et l’on m’invitait avec elle parce que ça se fait. Pour ressentir la condescendance dont j’étais l’objet, il aurait fallu que je sois beaucoup plus subtil que je ne suis : apparemment j’étais un convive comme les autres. Mais avec ma double étiquette « pas d’ici » et « ancien militaire de carrière », j’avais toujours dès le départ deux longueurs d’avance pour être le vainqueur du concours de cons. Houellebecq n’existait pas mais j’utilisais d’autres trucs pour savoir si j’avais des cousins ou cousines dans l’assistance : par exemple « je n’ai presque rien lu de Balzac, seulement La Comédie Humaine. » S’il n’y a pas de réaction on se sent très seul. Mais on prend le risque parce qu’au contraire on se sent mieux si quelqu’un enchaîne par « mon GPS est en panne : l’autre jour à Paris, il ne trouvait pas le Boulevard des Maréchaux » ou par « j’aimerais visiter l’Afrique équatoriale : on va aller à Cayenne, j’ai vu des photos, c’est super ». Alors on se reconnaît entre gens qui savent que Cayenne est le seul endroit d’Afrique avec lequel nous avons plusieurs heures de décalage.
Mon salut confraternel à tous ceux qui n’ont pas lu Houellebecq, on se reconnaîtra chez Brochant un de ces mercredis.
égéa : Brochant ou Drouant ????????? Seriez vous en train de sous-entendre que chez Dourant, c'est un lundi de cons ? Elle est splendide.

3. Le mercredi 10 novembre 2010, 12:27 par

Pas mal le coup du Balzac ...

@ C. Richard :

Les "émotions populaires" constantinopolitaines qui ont pour manifestation la plus visible l'opposition entre les supporters des Bleus et des Verts (qui à la base soutiennent des équipages lors des courses de char) sont assez nombreuses.

Une ville de plusieurs centaines de milliers d'habitants, entassés et majoritairement pauvres, ça remue assez, surtout si en plus des problèmes sociaux, on y introduit des querelles théologiques.

Mais je pense que vous faites plus particulièrement allusion à la révolte Nika, en 532.
A cause d'un intérêt commun dans la libération de deux hommes mais aussi devant la pression fiscale (et bien sûr le soutien de factions aristocratiques ayant un tout autre objectif), les Bleus et les Verts assiègent le Grand Palais après une journée de courses, avec pour but évident de renverser l'empereur Justinien.

La révolte ne s'éteignant pas avec la journée (contrairement à d'autres journées d'émeutes) et se radicalisant, Justinien fait revenir son général Bélisaire pour tenir le rôle de Bonaparte en 1795 après avoir divisé les révoltés.
La révolte est matée, avec peut être 30 000 morts et la destruction d'une bonne partie de la ville dont Sainte Sophie que Justinien fait rebâtir.

4. Le mercredi 10 novembre 2010, 12:27 par

Il y a des prix Goncourt qui valent le détour même si son attribution est le résultat de petites combines entre éditeurs (enfin, c'est ce qu'il se dit). Et même si le jury de Drouant a raté LF Céline en 1932 pour distinguer un écrivain qui n'a pas été couronné par la postérité (la postérité, c'est faire un discours aux asticots avait écrit le LF Destouches...), il n'en reste pas moins que parmi les lauréats, on peut citer Proust, Jacques Laurent, Romain Gary (2 fois), Malraux, Bodard, Modiano, Tournier, Patrick Rambaud (pour les nostalgiques du Ier Empire) et j'en passe. Quant à Houellebecq, Goncourt ou pas, c'est un écrivain qui mérite d'être lu. Cela dit, je ferai comme vous, Olivier, j'attendrai que son dernier livre sorte en poche. Citer "Extension du domaine de la lutte" dans un dîner en ville donnera toujours l'impression d'avoir un train d'avance :)

Quant au PSG (pour lequel j'ai une faiblesse en tant qu'amateur de football), il serait intéressant de savoir si le phénomène que vous avez évoqué est semblable dans d'autres clubs. A Marseille par exemple, l'on parle de "virage sud" et de "virage nord", avec des supporters qui se "répondent".

égéa : Marseille, je ne sais pas. IL faudrait demander à Daniel Besson

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