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La sphère stratégique nucléaire

J'ai publié dans le numéro d'été consacré au "nucléaire militaire", un article un peu théorique sur la sphère stratégique nucléaire (ci-dessous, intro, plan détaillé, conclusion). Sachez que je travaille pas mal sur ces questions de dissuasion en ce moment. On verra ce que ça donnera. Mais je profite de ce court billet pour recommander chaudement le numéro de la RDN, qui est passionnant et extrêmement complet. Il vaut réellement le détour.

L’arme nucléaire apparue au milieu du siècle dernier a profondément structuré les stratégies militaires d’un grand nombre d’Etats, qu’ils en soient dotés ou non. Elle a donné naissance à une « sphère stratégique nucléaire » qui s’articule avec les grandes stratégies mais aussi avec les autres stratégies de milieu (terre, mer, air …). Cette sphère stratégique obéit à un certain nombre de principes, les uns portant sur la dialectique stratégique, les autres sur les capacités, ce qui a entraîné de profondes conséquences sur la mise en œuvre de l’arme.

I La sphère stratégique nucléaire

Je décris cette notion, évoquée dans "Introduction à la cyberstratégie".

II Principes de doctrine stratégique

Le système français repose sur une double série de principes, les uns portant sur la dialectique stratégique, les autres sur les capacités. Quatre principes portent sur la dialectique stratégique : ceux de volonté, d’omni-direction, de continuité et de flou. Trois principes portent sur la capacité stratégique : ceux de crédibilité, de permanence et de suprématie. Ces sept principes ont plusieurs conséquences stratégiques, propres à cette mécanique de la dissuasion.

Conclusion

L’arme nucléaire constitue donc une sphère stratégique autonome. Si elle ne saurait ordonner tous les conflits, elle demeure toutefois structurante au point de profondément affecter l’ensemble de calculs stratégiques. La sphère nucléaire, en tant que sphère stratégique, présente une caractéristique : elle est issue de la maîtrise scientifique de la matière et en cela, elle peut être perçue sous son seul aspect d’innovation technologique. Pourtant, l’essentiel n’est pas là : il est dans le caractère artificiel et anthropogène de cette arme et donc de cette sphère stratégique. Celle-ci, pour la première fois dans l’histoire, n’est pas simplement un milieu naturel qui est dominé par la technologie, elle est une création humaine, un « milieu » artificiel (même si, on l’a compris, le mot milieu est inadapté et justifie qu’on ait adopté celui de sphère stratégique).

Elle présente des caractéristiques propres (les sept principes énoncés) qui emportent de multiples conséquences que nous avons esquissées. Cependant, malgré sa totalité, la sphère nucléaire ne saurait réduire à néant toutes les rivalités de puissance qui trouvent d’autres lieux pour s’exprimer, que ce soit dans d’autres champs (guerre économique, cyber conflictualité) ou d’autres modalités (conflits irréguliers). Mais la sphère nucléaire organise les relations westphaliennes qui demeurent, aujourd’hui, centrales. C’est ce qui assure la pérennité de l’arme et milite pour poursuivre les efforts de mise à niveau afin notamment de maintenir les compétences (dans le domaine nucléaire –arme, vecteur, porteur) plus encore que dans d’autres, quand on abandonne une compétence, il faut trente ans d’efforts pour la récupérer.

Pourtant, les possibilités stratégiques de contournement de la sphère nucléaire semblent se profiler. Au fond, elles reposent sur la négation du caractère absolu de la puissance nucléaire. L’apparition de nouvelles formes de puissance stratégique et technologique est envisageable, mais encore à un horizon encore lointain. D’ici là, l’arme nucléaire est incontournable et il serait inconséquent de renoncer à la maintenir.

Commentaires

1. Le jeudi 3 septembre 2015, 22:21 par Spurinna

Merci pour votre article, très structuré et direct (surtout la seconde partie). J'ai aussi aimé votre comparaison avec le douhetisme, que je n'ai pas souvenir d'avoir lu ailleurs.

Le volume en lui-même est touffu et sur un spectre on ne peut plus large. Les différents articles sur la Russie sont à faire ressortir, tout comme celui de P. Razoux sur Israël ou encore celui de F. Géré (le haut du panier). D'autres contributions sont plus assommantes (SSA) voir involontairement comiques (le juridisme comme politique ...), mais quand on cherche à tout couvrir ...

__Egéa__: Merci de vos compliments. Oui, pour le douhetisme, je crois être le premier à le noter. Mais il y a aussi d'autres premières, dans l'article, qui est assez structurant, vous l'avez compris. Je dois poursuivre le travail, mais voilà, j'ai aussi pas mal de petits devoirs à droite à gauche... Pour le volume RDN, oui, il est touffu mais très intéressant. Effectivement, certains articles institutionnels peuvent paraître marginaux, mais il faut voir aussi que ce sont des sujets rarement traités. L'ambition a été de couvrir large, plus que le champ habituel des débats sur le nucléaire... De ce point de vue, une réussite, à mon sens, j'y ai appris plein de choses, ça a bien nourri ma réflexion.

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